Du haut de son mètre soixante-dix-huit, voilà plusieurs saisons qu’Adut Akech fait tourner la tête de la mode. Sous ses airs de Grace Jones, avec son teint d’ébène et sa moue mutine, l’australo-soudanaise foule absolument tous les podiums des fashion weeks, devenant la coqueluche des créateurs. Avec un CV hors-norme, Adut est ainsi devenue la fière égérie de ces nouveaux mannequins engagés, redonnant espoir en une mode enfin placée sous le signe de la diversité. Portrait de cette étoile montante du mannequinat.
De jeune femme réfugiée …
Rien ne prédestinait Adut à ce monde fashion et glamour. En effet, la jeune fille est née dans l’actuel Soudan du Sud le 25 décembre 1999, son jour de naissance inédit laissant déjà présager un destin grandiose. Quelques mois plus tard, sa famille fuit la guerre et se rend à Kakuma, un camp de réfugiés au Kenya. 7 ans plus tard, elle part pour l’Australie afin de démarrer une nouvelle vie.
Adut fait ensuite ses premiers pas dans le mannequinat à l’âge de 13 ans. Elle défile tout d’abord pour sa tante, modeste créatrice de vêtements. À 16 ans, elle signe un contrat avec l’agence Chadwick Models à Sydney. Néanmoins, c’est lors de la Mercedes Benz Fashion Week Australia à Melbourne que le déclic se produit. En effet, elle est prise en photo pour un casting d’Yves Saint Laurent en vue de la fashion week parisienne. Quelques jours plus tard, elle reçoit un appel lui confirmant qu’elle est retenue pour le défilé d’YSL. Elle prend alors l’avion pour Paris dès le lendemain, et y fait ses débuts majeurs au défilé printemps-été 2017 d’YSL. Elle devient ainsi la nouvelle protégée du créateur Anthony Vaccarello. En effet, elle signe avec Elite Model Management un contrat d’exclusivité pour Saint-Laurent. Sa carrière est lancée !
“J’ai participé à presque toutes les campagnes depuis que Anthony [Vaccarello] est devenu le directeur artistique, j’ai grandi proche de lui et de l’équipe. Ils sont comme ma famille”, explique-t-elle au magazine I-D.
À mannequin ultra prisé !
Tout s’accélère ensuite pour Adut. Libérée de son engagement avec YSL, elle enchaîne ensuite 32 défilés lors de la fashion week automne-hiver 2018. Tous les créateurs la veulent : de Calvin Klein à New York au show Fendi à Milan, en passant par Chanel, Dior et Givenchy. Adut Akech devient ainsi un incontournable sur la scène mode.
La jeune femme fait également la une de multiples journaux et enchaîne les couvertures de magazines. Elle participe également en 2018 au fameux calendrier Pirelli, réalisé par le photographe Tim Walker. Ce dernier choisit d’uniquement photographier des mannequins noirs, Adut étant donc aux côtés de Sasha Lane, Whoopi Goldberg, RuPaul ou encore Naomi Campbell. Arrive ensuite la consécration d’un parcours extraordinaire. En novembre 2018, Adut Akech fait la une de Vogue Australia, 2 ans seulement après avoir démarré sa carrière dans la mode. Adut boucle ainsi la boucle avec brio.
Mais cela ne s’arrête pas là ! Après Anthony Vaccarello, c’est Karl Lagerfeld qui s’éprend de la beauté soudanaise. En juillet 2018, lors du défilé Chanel automne-hiver, le Kaiser la choisit pour présenter la robe de mariée clôturant le show. Dans un ensemble vert menthe, Adut Akech devient alors la deuxième mariée noire de Chanel, après l’inspirante Alek Wek.
«Je n’arrive pas à croire que je viens de bousculer les codes et de marquer l’histoire en étant la seconde mariée de couture noire de Chanel.» s’exclame Adut en sortant du défilé Chanel.
Ultime preuve de son immense succès, le British Fashion Council récompense cette étoile montante de la mode en décembre 2019. En effet, Adut est sacrée «mannequin de l’année» aux British Fashion Awards, à Londres. Signe que son extraordinaire ascension a atteint des sommets.
A lire également : Emily Ratajkowski : la femme 2.0
Une It Girl engagée et fière de son passé
Des rêves d’entrepreneuriat et de travail caritatif plein la tête, Adut Akech poursuit avec sérieux ses études en parallèle de sa carrière. “Pendant qu’on fait mes cheveux ou mon maquillage, je m’occupe de mes devoirs scolaires. J’ai une école qui me soutient dont je suis très reconnaissante. Ils facilitent tout le processus“, raconte-t-elle au site Broadsheet.
De même, malgré son succès fulgurant, Adut n’oublie pas d’où elle vient. Son passé, la jeune mannequin le revendique avec fierté : «Je représente les femmes noires, les réfugiés, les personnes qui partent de rien et construisent quelque chose», assure-t-elle dans le magazine Numéro. Elle travaille d’ailleurs en étroite collaboration avec l’ONU et soutient les programmes humanitaires pour les réfugiés. La top model est donc bien déterminée à insuffler un vent de diversité dans le monde de la mode.
Néanmoins, Adut Akech est encore victime de préjugés. Elle a notamment été confondue avec un autre mannequin noir en août dernier dans un magazine de mode australien. La belle soudanaise s’en est indignée sur Instagram, en profitant pour rappeler les discriminations subies par sa communauté : «Cela ne serait jamais arrivé à un mannequin blanc», dénonçait-elle. «Celui qui a fait cela a clairement pensé que c’était moi dans cette image et ce n’est pas normal. […] Cela montre que les gens sont très ignorants et ont l’esprit étroit, ils pensent que chaque fille noire ou africaine est la même.»
La jeune fille suit cette même dynamique lors de son discours au British Fashion Awards. En effet, elle dédie son prix de mannequin de l’année à tous les jeunes ayant actuellement le statut de réfugiés :
“C’est pour les jeunes femmes et hommes qui ont trouvé une représentation et une validation dans mon travail. Je veux qu’ils n’aient jamais peur de rêver grand comme j’ai pu le faire autrefois. Peu importe ce que vous voulez faire, que ce soit un mannequin, acteur ou médecin, vous ne devez jamais douter de vous-même. Ne laissez pas le monde vous convaincre que ce n’est pas possible. Si une réfugiée soudanaise qui vient de rien peut le faire, n’importe qui peut le faire” conclut-elle.
Un destin inspirant
Adut Akech est donc la preuve que la volonté peut tout accomplir. Pleine de force et de courage, la jeune femme s’est donnée les moyens de réussir et a construit de ses propres mains un destin auquel personne ne la prédestinait. Dans une interview, Naomi Campbell, qui est comme une mère spirituelle pour Adut, déclarait ceci : “Je me souviens la première fois que j’ai aperçu (son) visage, je me suis dit : « Mon Dieu ! » Ce fut comme un déclic. « Ça, c’est une star ! » — je l’ai vu immédiatement !“. Adut Akech est bel et bien devenue une star et nous a surtout appris une chose. Il ne faut jamais se laisser définir par son passé, mais au contraire provoquer sa chance et saisir les opportunités, ce qu’Adut a donc bien démontré !