Suivez l’histoire et l’évolution de six parfums d’exception que vous connaissez tous. C’est à Grasse que des maisons emblématiques comme Dior, Chanel, Guerlain ou encore la célèbre parfumerie Fragonard ont choisi de puiser leur inspiration et d’utiliser les trésors de la Provence pour créer des parfums devenus célèbres dans le monde entier.
Co-écrit par Louna Moineaut et Pauline Gobbé
Grasse, la capitale du parfum, est le berceau de nombreux parfums mythiques qui traversent les époques sans perdre de leur éclat. Des champs de fleurs aux flacons iconiques, chaque parfum raconte une histoire unique. Plongez dans l’univers de six parfums emblématiques qui ont marqué l’histoire de la parfumerie.
Les parfums d’exception nés à Grasse
Chanel, N°5
Le parfum le plus connu et vendu au monde a vu le jour dans la ville de Grasse. En 1921, son créateur, Ernest Beaux, choisit pour sa composition le jasmin issu de Grasse. Depuis près d’un siècle, la maison Chanel s’y approvisionne.
« “Marilyn, que portez-vous pour dormir ?” Alors j’ai dit que je ne porte que Chanel N°5. » En effet, qui ne connaît pas cette citation de la célèbre actrice Marilyn Monroe ?
Avec cette déclaration, elle avait définitivement fait de Chanel N°5, le parfum de l’éternel féminin.
Presque 100 ans après, il est toujours le parfum le plus vendu au monde. D’après le site Globometer, il rapporte à la marque de luxe française 43,77 millions par an. Il se vendrait un flacon toutes les 30 secondes.
Ce parfum intemporel est composé essentiellement de cette petite fleur blanche, le jasmin. Depuis 1987, c’est principalement la famille Mul qui cultive et fournit ce précieux ingrédient à la maison Chanel. Un savoir-faire historique et délicat qui demande patience et dextérité. Aujourd’hui, la culture s’étend à d’autres plantes à parfum, allant de l’iris pallida au géranium rosat en passant par la tubéreuse. Cinq récoltes exceptionnelles sont réservées exclusivement aux parfums de Chanel. Cette parfumerie légendaire participe donc activement au patrimoine de la région.
Crédit photo: Copyright @CHANEL
Dior, Diorissimo
Edmond Roudnitska, le créateur de ce parfum féminin, désirait un parfum plus fleuri, moins doux que la tendance de l’époque en matière de fragrances et moins compliqué en termes de composition. C’est alors que Diorissimo sort en 1965, inspiré du muguet, la fleur porte-bonheur du couturier Christian Dior. L’illustrateur René Gruau, collaborateur fidèle de Dior, avait réalisé une affiche emblématique pour Diorissimo, représentant une femme de dos tenant un bouquet de muguet. Diorissimo a marqué l’histoire de la parfumerie et continue d’être apprécié par les amateurs de parfums classiques.
Afin de l’étudier au plus près, c’est tout naturellement que le parfumeur-compositeur Roudnitska en fit planter dans sa propriété à Cabris, près de Grasse. Il put donc sentir les effluves des clochettes blanches à chaque floraison. C’est de cette façon et grâce au muguet de Grasse qu’est né l’un des parfums fétiches de Christian Dior.
Guerlain, Shalimar
Parfum mythique de la maison Guerlain aux inspirations orientales, Shalimar, sorti en 1925, est la représentation d’un amour éternel, immortel et unique. La top-model russe Natalia Vodianova est l’égérie du parfum Shalimar depuis 2008. Elle incarne l’histoire romantique à l’origine du parfum (l’histoire d’amour entre l’empereur Shah Jahan et Mumtaz Mahal, pour qui le Taj Mahal fut construit). Shalimar était le nom des jardins paradisiaques du palais dans lequel vivait la princesse. Selon LSA-Conso, 108 flacons sont vendus par heure dans le monde entier et il est toujours dans le top 10 des meilleures ventes de parfums au monde.
La rose centifolia, l’une des matières premières du parfum, est cultivée à Grasse. Cette fleur est considérée comme ayant une odeur “délicate”. Grâce à cette odeur majestueuse à la fois florale et fruitée, la rose centifolia continue sans cesse d’être utilisée par de nombreuses maisons de prestige. Sa récolte artisanale et éphémère fait d’elle une matière première très prisée. On en extrait environ 1 kg d’absolue à partir de 3 à 5 tonnes de fleurs fraîches, ce qui en fait une essence rare et très recherchée.
