Vecteurs d’informations et leaders d’opinions, les médias ne sont pas en reste quand il s’agit d’établir des propos sexistes envers les femmes. Une de journal, émission radio ou télévisée, les femmes sont sujettes à des remarques ou des présentations douteuses qu’on ne ferait pas à des hommes. Un point sur les pires passages médiatiques qui font reculer l’égalité des sexes.
La presse écrite : des photos et des titres choquants
« C’est oui ou bien c’est non ? » Là, c’est non.
En mars dernier, c’est la couverture de Paris Match qui affole la toile et la première concernée : Angèle. Pour parler de la chanteuse engagée envers le droit des femmes, l’hebdomadaire sous titre son magazine « subversive mais pas agressive ». Deux adjectifs qui qualifie Angèle d’une femme qui dénonce, mais en douceur, contrairement aux « vilaines féministes violentes et hystériques » comme le décrit la chanteuse de Oui ou non et Balance ton quoi. Sur une story Instagram, Angèle dénonce cette couverture, dont elle n’a pas validé la photo en amont, et son article « Dénonce sans crier, s’affirme féministe sans s’exhiber, parle rap sur un ton de princesse Disney », « Plus décrédibilisant et sexiste, tu meurs » relaie-t-elle sur les réseaux sociaux.
Où sont les valeurs actuelles ?
Il est plus facile de décrédibiliser les féministes en les ramenant à leur condition de « femmes ». La couverture de Valeurs actuelles en mars 2020 en a outré plus d’une, et plus d’un. Titrant « Comment les féministes sont devenues folles », l’article emprunte des termes psychiatriques, tels que « c’est pas dans la rue qu’il faut aller mais en thérapie », pour parler de ces femmes qui vont trop loin dans la lutte des sexes selon le journal. Elles « préfèrent le football féminin » , « cassent l’ambiance en soirée » et « insultent la police » selon Valeurs actuelles. Un article qui décrit la féministe osant être en colère telle une folle qui en fait trop : comment peut-on voir cela en 2020 ?
Rappelons aussi qu’en 2019, Valeurs actuelles titrait son journal « La nouvelle terreur féministe » associé au dessin de propagande Rosie la riveteuse. À croire que Valeurs actuelles cherche à tout prix à faire le buzz sur un sujet sociétal plus qu’important.
Femmes expertes : du balai !
Parue le 5 avril 2020, l’édition du journal Le Parisien Dimanche fait grincer des dents. Sur la couverture 100% masculine, quatre hommes blancs nous donnent leur vision du monde d’après. Accusé de manquer de diversité, tant au niveau culturel que genré, le journal s’est excusé de cette « maladresse » et cette « erreur ». Alors en pleine crise du coronavirus où les femmes ont un rôle indispensable, le monde d’après aurait dû être raconté aussi par des expertes.
Aux filles le prénom, aux hommes le patronyme
L’émission de Laurent Ruquier On n’est pas couché a fait parler d’elle, et notamment lors du départ d’une de ses journalistes. De 2014 à 2016, la journaliste Léa Salamé trouve sa place aux côtés d’Aymeric Caron puis de Yann Moix. En 2016, elle fut remplacée par Vanessa Burgraff, dite « la jolie blonde » d’après Voici et RTL, « une belle blonde » pour Pure People et « une jolie blonde aux yeux bleus » selon VSD.
Plus étonnant encore, la une du Parisien nomme les deux journalistes « Léa » et « Vanessa », tandis que Laurent Ruquier est désigné par son nom de famille. « Aux filles le prénom, aux hommes le patronyme » a commenté Sonia Devillers, animatrice radio sur France Inter. Si une femme n’est représentée que par son physique et nommée uniquement par son prénom, on peut dire que le chemin est encore long pour éradiquer le sexisme des médias.
