Dans cette seconde partie, Ô Magazine s’est intéressé à des thématiques plus générales concernant sa carrière. Il est sur tous les fronts, à redécouvrir au cinéma ou pour l’écriture d’un prochain livre, Pascal Légitimus est plein de surprises. Sagace et passionné, l’artiste aborde la célébrité, la censure, et même ses conseils pour entreprendre. Une chose est sûre, la suite de ce voyage au cœur de l’univers de Pascal Légitimus va également vous surprendre !
Ô Magazine : En parcourant votre livre, on peut voir que vous abordez la célébrité. Après des décennies de succès vous devez y être habitué, mais est-ce que vous la regrettez parfois ?
Pascal Légitimus : Il vaut mieux être à ma place qu’à celle d’un clochard. La célébrité est tombée sur moi, je ne l’ai pas cherchée. Comme je disais, avec les copains, on a travaillé, on était trois potes qui déconnions à l’époque, après, on en a fait un métier. Mais il y a des avantages et des inconvénients avec la célébrité de toute façon. C’est vrai qu’on peut plus vivre normalement parce que les gens sont aimants, dans les deux sens du terme. Après, moi ça fait 50 ans que je travaille, j’ai commencé tout petit. Donc, j’ai l’habitude maintenant de gérer mon quotidien, ma carrière et de passer entre les gouttes. Puis c’est vrai qu’avec le masque, je trouvais ça intéressant du coup je signe moins d’autographes. Cela ne veut pas dire que j’étais moins célèbre, mais c’était un avantage. Donc, je ne voudrais pas que ça recommence, mais voilà.
Vous abordez de nombreux thèmes engagés comme le racisme ou la misogynie. Est-ce que pour vous le rôle de l’humoriste, c’est de faire passer des messages importants, mais à travers l’humour ? Comment vous définiriez le rôle de l’humoriste ?
P.L : Déjà, on ne fait pas rire avec du bonheur. C’est-à-dire que si vous prenez deux trucs drôles, par exemple la télé réalité Les Marseillais, Les chtis tout ça. Bon, c’est tellement drôle en soit déjà, qu’on ne pourrait pas en faire une parodie. Par contre, plus c’est grave, plus on peut faire rire.
Un des premiers gags qui a été édité, il y a des années, c’est L’arroseur arrosé. Le fait que quelqu’un glisse sur une peau de banane ça fait rire. Il y a Bergson, un philosophe, qui a fait un bouquin sur le rire. Effectivement, si vous prenez un film comme La grande vadrouille, qui est célèbre en France, avec Bourvil et Louis de Funès, ça se passe quand même pendant la guerre de 1939-1945. C’est-à-dire, qu’il y a des Allemands derrière.
Si vous prenez Les 3 frères, c’est quand même un film où tous les trois, on est en galère. C’est à dire que moi, je perds mon boulot, Didier se fait virer et Bernard c’est un comédien raté… Puis, on récupère un gamin, on a peut-être tué un huissier… Donc, plus vous prenez les personnages, plus vous les enfoncez, plus ils remontent à la surface. On appelle ça la politique du bouchon de Liège
Donc l’humour, c’est ça effectivement, c’est le meilleur moyen de dénoncer ou d’énoncer les choses, mais enrobé de quelque chose, d’un petit paquet cadeau.
Vous est-il déjà arrivé de vous censurer par peur que votre humour soit mal interprété ?
P.L : Alors avec Les inconnus, on a toujours eu une autocensure. C’est-à-dire qu’on est trois donc dès que quelqu’un dit quelque chose, il y en avait toujours deux autres qui pouvaient dire « non ça je ne pense pas », « oui ça j’hésite ». En fait, il faut qu’il y ait un consensus entre nous trois, pour que quelque chose se passe. Ou alors c’est deux contre un, c’est la géométrie variable. Mais en général, oui, il y a des choses dont on ne peut pas parler, mais il y a aussi la manière. Je pense qu’on peut rire de tout. Mais c’est seulement la manière d’amener le gag, ou la chose drôle qu’il faut travailler un peu plus aujourd’hui effectivement.
À une époque, les gens dans les chaînes de télé, les dirigeants recevaient des lettres. Les gens, ils étaient contestataires tout le temps. Ces lettres-là, nous, on ne les lisait pas. Aujourd’hui, au lieu d’envoyer des lettres, les gens n’écrivent plus, c’est directement avec les réseaux sociaux. Donc on a de plein fouet la tendance humaine de la société française qui a toujours existé en fait. Le problème, c’est qu’il y a des gens qui n’ont pas droit à la parole parce que ce n’est pas leur métier.
On ne peut pas plaire à tout le monde donc, forcément quoi qu’on dise, il y aura toujours quelqu’un qui sera insatisfait. Si on écoute tout le monde, à un moment donné, il n’y a plus de liberté. Alors que l’on a besoin d’être libre pour s’exprimer, surtout artistiquement. Si je fais mon bouquin, sur 67 millions de Français, s’il y en a à peu près 500 000 qui l’aiment, je suis content. Je m’en fous moi si les autres ne l’aiment pas, je ne suis pas là pour faire ce bouquin pour tout le monde. Moi ce que je veux, c’est qu’il y ait au moins une personne qui puisse dire « Ah, j’ai bien aimé » donc, j’ai touché quelqu’un voilà. Effectivement, aujourd’hui, c’est plus difficile de s’exprimer parce qu’il y a une censure naturelle.
Vous êtes sur France 2 dans la série Vestiaires, est-ce que vous pouvez nous raconter votre rôle dans cette série ?
