Cinq milliards d’euros : tel est le montant de la générosité des particuliers en France, bon an, mal an. Compte tenu de son niveau colossal, il est nécessaire de s’assurer du bon usage des dons collectés. C’est le but que s’est fixé le Don en Confiance, organisme déontologique et de contrôle délivrant son label qualité aux associations désireuses de faire la preuve de leurs bonnes pratiques de gestion. Que signifie ce label ? Comment est-il attribué ? Quels en sont les enjeux ? Nathalie Blum, Directrice générale du Don en Confiance et infatigable défenderesse du respect des donateurs, a bien voulu répondre à nos questions.
C’est dans la fonction financière que Nathalie a réalisé toute sa carrière, d’abord au sein du groupe Disney pendant douze ans, puis dans le monde associatif, successivement chez les Petits Frères des Pauvres pendant huit ans, puis au Don en Confiance. Au sein du monde associatif, elle a mis son expérience et ses compétences de gestionnaire au service d’une autre façon de penser. Le but n’a alors plus consisté à faire du résultat, mais à réaliser le maximum de (bonnes) actions.
Aujourd’hui, Nathalie dirige depuis huit ans le Don en Confiance, organisme ouvert à toutes les associations et fondations défendant des causes d’intérêt général. Ces causes peuvent relever de la recherche médicale, la protection de l’environnement, ou encore l’humanitaire et le social. Parmi elles, certaines sont d’inspiration religieuse. D’autres sont au contraire profondément laïques. « Encore une fois, a souligné Nathalie, leur dénominateur commun réside dans l’intérêt général, par contraste avec les associations centrées sur des intérêts particuliers ».
Le Don en Confiance, un organisme déontologique et de contrôle
Vis-à-vis des associations et fondations, l’action du Don en Confiance va au-delà du simple audit. « Nous établissons une déontologie et en assurons le respect. Notre mission première consiste donc à élaborer une charte déontologique, reposant sur quatre principes forts ». Respect du donateur, transparence dans l’utilisation des fonds collectés, efficacité dans la réalisation de la mission, et enfin probité et désintéressement.
Le rôle du Don en Confiance consiste à garantir la confiance du donateur, certes par la labellisation, mais aussi par la prévention. Il joue donc un rôle d’information du grand public. Il peut ainsi lui arriver de lancer des alertes. « Par exemple, nous a rappelé Nathalie, au moment du Covid, nous avons vu fleurir énormément d’appels à dons de la part d’associations, sans lien avec leur mission. Les arnaques, même, se sont multipliées et nous en avons averti le public ».
Pour éviter ce genre de pièges, Nathalie a émis plusieurs recommandations. « Tout d’abord, il faut s’assurer que la mission sociale de l’organisation à laquelle vous donnez correspond bien à la cause que vous souhaitez défendre. Par ailleurs, il faut s’assurer de la transparence de l’association. Les donateurs doivent pouvoir vérifier ses informations sur internet. Ses comptes, le montant et l’emploi de ses ressources, sa gouvernance, jusqu’à la composition de son conseil d’administration doivent être rendus publics. En cas de doute, ne pas hésiter à les appeler, surtout si l’association n’a pas une grande notoriété ». Enfin, si le donateur souhaite avoir recours à des intermédiaires, en l’absence d’informations fiables les concernant, pourquoi ne pas donner directement à l’association ?
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Label Don en Confiance : comment ça marche ?
Consciente que notre monde est loin d’être parfait, Nathalie a expliqué sa démarche en revenant aux origines du Don en Confiance (1989). Ayant réalisé que la confiance était un bien collectif bénéficiant à tous, de grandes associations et fondations se sont rassemblées pour donner naissance au Don en Confiance.
Dans le cadre de sa démarche certifiante, le Don en Confiance envoie une centaine de contrôleurs au sein des organisations souhaitant obtenir son label. Là, ils vérifient l’ensemble des éléments liés à la charte évoquée plus haut. Ils assistent ainsi à l’assemblée générale, rencontrent les dirigeants et mènent leur enquête de façon approfondie. Par la suite, ils rédigent un rapport synthétique d’une trentaine de pages. Puis ils le présentent devant la commission d’agrément du Don en Confiance. S’ensuit un échange contradictoire au cours duquel l’organisation peut faire une réponse argumentée sur certains éléments critiques du rapport. À l’issue de ce contradictoire, la commission d’agrément décide de donner le label Don en Confiance… ou pas !
