Jacques Demy, ce sont dix-huit longs-métrages. Dix-huit films qui bercent les générations, de l’enfant à l’adulte. Nous vous proposons de découvrir le monde musical et pop d’un chef d’œuvre : Peau d’Âne. À travers de ses costumes, la folle aventure de Peau d’Âne par Jacques Demy nous révèle bien des choses…
La folle aventure de Peau d’Âne par Jacques Demy : scénographier le merveilleux
Peau d’Âne nous raconte l’histoire d’une jeune princesse à l’existence paisible. Pourtant, à la mort de sa femme, son père le Roi décide de prendre une nouvelle épouse. Et son dévolu se jette sur sa fille. Refusant cette union, sous l’impulsion de sa marraine, elle fuit dans la forêt. Pour rester anonyme, elle se pare de la peau de l’âne magique de son père.
Jacques Demy a transformé le conte originel pour l’intégrer parfaitement dans son univers. Les personnages ont plus de profondeur, l’histoire est étoffée de chansons mémorables (vous avez en tête la chanson du Prince ou du cake d’amour). Il nous offre ainsi un classique du film français.
Le costumier, Augusto Pace est le scénographe de ce merveilleux. En effet, il tire ses inspirations aussi bien du Moyen-Âge, que des années 1970, en passant par le XVIème siècle. Il signe ainsi les trois robes emblématiques du film, entre la Haute-couture et le costume.
Peau d’Âne : robes des temps
Les trois robes inoubliables sont celles que la princesse commande pour tenter de dissuader son père. Ainsi, on trouve la robe couleur de la lune, du soleil et du temps. Elles sont, comme le reste des costumes, onirique, sans une période historique précise. Leurs richesses en font des pièces d’un travail remarquable et minutieux.
La création scénique dévoile le côté puissant et imposant des tenues. Elles racontent alors une histoire, et présente des techniques de réalisation très particulières. Par exemple, saviez-vous que la robe du temps est faite en « scotchlight » ? Il s’agit d’un matériau presque identique à un écran. Ainsi, le réalisateur a projeté des nuages blancs dessus pour créer l’illusion d’une robe au ciel de beau temps.
La robe de la lune reprend ce procédé mais cette fois, les petites toiles de projection sont éparpillées sur cette dernière. D’où cette impression de mille lunes scintillantes. Enfin, la robe couleur du soleil possède de nombreux miroirs, qui permettent de refléter la lumière et ainsi la rendre plus brillante. Ces trois robes montrent, de ce fait, la puissance et la richesse du royaume.
Un autre fait, la peau de l’âne était une vraie. Catherine Deneuve la trouvait d’ailleurs excessivement lourde, notamment au niveau de la tête. Notons également, que la modernité des tenues s’amène par leurs couleurs (la robe bleue par exemple) mais aussi par les coiffures qui sont très modernes et des maquillages dans l’air du temps.
Une galerie de personnages hauts en couleur
Dans les autres personnages, on ne peut que penser au Roi bleu, père de Peau d’âne et incarné par Jean Marais. Il est un roi d’apparence comme le prouvent ses manches démesurées, à la hauteur de l’égo du personnage. Son costume renforce évidemment son allure majestueuse, très Renaissance.
On pourrait y voir là, une pièce plutôt destinée au théâtre de par sa démesure. Sans doute, un clin d’œil à la carrière dramatique du comédien. Mais le Roi Bleu possède une essence très 1970 avec ses collants argentés, ses paillettes à outrance. Jacques Demi nous transporte là dans son univers multicolore et symphonique.
Au contraire, le Prince rouge, tombant sous le charme de la princesse, a une silhouette plus historique. Il est surtout associé à la couleur rouge, teinte de l’amour. Il est la passion qui va « délivrer » Peau d’Âne. En opposition au Roi, il est libre de ses mouvements, et ses vêtements le rendent prêt à l’action. Et donc prêt à l’amour.
Pour finir, il y a la Marraine la bonne fée. Son costume est entre la poésie et le réel. Sa coupe très simple renforce le fait qu’elle soit entre deux mondes. Après tout, ne décroche-t-elle pas le téléphone ? Les couleurs sont plutôt pop, acidulées, plutôt début des années disco. Pourtant, on retrouve la collerette, élément caractéristique de la mode à la Renaissance. Bien que stylisée, elle n’en perd pas son impact.
Marraine la bonne fée est hors du temps. Son costume intemporel donc renforce ce côté extraordinaire. En effet, la fée est un être merveilleux qui ne vieillit pas et qui traverse les âges.
La folle aventure de Peau d’Âne par Jacques Demy est un condensé de magie et de rêve, de références en tout genre qui prouvent la créativité du réalisateur. Les costumes s’intègrent parfaitement dans ce monde étrange et se jouent des codes. Novateurs, ils sont un lien entre le spectateur et l’histoire, entre deux mondes n’en formant qu’un, le temps de la projection.
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