Les manifestations font depuis quelques années parties de notre quotidien. Elles font l’objet de préoccupations pour les Etats du monde entier et sont le signe de l’insatisfaction des sociétés. Cependant, on peut se demander quel sont leurs intérêts et si elles sont légitimes ou non.
Une manifestation découle d’un groupe de citoyens qui exprime à l’Etat un mécontentement ou une conviction. Elle est donc vectrice d’un message répondant à l’opinion politique. Ce dialogue des rues représente un conflit entre justice légale et justice légitime aspirant alors à les réconcilier. Pour se faire, les citoyens descendent et se rassemblent dans les lieux publics équipés de moyens pouvant transmettre leurs revendications (banderoles, pancartes, etc…). L’objectif est de construire un échange entre les deux parties qui composent notre société, l’Etat et les citoyens. Bien que nous ayons la sensation que cela soit un phénomène récent qui ne cesse de s’amplifier cela fait déjà de nombreuses années qu’il sert d’entremetteur entre les deux parties.
Comment fonctionne notre système
En France, notre société repose sur l’existence d’un Etat de droit. Un Etat (status en latin, qui signifie se tenir droit) permet à une société d’être droite et donc de lutter contre les déviances humaines pour le bon fonctionnement d’une vie en communauté. En effet, c’est une institution politique qui exerce une fonction d’autorité sur une population et sur un territoire donné grâce à la loi. Son rôle est de préserver l’unité, la sécurité et la paix. Cependant, pour se faire l’Etat prend la forme d’une figure qui régit notre société et non une personne. Ainsi, elle restreint les libertés au nom du bien commun sans être influencée par des intérêts propres à un unique individu. C’est ce que le philosophe Thomas Hobbes a nommé l’Etat Léviathan.
L’Etat de droit est un système institutionnel dans lequel la puissance publique, c’est-à-dire l’Etat lui-même, est soumise au droit tout comme le sont les citoyens. De ce fait, le peuple est protégé de sa domination. Pour cela, une séparation des pouvoirs est mise en place : législatif avec le sénat et l’assemblée nationale, exécutif qui représente le gouvernement, et judiciaire. Toutes les institutions reposent sur la Constitution française qui est en vigueur depuis 1958 et qui est à l’origine de notre V ème République actuelle. Ainsi, le droit français se retrouve hiérarchisé afin de répondre en toutes situations à ce qu’exprime cette dernière.
La parole des citoyens dans notre démocratie
La politique démocratique dans laquelle nous sommes, organise donc la vie collective en vue d’un bien commun. En effet, elle consiste à donner apriori, le pouvoir au peuple afin d’assurer la liberté, l’égalité et la justice. Cependant, en vue de la taille de la société dans laquelle elle s’applique, le pouvoir prend la forme d’une démocratie représentative. Nous élisons des individus pour parler en notre nom. Ainsi, le rapport entre gouvernants et gouvernés repose sur la notion de consentement. De ce fait, bien qu’à l’origine la démocratie permette à tous de contribuer aux affaires politiques, elle dirige les pouvoirs d’action vers des spécialistes. Entraînant alors, une majorité des citoyens modernes vers une vision apolitique puisque démunit du pouvoir décisionnel. Pourtant, nous constatons au quotidien que dans les faits ce n’est pas totalement exact.
La justice : une balance parfois en déséquilibre
Bien que nous puissions nous sentir écarté de la direction choisie par notre gouvernement, la justice quant à elle demeure assurément. En tant qu’individu nous sommes confronté à deux types de justice distinctes. L’une est appelée droit positif et représente celle encadré par des lois strictes appliquées à tous. Plus simplement, elle désigne celle institutionnelles à laquelle nous sommes soumis par la contrainte de représailles judiciaires.
Pourtant, nous sommes aussi munit de la justice sous son autre forme. Celle-ci est appelée droit naturel et est propre à chaque individu. Elle réunit l’ensemble des valeurs morales auxquelles nous consentons ou non. Cette différenciation qui entoure la justice peut donc être nature de conflits. En effet, malgré la nécessité que les deux s’associent pour former une société saine et juste cela reste difficilement atteignable à la perfection. Toutes deux évoluent dans un environnement dynamique qui se doit d’être propice aux changements. Ainsi, chacune influence l’autre et est moteur de son évolution.
