Tout savoir sur le syndrome de l’imposteur

“J’ai peur que tout le monde se rende compte que je ne suis pas assez bonne pour ce travail.” ,“si j’ai réussi, c’est surtout parce que j’avais de la chance”, “si j’échoue maintenant, tout le monde se rendra compte que je n’ai pas ma place ici”…Tant de phrases que l’on a déjà entendues ou même pensées et que l’on associe souvent au manque de confiance en soi. Cependant, douter que l’on soit bien à sa place, cela renvoie à un complexe bien défini en psychologie, celui de l’imposture. 

Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur ?

Bien qu’identifié par les scientifiques américaines Pauline Rose Clance et Suzanne Imes depuis 1978, le syndrome de l’imposteur reste encore peu connu du grand public. Et pourtant. 62% à 70% de la population est amenée à ressentir au moins une fois le syndrome dans leur vie.

Généralement on le définit comme l’expression d’un doute maladif consistant à nier les accomplissements individuels et les compétences personnelles. La personne sujette à un tel sentiment aura ainsi tendance à internaliser ses échecs et externaliser ses victoires. De plus, le phénomène se caractérise par un aspect mouvant et non figé. Il existe ainsi autant de syndromes de l’imposteur que de personnes qui l’expriment. Un test proposé par Clance a été mis en ligne afin de se savoir à quel degré on est touché par ce complexe. D’autre part, on peut noter que l’effet inverse existe aussi. L’effet Dunning-Kruger montre que des personnes incompétentes ont excessivement confiance en leurs capacités.

« La plupart de ceux ou de celles qui souffrent d’un syndrome de l’imposteur ne se qualifient pas volontiers d’imposteurs, pas plus qu’elles ne déclarent ouvertement : J’ai peur d’être un imposteur. Or, lorsqu’ils entendent parler de ce syndrome, […], ils s’écrient : C’est exactement ce que je ressens, comment le savez-vous ? » (Clance, 1985). 

3 piliers principaux

Malgré les diverses formes que peut emprunter le syndrome, le docteur en psychologie Kevin Chassangre définit dans sa thèse de 2018 3 piliers principaux à ce sentiment d’imposture:

  • l’impression de tromper son entourage (de ne pas être à la hauteur, de ne pas mériter sa place).
  • la tendance à la mauvaise attribution (expliquer sa situation par des facteurs externes: chance, hasard, erreur…).
  • la peur d’être un jour démasqué par les autres. C’est en réalité une peur irrationnelle puisque les personnes touchées disposent de tous les indices d’intelligence et de compétence. En effet, le syndrome concerne essentiellement les personnes qui réussissent. 

À cela s’ajoutent d’autres caractéristiques telles que le dénigrement des compétences et la forte anxiété liée à la peur d’être démasquée. Celle-ci peut être générale ou liée aux évaluations ou au contact d’autrui. La peur de l’échec, d’avoir réussi, de ne pas pouvoir reproduire un succès déjà réalisé, et de se faire demander davantage ensuite sont d’autres réalités constituantes du syndrome. Le sentiment d’imposture est d’autant plus intense que la personne touchée adopte une représentation rigide de la performance et de l’intelligence. C’est tout ou rien. Elles sont soit compétentes soit elles ne le sont pas. Cette perception binaire est souvent celle transmise par le système scolaire qui distingue les bons des mauvais élèves. À l’inverse, une vision évolutive qui ferait de l’échec un aléa naturel de la vie et non pas un déterminant identitaire, serait plus saine à adopter.

Le cycle de l’imposteur

Le cycle de l’imposteur, lorsqu’il est chronique, se réalise par le biais d’un cercle vicieux. Premièrement, la personne touchée ressent de l’anxiété à l’idée de réaliser une tâche. Par peur de l’échec, de l’évaluation ou même de réussir. Elle adopte alors deux stratégies d’auto-sabotage. Soit elle procrastine, soit elle se lance dans un travail frénétique. Dans le premier cas, la personne augmentera sa charge de travail au dernier moment sous le coup du stress. Or les personnes atteintes du syndrome sont souvent très compétentes. Donc en général elles réussissent. À ce stade, elles expliquent alors leur réussite par la chance.

Dans le second cas, la personne assimilera sa réussite aux efforts disproportionnés fournis et non aux compétences individuelles. L’impression de ne pas être à la hauteur se reproduit donc et avec ça, l’impression de tromper les autres. Ainsi, il y a reproduction de l’anxiété à l’idée de réaliser une tâche et ainsi de suite…

Les idées reçues

Le syndrome de l’imposteur n’est pas un syndrome 

Identifié pour la première fois en tant que “phénomène” par Clance, le sentiment d’imposture n’a rien de pathologique. C’est donc à tort que le terme de “syndrome” a été attribué par les médias. 

Il ne touche pas exclusivement les femmes 

Autre disclaimer, la première étude portée sur le sujet laissait à penser que seules les femmes étaient victimes d’un tel sentiment. La découverte du syndrome se situe dans les années 70, lors de la montée du féminisme. Les chercheuses se sont concentrées sur les difficultés que celles-ci rencontraient au travail. Elles ont ainsi associé exclusivement le syndrome à la population féminine. Cependant, des études plus récentes ont montré que le syndrome touchait largement les personnes ayant réussi indépendamment du sexe. 

