“On se sent seul, triste et incompris alors qu’il n’y a parfois aucune raison de penser de cette façon”. Découvrez le quotidien de Romain Giraud, diagnostiqué borderline.
Le trouble de la personnalité borderline fait partie des cinq maladies mentales retenues par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans le classement des dix pathologies majeures du XXIème siècle. “Une peur de la solitude, un côté impulsif, des sauts d’humeur, une colère inappropriée”, Romain Giraud, 41 ans s’est livré.
Ô Magazine : À quoi reconnaît-on une personnalité borderline ?
Romain Giraud : La caractéristique principale est l’instabilité des relations personnelles. Dans mon cas, lors de mon adolescence et de mon passage à l’âge adulte, j’avais besoin d’approbation en permanence. Mon estime de moi-même était tellement basse qu’il fallait impérativement me construire une identité. J’ai toujours été très sûr de mes choix professionnels mais lorsqu’il s’agit de prendre une décision dans le cadre d’une situation amoureuse, c’est très compliqué. À cela s’ajoute une peur de la solitude, un côté impulsif, des sautes d’humeur, une colère inappropriée… Clairement, on se sent seul, triste et incompris alors qu’il n’y a parfois aucune raison de penser de cette façon.
À quel âge sont apparus les premiers signes d’une personnalité différente ?
R.G : Je pense que j’avais une vingtaine d’années lorsque j’ai compris que quelque chose n’allait pas chez moi. Dans mon cas, l’apparition de ma personnalité a été influencée par l’environnement toxique dans lequel j’ai grandi. Ma sphère familiale était très instable. J’ai tenté plusieurs thérapies, sans grand succès. Puis le temps a été mon plus bel allié pour mieux me comprendre, cerner mes problèmes et travailler dessus. Je me suis beaucoup renseigné, et j’ai rapidement mis des mots sur mes ressentis. Comprendre que l’on est “borderline” , c’est se dire que l’on est pas seul et qu’il existe des solutions. Malheureusement, toutes les personnes atteintes de ce trouble n’ont pas l’opportunité de s’en rendre compte. Cela demande beaucoup de volonté de se remettre en question et d’accepter les critiques. Aujourd’hui, j’ai 41 ans et je me connais enfin.
Dans quelles mesures cette maladie atteint-elle votre quotidien ?
R.G : Il est très difficile de trouver un équilibre entre ses désirs personnels et le besoin d’être approuvé et aimé par les autres. La période la plus complexe est l’adolescence et les quelques années qui suivent. C’est la transition entre l’enfance et l’adoption de notre future personnalité. À ce moment là, j’étais quelqu’un de plutôt timide lorsque je sortais de ma zone de confort et rencontrais de nouvelles personnes. Concernant ma vie professionnelle et amicale, je n’ai jamais eu de soucis. Les relations amoureuses étaient, pour moi, le véritable enjeu sur lequel m’améliorer.
Pendant longtemps, ma partenaire devait représenter, à mes yeux, la perfection telle que je me l’imaginais. Elle devait sans cesse me montrer de l’affection, sans quoi les doutes et les remises en question faisaient de nouveau leurs apparitions. J’avais beaucoup d’exigence et d’importantes sautes d’humeur lorsque ça n’allait pas dans mon sens. Lorsque je me retrouvais seul trop longtemps, je broyais souvent du noir car j’avais besoin d’une présence pour me sentir bien.
Pensez-vous pouvoir guérir complètement ?
R.G : Je vais déjà beaucoup mieux. Aujourd’hui, j’essaye de me retrouver au maximum dans des situations qui me font plaisir. J’arrive à contrôler mes émotions, et mes relations amoureuses sont beaucoup plus stables et équilibrées. Se connaître, se comprendre, se faire confiance, et arriver à s’aimer, c’est la clef du bonheur. Le bonheur conjugal dépend du bien-être personnel. Ma personnalité est toujours fragile mais je pense avoir trouvé une certaine plénitude qui ne m’empêche plus d’agir normalement. Je vis ma vie beaucoup plus sereinement, et j’ai dû faire un énorme travail sur moi-même pour être épanoui.
Si vous deviez donner un conseil à des personnes dans le même cas que vous ?
R.G : Je citerai Marcel Proust, auteur d’un livre intitulé À la recherche du temps perdu : “Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres.” Autrement dit, ne perdez pas de temps à chercher l’approbation des autres. Il est temps de s’accepter et d’apprendre à s’aimer.
Après avoir dompté sa personnalité atypique, Romain a enfin trouvé les clefs du bonheur. Une bonne connaissance de soi, un travail acharné, et beaucoup d’amour !