Le devoir du peuple de s’exprimer
Les mœurs et les normes étant en perpétuel transformation, les citoyens ont pour rôle d’influencer la structure sociétale. Tout au long de l’histoire cette influence a usé de différents modes d’action, qu’ils soient pacifiques ou brutaux. Cependant, avec la mise en place d’une démocratie, ils se doivent d’être basés sur le dialogue grâce à la liberté d’expression. De ce fait, les manifestations ont pour objectif d’instaurer un échange afin d’améliorer le système actuel d’un Etat. De plus, elles permettent aux citoyens de s’exprimer politiquement lorsque cela leur semble nécessaire et qu’ils ne se sentent pas ou plus représentés par une figure politique active. Elles furent et sont à l’origine de nombreuses évolutions dans notre société. On revient avec vous sur une d’entre elles :
Mai 68 : des manifestations qui ont changé le cours de l’histoire
En 1968 on arrive à la fin des trente glorieuses (1945-1973), une période durant laquelle la croissance économique s’accélère et où la société de consommation s’installe véritablement. Pendant cette dernière, la classe moyenne va se développer et le nombre d’étudiants dans les villes va se multiplier. La jeunesse de l’époque devient un nouvel acteur social et aspire à des changements sociétaux. Pour elle, la liberté individuelle et l’épanouissement personnel sont deux valeurs centrales au bien-être des individus. De plus, la visibilité donnée à la guerre du Vietnam alimente le jugement de l’opinion publique.
Le 22 mars, un groupe de cent étudiants se regroupe dans la faculté de lettres de Nanterre. Cependant, c’est le 2 mai que le mouvement va prendre son élan, lorsque les trotskistes, les maoïste et les anarchistes organisent une journée anti-impérialisme. A la suite de cette journée, un enchaînement événements va se dérouler faisant grandir jour après jour le mouvement. Les manifestations dans les rues retentissent avec à l’appui des revendications étudiantes et ouvrières. Le 24 mai se sont plus de dix millions de français qui font grèves à travers le pays. La France est alors paralysée ce qui donne lieu à une crise sociale.
Des aboutissements concrets
En réponse aux contestations et aux revendications, le président de l’époque, Charles De Gaule, prend diverses mesures. Le 27 mai, il annonce l’augmentation du SMIG (le SMIC), la hausse des salaires, la réduction du temps de travail et l’abaissement de l’âge du départ à la retraite. C’est le résultat d’un arrangement entre syndicats, patronats et gouvernement que l’on appelle l’accord de Grenelle. Malgré, l’échange musclé que représentent les manifestations de mai 1968, elle résulte d’un besoin de s’exprimer de la part du peuple. Mai 68 est donc un exemple concret des aboutissements de mouvements contestataires citoyens. Aujourd’hui encore, les changements apportés par ces événements ont une importance dans notre société.
« Nous avons proclamé les droits du présent contre le passé, porté les voix de l’instant face aux gardiens de musée. »
Daniel Cohn-Bendit
Pourquoi manifester ?
Une manifestation découle donc d’un besoin de changements venant du peuple. Pour se faire elle peut se justifier par différents modes d’actions. La réforme vise à transformer le système déjà en place tandis que l’alternative propose une modification totale de ce dernier. Dans les deux cas, elle passe par un mouvement de résistance. Les manifestations visent à créer un jeu des pouvoirs entre la force décisionnelle du gouvernement et celle de masse de la population. Leur objectif étant de se faire entendre d’une part par le pouvoir public mais aussi et surtout par l’ensemble des citoyens. En effet, elles ont pour but de construire un groupe afin de sensibiliser le plus grand nombre d’individus possible. Un rassemblement de telle envergure permet donc d’instaurer un esprit de solidarité au sein d’un peuple. Il effraie les dirigeants mais rassure les préoccupés, puisqu’il dévoile l’évolution des mentalités et que la population est soudée.
Comment se déroule une manifestation
Finalement, ces rassemblements utilisent plusieurs méthodes pour s’exprimer collectivement. Ils peuvent prendre la forme de marches en défilé cortège ou être statiques et faire action de blocage dans un lieu donné. De plus, il est important de souligner qu’en tant que citoyen nous avons le droit de manifester dès lors que nous déclarons l’évènement. Ainsi, ce dernier est encadré par les forces de l’ordre afin de veiller à ce que le dialogue se fasse sans impacter l’ordre public.
Cependant, bien que ces contestations furent pendant un moment un moyen efficace de modifier la société, aujourd’hui cela semble plus complexe. Effectivement, on constate que les pouvoirs publics y répondent différemment et que leur impact devient alors limité. Par exemple, le mouvement des gilets jaunes qui a débuté en octobre 2018 ne semble pas avoir trouvé satisfaction dans la réponse du gouvernement malgré ses innombrables manifestations. En revanche, on observe une hausse de la violence lors de ces événements à l’origine communicatifs et pacifiques.
La violence lors des manifestations
La violence est un moyen de se faire entendre qu’elle soit perçue comme légitime ou non. Le fait qu’elle survienne du côté des manifestant s’explique assez facilement par le besoin de reconnaissance. Cependant, elle peut très vite s’avérer dangereuse pour ceux qui l’emploient. Dans un premier temps, elle rend difficile la mise en place de manifestations. En effet, elle ne renvoie pas à un besoin de dialoguer mais plutôt de s’affirmer. De plus, elle entraîne un changement de l’opinion publique qui tend majoritairement à trouver ce mode d’action inapproprié.
