En cette période de confinements à répétition, les podcasts constituent un nouveau canal d’expression et d’échanges. De nombreuses personnalités y ont recours : société, histoire, spectacles, tout y passe. Même l’humour ! Parmi elles, Madame Meuf a fêté le 29 mars dernier sa 300ème en intitulant sobrement l’événement 300 Femmes. Le tout, à raison de cinq podcasts par semaine depuis janvier 2020. Dans l’interview qu’elle nous a accordé, elle revient sur son parcours, ses thèmes de prédilection et la relation spéciale tissée avec son public…
Hélène Vézier, alias Madame Meuf, est une femme comédienne et autrice de 41 ans. Il y a deux ans et demi encore, elle travaillait dans la politique, où elle était assistante parlementaire au Sénat. Passée par Sciences Po Toulouse, elle a ensuite étudié la communication politique à la Sorbonne. Puis elle a suivi outre-Manche un cursus en gender studies à Brighton. Elle a retiré de son passé estudiantin une certaine façon de structurer sa pensée. “Je suis en mesure de parler de tout, en présentant mes arguments de façon ordonnée, y compris pour l’écriture dramaturgique. Même si ce n’est pas la même chose”, précise-t-elle.
Car Madame Meuf a toujours été saltimbanque dans l’âme. “J’ai commencé à faire du théâtre à l’âge de neuf ans. Puis j’ai continué durant toute ma scolarité, en amateur. J’ai fait partie de la ligue d’impro et j’ai fréquenté les cours Cochet. J’ai également monté une compagnie l’année même où j’ai commencé à travailler”. Rapidement, Madame Meuf a dû faire une place de plus en plus importante à ce qui l’animait réellement dans la vie. “Au début c’était le théâtre, à présent j’éprouve encore plus de plaisir à écrire”.
Madame Meuf : des podcasts et des thèmes
Madame Meuf n’a pas peur de la page blanche, car le monde qui l’inspire évolue tous les jours. Si elle est en manque d’idées, elle se contente d’ouvrir le journal. “Je passe ma vie à être en ébullition sur beaucoup de sujets”, lâche-t-elle. “Je fonctionne beaucoup à partir de notes écrites enregistrées à la volée sur mon téléphone — j’en ai énormément. J’ai du mal à planifier mes sujets longtemps à l’avance, car je fonctionne à l’envie. Tout doit partir d’une impulsion”.
Ainsi, en mars dernier, Madame Meuf a focalisé ses interventions sur des sujets féministes, à partir de la Journée internationale des droits de la femme du 8 mars. Sinon, elle organise ses thèmes à la façon d’un magazine. “Madame Meuf, ce n’est pas un journal intime. Je n’y raconte pas ma vie. Quand j’amène un sujet, cela part souvent d’une anecdote qui a pu m’arriver, qui a pu arriver à une copine, ou alors qui est inventée. Je la relie par la suite à l’actu. Sinon, j’aime bien les petites impro un peu loufoques”.
Madame Meuf essaie de recréer l’ambiance d’une conversation avec un(e) pote autour de la machine à café, sur un ton sans doute un peu plus cash que ce qu’on pourrait entendre dans les couloirs d’une entreprise. “Cela peut être aussi une anecdote de soirée”, continue-t-elle. “Ou encore un coup de gueule engagé. Je me rends compte que mes thèmes correspondent aux sujets de société du moment”.
En mode loufoque, aussi…
Cependant, Madame Meuf ne se contente pas d’aborder des sujets en les construisant soigneusement, comme si elle écrivait une dissertation. “Par exemple, il m’est arrivé de faire une critique du film Peau d’Âne, un de mes préférés. À cette occasion, je me suis contentée de simplement donner mon opinion, sur un mode loufoque et improvisé”.
Généralement, elle aime bien mélanger sérieux et léger. “Madame est sérieuse, engagée, Sciences Po, mâture. Meuf est plus légère et adolescente attardée. Cela montre les ambivalences qu’il y a chez moi, comme chez tout le monde. J’aime aussi bien parler d’Aya Nakamura que de Nietzsche. Ce contraste produit d’ailleurs un effet comique. Aujourd’hui par exemple, j’ai fait une fausse dissert’ sur des paroles d’Amel Bent. Cela reflète mon mélange de culture pop d’un côté, de culture sérieuse de l’autre”. Férue de dérision, Madame Meuf se réfère à Nietzsche qui disait qu’on avait inventé l’humour pour supporter la vie.