Le sexisme au sein des plateaux télé
On n’est pas couché : la blague de trop
La blague de Laurent Ruquier fait rire jaune lors de son émission On n’est pas couché. Le samedi 19 janvier 2019, Vaimalama Chaves, la Miss France 2019, était invitée sur le plateau. Au bout de 10 minutes d’émission, la première remarque sexiste tombe. En effet, lors de son monologue, le présentateur évoque la baisse de natalité en France. C’est tout naturellement qu’il se retourne vers Vaimalama Chaves, en proposant aux téléspectateurs d’y remédier. Et cela grâce à la présence de la reine de beauté. Rien qu’en regardant l’expression de son visage, on comprend très bien le choc face aux propos de l’animateur.
« En fait, le taux de natalité, c’est comme les salaires, il n’augmente plus. Il y a donc de moins en moins de naissance et de plus en plus de visites sur YouPorn, sur les réseaux sociaux, et on regarde de plus en plus les séries sur Netflix. On n’a plus le temps de faire d’enfants. D’ailleurs, vous qui nous regardez en ce moment dans votre lit, pour relancer la natalité, nous avons invités ce soir notre Miss France, ça devrait vous donner des idées ».
Laurent Ruquier lors de l’émission du 19 janvier 2019
Tex : du sexisme au licenciement
Un autre présentateur s’est également illustré en racontant une « blague ». En 2017, en plein direct sur C8, Tex créé la polémique. « Les gars, vous savez ce qu’on dit à une femme qui a déjà les deux yeux au beurre noir ? Elle est terrible, celle-là », avant de répondre à sa propre blague : « On ne lui dit plus rien ! On vient déjà de lui expliquer deux fois ! » Rapidement, Marlène Schiappa, la secrétaire d’État en charge de l’égalité entre les hommes et les femmes a signalé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) cette blague « indigne » et « irrespectueuse qui banalise les violences conjugales ». Même si l’ex-présentateur des Z’amours s’était excusé via son compte Facebook, le mal est fait. Mauvais karma pour Tex ? La Cour d’appel de Paris a confirmé le licenciement pour faute grave de l’animateur après sa blague déplacée racontée sur C8, trois ans après les faits.
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Émissions de divertissement : du sexisme à volonté
Chaque année, le Haut Conseil à l’Égalité Hommes-Femmes (HCE) rend compte de la place du sexisme dans les émissions de divertissement. Mauvaise nouvelle : les dérives sont omniprésentes. Dans le rapport pour l’année 2019, 146 pages font état de la place du sexisme. 25 relèvent uniquement à la télévision.
Des remarques sexistes furent relevées dans l’émission Koh-Lanta. Lors de l’édition 2019 intitulée « La guerre des chefs », c’est Cindy qui en a subi les frais. Au cours de la diffusion des incontournables portraits, la candidate blonde appara comme « le profil type de la blonde un peu limitée au premier abord, mais elle est très très intelligente ». Ce passage n’a pas échappé au Haut Conseil à l’Égalité. Lors de la lecture du rapport, Alexia Laroche-Joubert, dirigeante de la société Adventure Line Productions, entreprise productrice de l’émission, a immédiatement réagit.
« Mais comment faire une étude sérieuse en analysant six épisodes de la précédente saison alors que TF1 a diffusé 23 éditions, soit 290 épisodes ? On nous attaque aussi sur la parité alors que nous sommes exemplaires. Sur dix-huit éditions classiques, il y a eu neuf gagnantes. Les deux dernières ont d’ailleurs été remportées par des femmes. »
Alexia Laroche-Joubert à propos du rapport du HCE
Une exception qui confirme peut être la règle, mais qui ne fait pas reculer pour autant le sexisme dans les médias. Les événements féministes se sont multipliés pour dénoncer le sexisme en tout genre. Ils se sont à cet égard imposés dans les médias. Ce qui est rassurant, c’est que ce genre de passages choquent et ne laissent pas l’opinion publique indifférente.
Article co-écrit par Louise Guthauser, Pauline Duvieu et Julie Guillaud