Quelle est notre identité professionnelle ? Comment la distinguer de notre identité propre ? Dans le cadre d’un entretien, la coach Chine Lanzmann a évoqué avec nous son livre Pour quoi suis-je fait ? Le guide pour redécider son identité professionnelle, co-écrit avec Isabelle Constant et Stéphane Roger. Les auteurs ont voulu nous aider à trouver notre place dans le monde du travail.
Chine Lanzmann est coach depuis 15 ans, plus particulièrement auprès de femmes. Elle a ainsi monté un programme en ligne : Woman Impact. En 2012, elle a publié le Guide de l’Auto-Coaching pour les Femmes paru aux éditions Pearson, devenu depuis la référence en France en matière de coaching féminin. Isabelle Constant, quant à elle, est psychothérapeute et forme également aux constellations familiales et systémiques. Stéphane Roger est coach : quant à lui, il intervient notamment auprès de dirigeants sur la prise de parole en public. Il a créé le Ted X Vaugirard Road, devenu une référence en matière de psychologie et de développement personnel. Tous trois s’appuient sur l’analyse transactionnelle, qui décortique les relations entre individus, entre parents et enfants, et avec nous-même également.
Qu’est-ce que l’identité professionnelle ?
Pour quoi je suis fait ? part de l’identité professionnelle, en essayant d’analyser en quoi elle est différente de l’identité personnelle. Chine interroge : « Qui est-on dans son travail ? Notre conviction, c’est que nous sommes faits pour de nombreuses activités. J’ai pas mal de clientes en coaching qui cherchent leur mission de vie. La vérité, c’est qu’on n’a pas qu’une seule mission de vie : on est fait pour plein de trucs ! »
Notre coach poursuit : « Notre identité professionnelle peut également changer tout au long de la vie ! Cette dernière est évolutive. Or, trop nombreux sont ceux et celles qui ne s’en rendent pas compte ! Ils pensent que les études qu’ils ont faites et qu’ils ont appréciées alors qu’ils avaient 20 ans les déterminent pour toute la vie. Or, à 40 ans, ils peuvent avoir changé d’idée. Ils peuvent avoir évolué et ressentir le besoin d’autre chose. »
Par ailleurs, identités professionnelle et personnelle sont deux choses distinctes, même si on les confond. Chine constante : « Dans les dîners, on a l’habitude de demander, quand on rencontre une personne pour la première fois : ”Que faites-vous ? ” En conséquence, notre identité professionnelle a tendance à nous définir. »
Or, rappelle Chine, « ce que je fais est à distinguer de ce que je suis ». Ce qui est une bonne chose par ailleurs. Car si l’on rencontre des problèmes dans son travail, si l’on est insatisfait et que notre identité est entièrement contenue dans ce que l’on fait, « c’est dramatique », déplore Chine. Il est donc souhaitable que l’identité propre ne soit pas entièrement superposée à l’identité professionnelle. Chine illustre son propos en prenant l’exemple de Madonna : « Il y a Madonna la chanteuse, performeuse, réalisatrice, artiste, d’une part. Et il y a Louise Ciccone, d’autre part. Quand Madonna est critiquée en tant qu’artiste, ce n’est pas Louise Ciccone qui est remise en cause. »
Trouver son identité professionnelle en se libérant des injonctions parentales
Chine énonce certaines injonctions que l’on reçoit inconsciemment de la part de ses parents :
- « Ne réussis pas ! », « Ne réussis pas plus que moi ! » ou encore « Ne réussis pas au-delà d’un certain niveau financier ! » : selon Chine, « cela va donner des gens qui se plantent tout le temps, qui ne réussissent rien ».
- « N’appartiens pas ! » : certaines personnes sont marquées au fer rouge par cette injonction. En conséquence, elles ne parviennent pas à s’intégrer à leur environnement, ni à leur entreprise, ni à leur classe sociale, ni même à leur milieu d’expertise. Elles auront donc du mal à obtenir un CDI, par exemple.
- « Ne fais pas ! » : cela coupe de l’action.
- « Ne fais pas confiance aux autres ! » : cela donne des profils qui ne peuvent travailler qu’en famille. Ces individus n’arrivent pas à faire confiance à qui que ce soit, et du coup, ils se retrouvent très seuls.
- « Ne sois pas proche ! » : cette injonction empêche d’avoir des associés ou d’avoir de bonnes relations avec ses collègues de travail.
- « Ne dis pas ta pensée ! » ou « Ne pense pas ! » : cela donne des gens qui ne parviennent pas à formuler leur opinion.