Relation de proximité entre Madame Meuf et son public
L’audience de Madame Meuf est en progression régulière, à 100 000 écoutes par mois au moment de la publication de cet article. Son public est à 70% composé de femmes, proportion ayant tendance à augmenter. L’âge varie entre 18 et 45 ans, avec un pic entre 23 et 27 ans.
En pleine ascension, Madame Meuf se montre toutefois soulagée de ne pas encore être assez connue pour se faire troller. “Je poste beaucoup sur Instagram qui est le pays des gentils”, nous dit-elle. “Les gens sont bien disposés à mon égard puisqu’ils se sont abonnés à mon profil. En conséquence, j’ai des messages hyper sympas et gentils. Les gens se sentent proches et se confient beaucoup. Ça fait du bien, en tant que comédienne. Mon spectacle s’étant arrêté à plusieurs reprises en raison des confinements successifs, je me sens ainsi soutenue et suivie grâce aux réseaux sociaux.”
Il n’y a guère que sur Twitter que Madame Meuf a eu une déconvenue le jour où elle a posté une photo potache d’elle-même pour illustrer la tenue républicaine lancée par Jean-Michel Blanquer à la rentrée 2020. “Les gens n’avaient pas du tout compris le second degré. C’était n’importe quoi ! Mais il y a eu également beaucoup de personnes qui m’ont défendue. Si bien qu’un gros débat plus ou moins policé a vu le jour grâce à ma photo provocante”. Mais en général, les retours sont plutôt positifs, et Madame Meuf reçoit même des cadeaux de la part de certains de ses admirateurs !
Bababam à la production
Madame Meuf ne gère pas les aspects liés à la production de son podcast. Elle écrit, interprète, donne des indications dans un script précis concernant l’ambiance sonore, les coupes et le rythme qu’elle souhaite. La production est assurée par Bababam en la personne d’un monteur / ingénieur du son, comprenant bien les effets de rythme et d’ambiance qu’elle recherche. “Au début, je ne connaissais rien aux aspects techniques,” avoue-t-elle. “L’adresse est différente de celle de la scène ou même de la radio, puisque je suis seule dans la boîte. J’ai donc appris au fur et à mesure que je faisais des podcasts”.
Concernant leur durée, l’idée de départ était de partir sur un format de cinq minutes par jour. “Puis, petit à petit, reprend-elle, mon naturel a repris le dessus et j’ai expérimenté. Comme il est vrai que pendant les confinements, on est amené à faire davantage la cuisine, j’ai eu l’idée de m’enregistrer pendant que je cuisinais. J’ai pensé que cela pourrait être drôle car quand je cuisine, ça part dans tous les sens !” L’idée consistant à répliquer les tests réalisés par les YouTubers à longueur de vidéos a bien fonctionné.
Encouragée par ce succès, Madame Meuf a renouvelé l’expérience en changeant de sujet. “Tous les lundis, je fais donc des tests : bricolage, coupes menstruelles, vibromasseurs, mais aussi changement de mon téléphone dans une boutique Orange, etc. Équipée d’un micro embarqué, je me mets dans une situation et j’improvise. Le rythme est un peu retravaillé au montage. D’autres épisodes sont plus courts, ce sont généralement les plus écrits”.
Rendez-vous est pris pour septembre, Inch’Allah !
“Je suis complètement à fond. J’adore ce que je fais. Je suis bourrée d’envies !”, conclut Madame Meuf. À ce titre, le Covid a contrarié ses projets : “Ma reconversion alors que tout était à l’arrêt a représenté quand même un sacré challenge pour moi !” Plusieurs de ses projets ont ainsi été stoppés net dans leur élan. À présent, elle plante des graines en espérant que la rentrée de septembre lui ouvrira de nouveaux horizons. Pourrait-elle par exemple rassembler ses podcasts pour en faire un recueil de confinement ? “J’ai un projet de bouquin,” nous révèle-t-elle. “Mais cela se fera sur un thème et sous un format différents”. Madame Meuf, à suivre, donc !
Avez-vous profité vous aussi du confinement pour vous mettre aux podcasts ? Quels sont ceux que vous suivez ? N’hésitez pas à nous en dire plus dans la section des commentaires…