P.L : Alors, j’ai vu le premier pilote de Vestiaires au CNC, au Centre national du Cinéma. Quand je suis sorti de la projection, j’ai fait « waouh », comme on dit chez nous, c’est couillu ce qu’ils ont fait. C’est bien, parce que le handicap en France est très mal vu, les gens ont toujours peur de la différence. Donc, j’ai parlé au responsable de l’écriture, Adda Abdelli, qui est l’un des co-auteurs. Il est lui-même polio, c’est-à-dire qu’il a toujours une canne pour marcher ou il est sur un fauteuil roulant. Et j’ai dit : « Ecoute si t’as besoin de quoi que ce soit, je suis ton homme ». Il m’a dit : « Ouah c’est super, en plus je t’adore ! Ça serait génial, écoute si tu veux être le premier guest ça serait super » et j’ai accepté.
Donc, ça fait 9 ans que je suis avec cette équipe et je fais toujours trois, quatre sketchs en guest. Je le fais avec un personnage qui s’appelle Michel, qui essaie de leur vendre des babioles. Ils les aiment bien puis, en même temps, il faut qu’il bosse, qu’il bouffe. Donc, je suis à la fois un peu dans l’affect et en même temps, il y a le côté business. Je leur dis, vous ne m’appelez pas « Michel » mais « Mickael », ça fait américain. Donc vous voyez, cette espèce de personnage qui se la pète un peu. Je l’adore parce qu’il est ambivalent, il est à la fois drôle et il y a un petit côté attendrissant aussi.
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Avez-vous d’autres projets télé et cinéma dont vous souhaiteriez nous parler ?
P.L : J’ai tourné dans Capitaine Marleau et un Meurtres à Marie-Galante qui ne sont pas encore sortis. J’attends un projet avec Joséphine ange gardien normalement. Puis là, j’écris un long-métrage. Il se passerait dans un hôpital, donc vous voyez, plus c’est grave, plus ça va être drôle, j’espère. Il y a Marie-Thérèse, qui est un des personnages des Inconnus, une infirmière. Alors, avec les Inconnus, on se voit de temps en temps, on réfléchit.
On peut voir que vous êtes un artiste très prolifique, est-ce que cette période de confinement et de restriction en général a été un frein à vos projets ou au contraire, vous vous êtes senti inspiré ?
P.L : Je prends le mot et je fais « proliflic » donc c’est un flic, on pourrait inventer une définition. Moi, je suis quelqu’un qui n’a besoin que d’un stylo et d’une feuille blanche où que je sois. Donc le confinement n’a pas trop changé mes habitudes, j’en ai profité pour faire du covid grenier, tout simplement. Donc, j’ai jeté des trucs qui s’entassaient, c’était pas mal. Je me suis un peu plus occupé de mon jardin, de ma famille donc, c’est plus un recentrage sur soi-même. Et moi, l’énergie du Covid, du confinement, ne m’a pas trop ennuyé contrairement à certains. J’ai une maison, j’ai un jardin donc j’étais plutôt quelqu’un de privilégié, on va dire.
Nous l’avons répété à maintes reprises, vous êtes une personne qui entreprend énormément de projets différents. Est-ce que vous auriez des conseils à donner à nos lectrices qui souhaiteraient se lancer sur un projet artistique, mais qui ne savent pas par où commencer ou qui ont peur de l’échec ?
P.L : Alors déjà, la peur est pire que le mal. Comment avoir peur de quelque chose qui n’est pas encore arrivé ? Donc, la peur est un frein, l’échec est un diplôme. Se planter, c’est bien aussi, comme ça, on peut se recentrer et mieux retravailler les choses. Alors, un deuxième conseil, serait plutôt de bien évaluer le but. Quel est le but ? Est-ce qu’on travaille parce qu’on veut de la thune ? Avoir une belle voiture ? Être aimé ? Parce qu’on est passionné ? Il faut déjà définir le but de son travail. Je vois que 70 % des gens font un travail parce qu’ils veulent bouffer ou qu’ils n’ont pas le choix. Ils font souvent un travail qu’il n’aime pas. Donc, de bien être sûr que le travail qu’on veut entreprendre soit le bon, du coup ça ne devient pas un travail, mais une passion.
Quand on se lève le matin pour une passion, il n’y a pas de contrainte, il y a une vraie envie. Ce qu’on appelle l’essence, ça donne du sens, c’est l’essence dans la voiture pour avancer. Le troisième exemple que je pourrais donner, c’est de ne pas forcément faire les choses pour de l’argent. Donc, c’est un peu lié. Mais de se rendre utile, de faire un métier où l’on se dit : « Tiens je vais me rendre utile ». Aujourd’hui, dans la société, on a besoin de combler tous les vides, tous les aspects négatifs. Par exemple, faire journaliste, oui d’accord, mais journaliste de quoi ? Moi, je vois tous les journalistes qui sont sur BFM et tout ça, ils nous vendent du vent. On sent que derrière, il y a une volonté de faire du buzz et non d’informer vraiment.
Donc ce qu’il faudrait pour terminer, c’est de faire un métier utile et nécessaire. C’est pas mal ce que je dis, ouais, c’est pas mal. Ah, il se la pète l’autre, c’est pour rigoler bien sûr.
Avez-vous un petit mot pour la fin ?
P.L . Faites l’humour pas la guerre.
Merci de nous avoir accordé votre temps pour réaliser ce bel échange très enrichissant.
À bientôt !