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D’où vient le syndrome s’il est aussi commun ?

La peur du rejet

Selon la psychiatre, neuroscientifique et coach Tara Swart, le syndrome existe depuis toujours et renvoie à la peur profonde d’être rejetée par sa communauté. C’est un sentiment qui remonte après l’invention du feu, lorsque les hommes ont commencé à vivre en tribus. L’organisation communautaire a constitué un moment clé dans la survie de l’homme. Le sentiment d’appartenance était un gage de sécurité bien plus grand que les exercices physiques. En effet, il était plus rassurant de pouvoir compter sur l’ensemble des membres d’un groupe que sur sa seule force physique, même extraordinaire.

L’exclusion représentait ainsi le pire danger en ces temps là. Bien qu’il s’agit ici d’histoire ancienne, ce sentiment de sécurité dans la société existe au travers du travail et des relations sociales. Il est profondément lié à la notion de “social safety”. Ainsi, si une personne doute de notre place dans un groupe, cela constitue une véritable menace sur notre santé psychologique voire sociale.

De plus, le sentiment d’imposture est le résultat d’une comparaison de soi avec autrui. C’est donc notre différence avec un milieu donné qui serait à l’origine du syndrome. Or, chacun de nous a déjà expérimenté le sentiment de différence, ce qui explique le caractère commun du complexe. C’est d’ailleurs pour cette même raison que le sentiment touche beaucoup plus les groupes minoritaires.

Le rôle de l’enfance

Toujours selon T.Swart, il existerait 4 cas d’environnements familiaux qui favoriseraient le syndrome:

  • la survalorisation/idéalisation de l’enfant. Celui-ci intègre qu’il est parfait et qu’il n’a pas le droit à l’erreur. Il développe ainsi la peur de l’échec:” tout le monde pensait que j’étais parfait alors que je ne le suis pas, je suis donc un imposteur.”
  • l’absence totale de valorisation. L’enfant ne développe alors pas d’estime de soi. Il n’a alors aucune conscience de ses compétences ou de son intelligence.
  • la tendance à la comparaison, soit au sein de la patrie soit par rapport à un autre environnement. Le facteur est accentué s’il y a un décalage entre deux institutions. Par exemple s’il existe une survalorisation à l’école mais aucune valorisation à la maison.
  • les profils atypiques. Les compétences de l’enfant sont différentes de celles reconnues.

Le biais des apparences

Plus simplement et philosophiquement, le syndrome de l’imposteur se comprend à notre tendance à associer les gens qui réussissent à des profils différents de nous. Depuis notre tendre enfance, les personnes que l’on idéalise, à commencer par nos parents, nous renvoient une image éloignée de nous. À cela s’ajoute le fait que nous ne connaissons les gens que de l’extérieur et jamais de l’intérieur. Et nous arrivons souvent à la conclusion que les personnes qui nous entourent ne peuvent pas ressentir les mêmes doutes et incertitudes que nous.

On se sent imposteur non pas parce que l’on est seul à avoir des défauts, mais parce qu’on ne peut pas imaginer à quel point l’élite est elle même imparfaite sous ses apparences. C’est ce qui amène Montaigne à dire dans ses Essais qu'”aucun homme n’est un héros pour son valet.” Effectivement, pour le servant qui voit son maitre dépenser son argent la veille, et rentrer ivre mort toutes les semaines, l’aristocratie n’es plus si impressionnante. Mais pour nous qui ne voyons nos collègues que dans des meetings, confirmant l’image que nous avons toujours eu du succès, il est facile de les idéaliser et de nous dénigrer. La solution au syndrome serait par conséquent de ne plus douter de nous mais de nos propres représentations du succès.

Comment lutter contre ce complexe ?

Afin d’apprivoiser le syndrome de l’imposteur, un travail sur soi s’impose. Premièrement il s’agit de modifier ses propres perceptions pour favoriser un discours intérieur positif, réaliste et objectif. Cela peut passer dans un premier temps par l’élaboration d’une liste de qualités et de réalisations antérieures. Ensuite, il s’agit de prendre conscience de ses forces pour compenser ses faiblesses. Et, au mieux, s’appuyer sur ses forces pour progresser dans ses points faibles. Une autre manière de diminuer le syndrome est de sortir de sa zone de confort en réalisant des petits challenges chaque jour. Par ailleurs, il faut apprendre à accepter les compliments sans les minimiser. Ainsi, il faut se concentrer sur ses désirs et objectifs et non pas sur ses craintes et ses doutes.

Enfin, il se peut que le syndrome soit aussi renforcé chez les personnes trop concentrées sur elles-mêmes. En effet, certains scientifiques ont vu ce sentiment disparaitre lorsqu’ils s’intéressaient plus à la formation des étudiants plutôt qu’à leur propre promotion. Se détacher un peu de soi dans une société qui prône l’individualisme, cela peut être une bonne leçon à retenir du phénomène d’imposture.

Cet article a 5 commentaires

  1. BILLOT-SCELO

    Article très complet et facile de compréhension ! Écris par une jeune femme qui a énormément de talent pour son âge. Cet article est très intéressant et mérite d’être lu par d’autre

  2. Nimet Karim

    Very well written by a very young person. Very interesting and well researched and presented. Bravo

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