Lors d’une manifestation, les policiers sont présents pour maintenir l’ordre. Cela peut entraîner une certaine opposition entre eux et les contestataires. Ce conflit est notamment observable depuis le début du mouvement des gilets jaunes, donnant naissance à un sentiment de déferlement de violence. Depuis les années 80 jusqu’à très récemment, la police française semblait contenir la foule à distance. Elle était déjà certes équipée mais n’utilisait sa force qu’à des fins d’impressionner sans apriori réellement s’en servir. Pourtant, aujourd’hui dénoncée pour des actes immoraux, la police est au centre de nombreux débats. On revient avec vous sur le mouvement des gilets jaunes qui fut un des élément déclencheurs du climat instable de notre pays.
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Le mouvement des gilets jaunes : des manifestations à grande ampleur
La hausse de la taxe carbone marqua le début d’épisodes dramatiques à l’origine nés d’une effervescence collective. Le 17 novembre 2018, un grand nombre de français n’arrivant plus à vivre avec leurs salaires se mobilisent autour de ronds-points. Ils souhaitent interrompre la circulation afin d’obtenir l’attention dont ils ont besoin. Contrairement aux autres mouvements, celui des gilets jaunes regroupe des individus venant d’horizons différents où les partis politiques sont divers.
Très rapidement, ces habitués de la route vont utiliser le dossard jaune présent dans chaque véhicule motorisé afin de s’identifier. Ce repère à la symbolique explicite exprime pleinement leur besoin d’être vu et entendu par le gouvernement. Lors de la première manifestation qui se déroule le 24 novembre sur les Champs Elysées, les premiers signes d’hostilité se font sentir. Dès le début, le mouvement est extrêmement réprimé par les forces de l’ordre. Les scènes de chaos vont dès lors se multiplier laissant place à une atmosphère cataclysmique caractérisée comme insurrectionnelle.
Un changement de politique pour les forces de l’ordre
Le 1er décembre, la police en manque d’effectif est dépassée par la situation et ne parvient à assurer la paix dans les rues. A partir de cette défaite policière, la doctrine de la loi du maintien de l’ordre change. Désormais, ils emploient une méthode offensive avec laquelle ils vont aux contacts des manifestants afin de décupler les interpellations. Durant ces rassemblements, la brigade anti-criminalité sera appelée à intervenir. Pourtant, leurs compétences ne sont pas destinées au maintien de l’ordre dans les manifestations. Ainsi, une hausse des débordements dû à l’affront entre les deux partis apparaît drastiquement. Habitués à utiliser des méthodes extrêmes d’immobilisation le nombre de blessés ne va cesser d’augmenter attisant chaque samedi un peu plus la haine. Les encerclements suivis de tires de flashs balls ou de grenades deviennent massifs.
Finalement, ce sont plus de 10 850 gardes à vues et 3 116 condamnations de manifestants et 2 policiers envoyés devant le tribunal. De plus, on compte 2 495 blessés dont 24 éborgnés et 5 avec une main arrachée.
Un futur compromit pour les manifestations
A la suite de ces évènements, les lois encadrant les manifestations ont été durci notamment avec certaines stipulant l’interdiction de manifester à des individus. Un réel questionnement est alors fait puisque que cela remet en cause les droits inscrits dans la Constitution. En effet, cette dernière exprime clairement la liberté de manifester et cela devient même un devoir lorsque le citoyen le trouve nécessaire.
Aujourd’hui, cette crise sociale pose plusieurs interrogations. Quels sont les effets de la gestion du maintien de l’ordre sur les libertés fondamentales ? Dans quelles mesures les pratiques misent en place visent à empêcher les individus de manifester ? Est-ce que cet usage disproportionné des armes intermédiaires et de la force ne va pas finir par apeurer la population et la soumettre à ne plus exercer son droit ? La répression ne devient-elle pas alors dissuasive ?
Ce qu’on constate c’est que désormais, de nombreuses personnes sont effrayées à l’idée de se rendre en manifestation ou de rencontrer un policier. Avec l’apparition des smartphones et des réseaux sociaux la visibilité donnée aux violences des deux partis divise la population. L’opinion publique prend conscience de l’agressivité grandissante dans notre société et est inquiète pour le futur.
L’importance du droit de manifester
Incontestablement nous avons le droit de manifester. Le fait que des citoyens puissent être en désaccord avec la direction prise par le gouvernement. En effet, il semble impossible de satisfaire toute une population. Or, notre démocratie nous permet de nous exprimer sur notre vision et nos idées. Manifester est donc essentiel pour participer à la vie en communauté et surtout faire évoluer notre société. C’est en remettant continuellement le fonctionnement de notre pays qu’on lui permet d’avancer. De plus, elle permet l’équilibre entre Etat et citoyens en empêchant celui qui détient les pouvoirs de les utiliser abusivement.