Le 18 juillet dernier, l’actrice sino-américaine Jodi Long recevait le « Daytime Emmy Award dans la catégorie du meilleur second rôle » pour sa prestation dans Dash&Lily. Dans cette série, elle campe le rôle de Basil E., la marraine et grand-tante de l’héroïne, Lily. Cette série romantique, sur fond d’ambiance de Noël, est actuellement disponible sur Netflix (huit épisodes). Il s’agit d’une adaptation du roman éponyme de David Levithan et Rachel Cohn. Nous avons pu nous entretenir avec l’actrice tout juste récompensée.
Au cours de sa carrière à l’exceptionnelle longévité, Jodi Long a su démontrer la richesse de son jeu, en travaillant avec les metteurs en scène les plus prestigieux… jusqu’à cette consécration avec la série Dash&Lily. Dans un deuxième article à paraître, nous nous intéresserons aux aspects militants de la carrière de Jodi. Elle a ainsi largement contribué à donner une plus grande visibilité à la communauté asiatique, autrement caractérisée par sa discrétion.
Une carrière à l’impressionnante longévité
Jodi Long est une enfant de la balle. Grâce à sa maman nippo-américaine et à son père sino-écossais, tous deux acteurs, elle a été bercée dans le monde des arts dès sa prime enfance. « J’ai fait mes premiers pas sur scène en 1979 aux côtés de Kevin Kline dans la pièce Loose Ends », se rappelle-t-elle. Ce fut une révélation ! Malgré les réticences de ses parents, elle ne rêvait déjà que d’être actrice. Dont acte : en 1981, elle a tourné son premier film Une femme d’affaires avec Jane Fonda, sous la direction d’Alan Pakula. Ce premier tournage a marqué le début d’une carrière remarquable.
Elle a ainsi tourné avec les plus grands. Certaines de ses collaborations ont d’ailleurs eu pour elle une saveur particulière. Elle cite ainsi Soursweet de Mike Newell, une comédie dramatique de 1988, tournée entre Londres et Hong Kong. Elle y jouait le rôle d’une paysanne chinoise immigrée au Royaume-Uni… Ce qui l’a conduite à Cannes où elle a présenté le film lors de la quinzaine des réalisateurs. Jodi se souvient de Mike Newell comme d’un « metteur en scène qui parle beaucoup avec ses acteurs ». Cette collaboration, fondée sur le dialogue et la complicité, a fait partie de celles qui l’ont marquée. La même année, elle présentait à Cannes un autre film, Patty Hearst de Paul Schrader, reprenant l’histoire vraie d’une héritière kidnappée par un groupe armé révolutionnaire.
En 1996, Jodi est revenue à ses premières amours en jouant à Broadway dans Getting Away with Murder, première pièce non musicale de Stephen Sondheim. Elle y interprétait une prof d’université. Plus récemment, elle a joué dans la série Falling Water produite par Gale Anne Hurd, à l’origine de Walking Dead. C’est d’ailleurs grâce à la notoriété de cette productrice que Falling Water a remporté un si grand succès partout dans le monde, notamment en Europe.
Une technique de jeu spontanée
Quand nous lui avons posé une question sur sa technique de jeu, Jodi nous a répondu : « Je suis une actrice qui se glisse dans la peau de ses personnages. Je me laisse guider par mon imagination qui me dicte les choses qui sortent de moi et donnent vie à mon personnage. Je suis de la même école que Meryl Streep, Robert Duvall ou encore Robert De Niro. Ils habitent leurs personnages. Certains d’entre eux leur ressemblent, mais la plupart sont de pures créations auxquelles ils donnent vie ».
Jodi a poursuivi : « C’est peut-être lié à mon expérience, mais je ne travaille pas selon une direction préétablie. Au contraire, je laisse l’inspiration me guider au moment même où je joue mon personnage, tel un peintre qui se trouve devant sa toile. Il n’a pas d’idée précise de ce qu’il va faire. Mais son expérience lui a permis d’acquérir un sens inné de la couleur et des nuances. Pour un acteur, c’est pareil. Vous connaissez vos répliques, évidemment, mais surtout vous connaissez votre personnage. Je me prépare, j’apprends mon texte, et puis le reste me vient spontanément, sur le moment ».