« La confiance, cela se gagne en permanence »
Cependant, la confiance n’est pas acquise une fois pour toutes, mais se gagne au contraire « en permanence ». Comme l’a précisé Nathalie, « nous donnons notre label pour trois ans, sur la base d’un rapport complet. Nous réalisons également un rapport intermédiaire tous les ans. Nous souhaitons en effet vérifier qu’il n’y a aucune raison de remettre en cause cette certification. Si jamais des changements allant dans le mauvais sens se sont produits, nous suspendons ou retirons notre label. Avant cela, nous procédons à des injonctions. Concrètement, il nous est déjà arrivé de dire : ‘là, il s’est passé quelque chose depuis la dernière fois qui ne correspond pas à nos critères. Vous avez trois mois pour rectifier le tir’ ». Nathalie en convient : « ce n’est jamais très agréable ! »
Ce cas de figure n’est heureusement pas le plus courant. Selon Nathalie, « comme il s’agit d’une démarche volontaire, les organisations mettent généralement tout en œuvre pour obtenir notre label ». Même si le niveau d’exigence du Don en Confiance est très élevé. En effet, a poursuivi Nathalie, « nous allons au-delà des obligations légales, en ayant des exigences supérieures à ce qui est attendu par la loi. L’objectif est commun aux deux parties : faire progresser l’organisation, la rendre plus efficace dans la réalisation de sa mission sociale ».
La confiance, un bien public
À l’origine de la création du Don en Confiance se trouvait l’idée selon laquelle les pratiques des uns rejaillissaient sur tout le monde. Dès que la confiance est brisée pour un des acteurs, elle l’est un peu pour tous. Selon Nathalie : « le public finit par généraliser en se disant que, peut-être, tout le monde fait pareil. Il est donc important pour l’ensemble des acteurs de la générosité en France d’éviter que de telles situations ne se produisent. Aujourd’hui, nous contrôlons un tiers de la générosité en France, à travers la centaine d’organisations que nous labellisons. En termes de montant de dons et de legs collectés, cela représente 1,6 milliard d’euros ».
C’est pourquoi la déontologie du Don en Confiance insiste particulièrement sur la transparence qui est due aux donateurs. Ainsi, chaque association labellisée doit publier un document annuel retraçant l’essentiel de ses activités. Nathalie a précisé : « Quelles sont ses ressources ? comment les emploie-t-elle ? Ce document à l’attention du donateur est même devenu une référence pour l’ensemble des associations et fondations. Même parmi les organisations que nous n’avons pas labellisées. Nous assumons par conséquent notre rôle d’entraînement vis-à-vis de l’ensemble du secteur de la générosité ! »
Le baromètre de la confiance et la spirale de la vertu
Grâce aux efforts déployés par le Don en Confiance, Nathalie trouve qu’aujourd’hui, les associations sont engagées dans une spirale vertueuse. « Elles mènent leurs efforts d’exemplarité année après année. Cela finit d’ailleurs par porter ses fruits, comme nous le montre notre baromètre annuel de la confiance ». En 2021, 54% des personnes interrogées par le Don en Confiance avaient confiance dans les associations et fondations faisant appel aux dons, contre 39% seulement en 2020.
Selon Nathalie, ce baromètre montre que « la confiance s’est un peu effritée pour certains. Mais elle s’est rétablie vis-à-vis des associations et fondations faisant appel aux dons, après l’éclipse que nous avons connue en 2020, marquée par le Covid. Ces dernières répondent donc davantage aux attentes des citoyens. En effet, la confiance est importante pour continuer à faire société. C’est ce qui nous lie finalement les uns aux autres. Il est donc important de faire rayonner les pratiques vertueuses des associations et fondations sur la société dans son ensemble ». Les associations doivent donc se montrer à la hauteur de leur mission et de la symbolique qu’elles représentent. « C’est tout le but de notre organisme, et nous sommes heureux d’y contribuer », a conclu Nathalie.