En cette fin d’année, le Musée des Arts Décoratifs à Paris nous propose une fabuleuse exposition sur l’un des plus grands couturiers français de sa génération, Thierry Mugler. L’exposition “Thierry Mugler : Couturissime” s’installe au cœur de la capitale parisienne. Réalisée par le musée des Beaux-arts de Montréal, elle est actuellement disponible jusqu’au 24 avril 2022.
L’exposition retrace la carrière folle d’un homme pluridisciplinaire et audacieux, en mettant en avant ses œuvres. Entre les pièces de couture iconiques, les parfums à sentir ou encore les anecdotes insolites, Ô Magazine vous propose une petite immersion dans l’univers Mugler.
La femme Thierry Mugler : “un sujet et non un objet sexuel ”
Dès l’entrée, nous sommes subjugués par l’imposante affiche de la fameuse robe “Chimère”, portée par Adriana Karembeu. En la choisissant comme pied d’entrée, on entre totalement dans l’univers décalé et audacieux de Mugler. On trépigne déjà d’impatience. En poussant la première porte, on rentre tout de suite dans le bain. La scénographie sur cette première partie de l’exposition est très intéressante car elle met en avant les tenues. A droite, une bande-son de la mer sur un fond bleu représente la femme “Sirène”. Quant à droite, sous les chants d’oiseaux et un fond vert, on comprend qu’il s’agit essentiellement de la collection “Insectes”. Les collections Haute couture et Prêt-à-porter se mêlent parfaitement entre elles. C’est entre ces deux univers que trône fièrement La “Chimère”. Brillant de mille feux. Par ailleurs, on salue le jeu de lumières qui met en valeur le travail fourni de cette robe.
Plus on avance dans l’exposition Thierry Mugler, plus on comprend rapidement qui est la femme Mugler. C’est une femme séduisante, entrepreneuse, indépendante, puissante à tendance dominatrice. Elle est pulpeuse tant le créateur s’attarde sur la silhouette. Elle possède plusieurs facettes en étant aussi à l’aise dans un tailleur dit conventionnel qu’avec une robe “décolleté-fesses”.
On s’attarde aussi sur certaines pièces portées notamment par des célébrités comme Beyoncé ou Cardi B. Par ailleurs, l’exposition s’était séparée temporairement d’une de leur pièce pour la prêter à la rappeuse américaine. Cardi B l’a porté lors des Grammy awards en 2019. Ces références, qui peuvent paraître anecdotique, donnent justement tout le piment à cette exposition. Elles inscrivent les œuvres Mugler dans le temps présent. Elles ne sont pas figées dans le temps, ni démodées mais vivent à travers plusieurs générations et corps différents.
L’inventaire des matériaux : Pneu et plumes…
Dans l’émission Quotidien, Thierry Mugler disait que “ la féminité passe par tous les types de matériaux”. En effet, plusieurs de ces collections le démontrent notamment celle liée à l’automobile. On y retrouve le fameux “Tailleur-pneu”. Présenté à la Fashion week printemps-été 1990, il est fait en caoutchouc et cuir. Ce tailleur, à caractère futuriste représente l’une des pièces les plus insolites de son catalogue. Ces tenues ont nécessité plusieurs heures de travaux. Ainsi, il a fallu deux ans de fabrication pour que la robe “La Chimère” sorte des ateliers Mugler. Présentée au défilé automne-Hiver 1997-1998, elle constitue l’une des pièces les plus emblématiques du travail de Mugler. Elle a par ailleurs nécessité la participation de plusieurs corps de métiers différents comme des plumiers ou des modélistes.
Au-delà des modèles et de la carrière d’un homme, on célèbre également le savoir-faire français. Et plus largement, on rend hommage aussi à l’innovation stylistique et pratique de la mode dans l’assemblage des matériaux.
Starmania de Mugler
L’îlot parfum retrace toute la conception des parfums de Thierry Mugler. On y apprend ses inspirations, sa passion pour les étoiles et son travail sur ce packaging. Mais également les tenues portées par les mannequins lors des différents post publicitaires. Devant chaque œuvre est installé un petit poteau qui nous permet de sentir les différentes fragrances. Ce dispositif est intéressant car il permet de mettre en lien la théorie et la pratique avec les senteurs de parfum. Cela invite aussi les visiteurs à une exploration sensorielle : la vue avec les tenues, parfois l’ouïe, le toucher (jamais !) et l’odorat avec les parfums.
Cependant, cela n’apparaît pas très covid-friendly. Déposer sa petite truffe devant un présentoir quand on est assailli par les chiffres de la maladie, c’est plutôt dissuasif (on a évité, on l’avoue ! Sommes-nous tous devenus paranos ? ). Pourtant il apparaît essentiel de sentir ses parfums pour comprendre l’univers Mugler dans la parfumerie.
Thierry Mugler multi-casquette : photographe de mode et le réalisateur de clips
La deuxième partie montre d’autres facettes du styliste français. On apprend que lors d’une séance photo, Mugler interrompt à plusieurs reprises le grand photographe de mode Helmut Newton. Excédé, ce dernier aurait suggéré au couturier français de produire lui-même ses photos. Et voilà comment commence sa carrière de photographe de mode. Quelle légende ! Mugler veut photographier ses modèles dans les quatre coins du monde. Littéralement ! Faire poser ses mannequins sur le fleuve Niger au Mali, les allonger gracieusement sur des glaciers au Groenland (pourquoi pas !), ou même… en Corée du Nord (oui !), comme en témoigne une lettre exposée de l’ancien ministre de la Culture Jack Lang, à l’ambassade nord-coréenne demandant une autorisation et vantant le directeur artistique français.
Plus loin, une frise chronologique rappelle chaque évènement important de la carrière de Thierry Mugler. On prend notamment conscience de l’importance de sa carrière de danseur professionnel dans son travail. Mais de metteur en scène aussi. En effet, les différents écrans montrant quelques défilés de mode iconiques notamment la danse enjouée de Diana Ross ou encore la prestation de la femme-robot se déshabillant, l’illustrent bien.
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Thierry Mugler : le militant et le costumier
Par ailleurs, son rapport avec les célébrités met également en lumière son engagement. Alors que nous sommes en train de regarder ses différents défilés, nous entendons au loin les premières notes de “Too Funcky” de George Michael. Le créateur a en effet réalisé le clip vidéo sorti en 1992. Ainsi, on retrouve un casting flamboyant des meilleurs mannequins de l’époque comme Eva Herzigova, Linda Evangelista ou encore Tyra Banks. Les recettes du clip vidéo ont été reversées à une association pour financer la recherche sur le SIDA. Ce clip se veut à la fois glamour et militant.
Enfin, la dernière partie de l’exposition Thierry Mugler revient sur les costumes réalisés pour la pièce de théâtre La Tragédie de Macbeth. Dans une mise en scène 3D flamboyante, on incarne la chute de la personnage principale, Lady Macbeth, par des vêtements. Elle passe d’une tenue royale à un vêtement brûlé et déchiré.
Pour conclure, l’exposition Thierry Mugler est pertinente, didactique et en appelle à nos sens. On en apprend beaucoup sur la carrière du créateur français. L’exposition est aussi accessible aux personnes n’ayant aucune connaissance sur la mode qu’aux fashionistas.