- « Ne te réjouis pas ! » ou « N’aie pas de plaisir ! » : cette injonction concerne nombre d’entre nous se donnant à fond dans leur travail, sans toutefois en tirer le moindre plaisir.
- « Ne ressens pas ! » : cela concerne les profils qui vont montrer une grande force extérieure mais qui vont avoir du mal à ressentir des émotions. Ils sont donc dans la résistance au risque du burnout.
- « Ne sois pas important ! » : cette injonction concerne davantage les femmes que les hommes, en les empêchant d’accéder à des postes de responsabilités.
- « Ne grandis pas ! » : cela va donner des gens qui vont rester tout petits, soit physiquement, soit mentalement. Ils ne vont pas grandir et vont continuer de faire l’enfant, même au sein de leur entreprise.
- « Ne dépends pas ! » : les personnes marquées par cette injonction seront très indépendantes, parfois trop, au point qu’il leur sera impossible de s’associer ou même de collaborer avec les autres.
Il faut donc savoir se dégager du jugement enfermant de son milieu familial pour pouvoir se réaliser professionnellement, pour soi. Selon Chine, « il faut utiliser notre libre arbitre ! Nous avons le projet de nos parents pour nous. Mais on peut aussi en faire autre chose… ».
Les quatre étapes du schéma menant à l’interdépendance
Ce schéma résume ce que nous ressentons à différentes étapes de notre vie professionnelle. « Il recoupe le cycle de la vie, nous dit Chine, le cycle de l’évolution. Il se divise en quatre étapes et se déploie en forme de spirale. Nous pouvons passer plusieurs fois par chacune de ces étapes, en ayant évolué à chaque fois ».
La première étape est celle de la dépendance. Chine prend l’exemple d’une personne qui démarre un nouveau travail. « Elle dépend des autres pour y arriver. Elle a alors une opinion d’elle-même plutôt mauvaise. À l’opposé, elle a beaucoup d’estime pour le travail de ses collègues ».
La deuxième étape est celle de la contre-dépendance. Chine explique : « C’est l’étape du rebelle. On se dit : “Ça ne va pas du tout. Si mon chef était mieux, si les autres étaient mieux, j’irais bien.” C’est l’étape la plus inconfortable, au cours de laquelle nous cherchons à nous affirmer en nous opposant ».
Au cours de la troisième étape (l’indépendance), on se rend compte qu’on est responsable de soi, de sa vie, de son travail et de ses besoins. Chine note à ce propos : « On a besoin de cette étape pour se revaloriser et remonter sa propre estime de soi, même aux dépens de notre bonne opinion des autres. »
Enfin, la quatrième étape est celle de l’interdépendance. « On se dit qu’on est bien mais que les autres sont bien aussi. On évite les conflits et on ne s’empêtre pas dans des jeux psychologiques pervers ». Simplement, à force d’aller bien et d’être à l’aise dans son job, on finit par s’ennuyer et donc on a envie de changer de travail. Chine continue : « On choisit de se mettre en danger en réalisant des tâches nouvelles et inconnues, si bien qu’on se retrouve dans la première étape. On rebascule à nouveau en dépendance, etc. »
La longue marche vers le bien-être professionnel retrouvé
Pour conclure notre entretien, Chine cite l’exemple d’une cliente avocat. « Elle travaillait dans un cabinet en tant qu’associée et avait donc réussi. Mais elle n’éprouvait aucun plaisir dans son travail, si bien qu’elle avait fini par s’épuiser. Un jour, elle est venue me voir en me disant : “Je n’en peux plus. Je suis crevée. »
« Nous avons donc analysé son manège infernal. Nous avons ainsi constaté qu’elle fonctionnait sur le driver : “Sois forte !” qui la poussait à tenir et à résister, sans que cela ne lui apporte le moindre plaisir. Nous avons regardé ensemble comment elle pourrait améliorer sa situation. Elle est parvenue à aller bien de nouveau au bout de deux années. Aujourd’hui, elle a quitté son cabinet pour se mettre à son compte. Elle a déménagé en province et gagne deux fois plus d’argent, tout en travaillant deux fois moins qu’auparavant. À présent totalement épanouie, elle est dans la phase 4 d’interdépendance et s’offre même le luxe de s’ennuyer un peu ».
Cet exemple montre que cette personne est parvenue à trouver ce pour quoi elle était faite, en faisant fi des injonctions qui l’avaient déterminée jusque-là et en se recentrant sur elle-même. À méditer…
Et vous, faites-vous face à certains problèmes au travail ? Pensez-vous pouvoir mettre à profit les enseignements de Chine ? Faites-nous part de votre témoignage !