Crédit photo : Pexels
La Vie est Belle, Lancôme
La Vie est Belle est l’un des parfums féminins les plus vendus au monde, et le plus vendu en France : deux flacons seraient vendus chaque minute. Julia Roberts, son égérie, incarne une composition qui offre, selon Lancôme lui-même, “une vision du bonheur résolument contemporaine”, à la fois universelle et intime. Le parfum a vu le jour en 2012, notamment grâce à Olivier Polge, né à Grasse.
Lancôme cultive aujourd’hui ses propres roses, iris ou encore jasmins, grâce à l’acquisition du Domaine de la Rose à Grasse en 2020. Le domaine de sept hectares voit pousser depuis une soixantaine d’années des dizaines d’espèces dans une démarche de culture biologique. Le savoir-faire de Grasse se retrouve dans la composition de La Vie est Belle avec l’iris pallida et le jasmin, autour desquels est construit le parfum. L’iris faisant partie des matières premières les plus rares et les plus nobles de la parfumerie, La Vie est Belle est un concentré fleuri entre luxe, authenticité, savoir-faire et modernité.
L’Air du Temps, Nina Ricci
L’Air du Temps de Nina Ricci est le premier parfum floral épicé de l’histoire. C’est un classique de la maison Nina Ricci : il est l’un des cinq parfums les plus vendus dans le monde. Il concentre à lui seul 1 % des parts de marché en France et représente 70 % du chiffre d’affaires en fragrances de la maison, soit 800 millions de francs.
Francis Fabron le crée en 1948 peu de temps après la création de la marque. Sa composition est “une ode à la paix, à l’amour et à la liberté” qui était parfaitement dans l’air du temps dans le contexte de sa sortie marquée par l’après-guerre. En effet, en 1946, c’est le fils de Nina Ricci, Robert Ricci, qui crée un département dédié aux parfums dans la maison de couture de sa mère pour relancer l’activité après les dégâts causés par le conflit mondial.
Dans l’optique de représenter une vision universelle et intemporelle de la féminité, L’Air du Temps n’est incarné par aucune égérie.
Entre jasmin, rose, gardénia et œillet, L’Air du Temps a marqué et marque encore l’histoire de la parfumerie par la qualité de sa fragrance, obtenue grâce à la noblesse de ses matières premières et au long processus de macération des différents ingrédients dans l’alcool, celle-ci faisant ressortir la puissance des effluves des fleurs. Le jasmin et la rose centifolia de Grasse sont au cœur de la composition.
Belle de Nuit, Fragonard
La parfumerie Fragonard est l’une des plus anciennes parfumeries de la ville de Grasse. Elle est située en plein cœur de la ville, et a vu le jour en 1926. Les deux parfumeries qui avaient été acquises par Fuchs (anciennement Cresp-Martinenq et Muraour) sont restées implantées au même endroit depuis cette date. Fragonard met un point d’honneur à proposer des parfums 100% fabriqués à Grasse, avec un alcool végétal de blé 100% d’origine naturelle et locale.
Belle de Nuit est l’une de ses créations mythiques. Imaginée en 1946, elle réinvente les parfums floraux avec une note orientale en mêlant du géranium, de la rose et de la violette à de la prune et du musc. Ce dernier ingrédient était inédit pour la maison Fragonard. Le nom du parfum, quant à lui, a été choisi en hommage à une fleur d’Amérique du Sud qui a la particularité de s’ouvrir la nuit et de se refermer lorsque le jour se lève.
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Un succès perpétuel
Reconnue comme la capitale du parfum depuis le XVIIe siècle, en France comme à l’international, Grasse est réputée pour son patrimoine unique au monde. Sa renommée est renforcée par la présence de parfumeries célèbres telles que Fragonard, mais aussi Galimard et Molinard.
Le caractère local des ingrédients utilisés dans les compositions grassoises, ainsi que le savoir-faire ancestral lié au domaine de la haute parfumerie qui s’y trouve, attirent des milliers de visiteurs chaque année. Ainsi, les 400 000 touristes qu’accueille Grasse et ses environs représentent autour de 4 % sur la totalité des séjours touristiques en Côte d’Azur.
Parmi les fleurs cultivées autour de Grasse, la rose, notamment, est utilisée à des fins de parfumerie depuis l’Antiquité. La fraîcheur naturelle qu’elle dégage en fait un ingrédient plébiscité depuis des siècles. Et c’est le climat doux et ensoleillé propre à la région de Grasse qui a permis aux parfumeurs d’y développer pleinement la culture florale. Ainsi, les parfums créés autour de la ville demeurent des créations intemporelles, qui s’appuient sur une tradition ancrée dans la région et qui n’est pas près de se ternir.