Dash&Lily, une série qui a su se démarquer du roman dont elle est tirée
Dash&Lily est une histoire d’amour, comme les aime Jodi. Il s’agit aussi de l’histoire d’une jeune fille qui prend conscience de sa capacité à déterminer ses choix de vie et à défendre les idées qui comptent pour elle. Le succès remporté par la série s’explique par les partis pris de l’adaptateur Joe Tracz. En effet, ce dernier s’est approprié le roman pour le transposer dans un New York moderne et tolérant. Il a ainsi donné à Lily des origines japonaises, ce qui est une variation par rapport au personnage original du livre.
Parmi les multiples sources d’inspiration qui se cachent derrière la série, l’héroïne du livre The Mixed-Up Files of Mrs. Basil E. Frankweiler, écrit par Elaine Lobl Konigsburg en 1967, a servi de canevas pour le personnage interprété par Jodi. À l’écran, Ingrid Bergman, puis Lauren Bacall s’étaient précédemment glissées dans la peau de Basil E., avant que Jodi n’en hérite.
Le personnage de Basil E. interprété par Jodi Long
Cependant, si à l’origine Basil E. était une marchande d’antiquités un peu filoute, Joe Tracz en a fait une « diva de Broadway » dans son adaptation. « Ce qui tombait bien, s’est exclamé Jodi, car j’ai moi-même été une star de Broadway, même si je ne suis pas aussi riche ni aussi diva que Basil E. ! Je ne porte pas non plus de paillettes en plein jour pendant que je bois une tasse de thé. Basil E. relève de la catégorie des grandes dames de Broadway, comme Elaine Stritch par exemple ».
Jodi a poursuivi : « Elaine était tellement grandiloquente, elle était du genre à entrer dans une pièce en appelant tout le monde « Daaaarling ». Je me suis aussi inspirée d’Irene Worth, qui a beaucoup travaillé à Londres. Elle avait une voix particulière, d’une intensité dramatique qui en imposait ». Dans la série, Basil E. joue le rôle d’ange protecteur vis-à-vis de Lily. « Je ne lui dis pas ce qu’elle doit faire, a précisé Jodi. Je me contente de lui poser les bonnes questions ».
Dash&Lily : une déclaration d’amour à New York
Jodi a également été séduite par la magie de Noël qui baigne la série. « Pendant la période de Noël, nous a-t-elle raconté, comme beaucoup de New Yorkais, j’ai pour habitude de me rendre au Rockefeller Center pour y admirer le sapin géant qui y est installé, au milieu des somptueuses décorations et de la célèbre patinoire de Noël. Je vais aussi au Metropolitan Museum of Arts, également pourvu d’un sapin magnifique. Non loin de là se trouve d’ailleurs une petite chapelle où l’on peut dire ses prières de Noël et du Nouvel An. »
Les projets de Jodi
Le tournage de la deuxième saison de Dash&Lily était prévu pour le mois de janvier de cette année. Malheureusement, la pandémie a tout bouleversé. Comme l’a rappelé Jodi, « nous étions censés tourner de nombreuses scènes en extérieur. Certains jours, nous avions prévu de tourner dans trois endroits différents. Cela aurait nécessité de fermer les trailers afin de les désinfecter avant chaque scène. Dans de telles conditions, les coûts de tournage étaient devenus prohibitifs. Et lors du déconfinement en mai, nous ne pouvions plus tourner les séquences de Noël, car les arbres étaient déjà couverts de feuilles ! ». La suite de Dash&Lily est donc incertaine, ce qui a représenté un crève-cœur pour l’équipe qui, nominée pour 12 Emmy Awards, en a remporté trois.
Mis à part la suite de Dash & Lily, signalons que Jodi sera à l’affiche de la super-production Marvel/Disney dont la date de sortie en France est prévue au 1er septembre prochain. Il s’agit de Shang-Chi et la légende des dix anneaux, film d’arts martiaux à grand spectacle, mâtiné de science-fiction et de magie.
Jodi a enfin un one woman show en préparation. Elle doit le jouer au théâtre de Bucks County, en Pennsylvanie, dans les prochains mois. « Au départ, ce one woman show était intitulé Surfing DNA, car il est basé sur ma vie dans le show business. Nous en avions déjà joué une version antérieure dans le New Jersey en 2019. Nous pensions le jouer à New York, mais la pandémie nous a encore une fois obligés à revoir nos plans ». À suivre, donc…
Article écrit en collaboration avec Audrey Tixier