Pierre Nantas est un psychothérapeute parisien, spécialisé dans les troubles de la personnalité borderline. Face à la pandémie du Covid-19 et aux mesures qu’elle a engendrées, des enquêtes ont suivi l’évolution du comportement des Français. Entre confinements, couvre-feu, restriction de déplacements et perte de vie sociale, découvrons ensemble comment la population française a vécu cette dernière année.
Effectivement, la fermeture des bars, restaurants, terrasses, cinémas, théâtres et autres lieux de rencontres ont mis à mal le côté psychologique, affectif et émotionnel de nos vies. Ces situations n’avaient jamais pris une telle envergure par le passé en raison d’une épidémie. L’année 2020 a été comme un test à l’échelle mondiale et de nombreuses personnes en ont souffert. Selon Pierre Nantas, les problèmes de santé mentale sont souvent associés aux éléments suivants : changement social trop rapide, conditions de travail difficiles, isolement, mauvais mode de vie, mauvaise santé physique. L’OMS ajoute même à cette liste : violation des droits de l’homme.
La santé mentale des Français en chiffres
Le 23 mars 2020, Santé Publique France a lancé une enquête CoviPrev afin de suivre l’évolution du comportement des Français. Deux points ont été abordés : les habitudes de consommation et la santé mentale. Ce sondage montre que les problèmes de sommeil se sont accentués durant le premier confinement, probablement dû à un manque d’activité physique. À ce stade, la population se satisfaisait de sa vie actuelle et montrait peu de signe d’anxiété. Un pic de stress apparaît tout de même en mars 2020 face à une situation nouvelle et inquiétante. La courbe redescend pourtant rapidement avant de se stabiliser. En revanche, plus le temps passe, plus la santé mentale se dégrade. En effet, l’anxiété, la dépression et les pensées suicidaires sont de plus en plus présentes durant le troisième confinement.
En matière de santé mentale, 20 % des Français interrogés estiment souffrir d’un état dépressif, soif dix points de plus par rapport au niveau hors épidémie. 65 % déclarent avoir eu des problèmes de sommeil au cours des huit derniers jours. L’enquête met également l’accent sur l’augmentation de la consommation d’alcool et de tabac depuis le confinement. L’ennui, le manque d’activité et le stress sont les raisons principales de cette hausse. De plus, les médicaments psychotropes comme les anxiolytiques et les antidépresseurs se sont davantage consommés, créant une dépendance supplémentaire.
Les troubles mentaux : des personnes à risque
Spécialiste dans les troubles de la personnalité borderline, Pierre Nantas explique comment ces personnes ont vécu le confinement. En créant son association en 2013, l’AFORPEL (Association pour la Formation et la promotion de l’État Limite) aide les personnes à repérer des dysfonctionnements émotionnels. En effet, 196 087 personnes ont répondu à un questionnaire et les résultats sont inquiétants. Rappelons par ailleurs que la caractéristique principale de ce trouble est l’hypersensibilité, la peur de la solitude, du rejet ou de l’abandon. Les relations sont instables, l’image de soi est mauvaise et les sautes d’humeur, conséquentes. Parmi les résultats, près de 11 % déclarent avoir une addiction à un produit toxique. 42 % font état de comportements auto agressifs. Enfin, plus d’une personne sur deux avoue avoir eu des gestes et/ou des paroles violentes vis-à-vis de leur entourage.
Selon le psychothérapeute : « Lorsque l’on est borderline, on l’est toute sa vie. On restera hypersensible toute sa vie. On ne peut pas guérir seul. C’est pourquoi, il faut apprendre à gérer cette hypersensibilité. Les borderlines sont souvent comparés aux personnes dites à haut potentiel. En effet, comme le borderline est quelqu’un de très sensible, il perçoit tout à 150 % et dispose bien souvent d’une intelligence supérieure à la moyenne et d’une capacité de réflexion plus rapide. »
Un témoignage et des résultats inquiétants
L’une des patientes du psychothérapeute a, par exemple, très bien vécu le premier confinement. Étant agoraphobe, cette dernière a profité du calme et de la sérénité de son appartement pour se ressourcer, tout en gardant quelques contacts grâce aux apéros-visio. En revanche, le deuxième confinement a été très dur émotionnellement. La solitude, l’absence de nouvelles rencontres et le manque de communication ont poussé cette jeune femme dans ses retranchements au point qu’elle ait tenté de se suicider.
Ces troubles sont peu reconnus en France car il n’y a pas de remède miracle ni de vaccin pour les soigner. Une enquête réalisée en 1998 aux États-Unis a d’ailleurs démontré que 70 % des personnes bipolaires sont en réalité borderlines. En France, on travaille également plus sur la symptomatologie que sur la phénoménologie. Ce qui veut dire que l’on traite les symptômes avant de s’intéresser à la cause du problème.
La psychothérapie est l’unique manière de soigner ce trouble lié à un vécu traumatique durant l’enfance. Avec une bonne relation de confiance entre un patient et son praticien, les borderlines peuvent « guérir » en un an ou deux. C’est pourquoi Pierre Nantas souhaite alerter les professionnels de santé mentale. Il est grand temps de prévoir une sensibilisation de tous les soignants afin de mieux prendre en charge les symptômes de santé liés à ce trouble et cette période pandémique compliquée.