Comment faire pour lutter contre le burn-out ? Stéphane Nau, expert méditant en pleine conscience et coach certifié, nous enjoint à la méditation dans son nouveau livre Je médite au travail. Marquer un temps d’arrêt pour mieux nous recentrer : et si la solution à la souffrance au travail passait par la méditation ? Dans l’interview qu’il nous a accordée, il en explique les bienfaits, y compris dans le milieu de l’entreprise…
Article rédigé par : ZIEL Jérôme
Dans son livre Je médite au travail paru aux éditions Vuibert dans la collection ‘My Happy Job’ dirigée par Fabienne Broucaret le 15 mars dernier, Stéphane propose une cinquantaine d’exercices de méditation faciles à mettre en œuvre, même au bureau. Pour nous expliquer son intérêt pour la méditation en pleine conscience, Stéphane revient sur son parcours professionnel, entièrement lié à son parcours de vie. « J’ai eu l’occasion d’exercer une quinzaine de métiers, entre autres dans le domaine de la communication. J’ai longtemps travaillé en agence de publicité. Puis j’ai créé ma propre agence à Lille dans les années 2000». À un moment donné cependant, il se rend compte d’un manque d’ajustement dans son activité. La plupart du temps, Stéphane se contente de simplement relayer la stratégie d’entreprise, en vue de réaliser encore plus de profits, au détriment de l’humain.
Le jour où Stéphane Nau croise le chemin de la méditation
Dans les années 2000, il fait la connaissance d’une acuponctrice, Saysonh Noraseng, qui l’initie à la méditation. Alors qu’il vit habituellement à cent à l’heure, il prend conscience de la nécessité de se poser. La méditation l’aide même à trouver une réponse à la dépression qui l’envoie à l’hôpital pour six mois. Comme il l’explique, « cette dépression a été une vraie chance. Certes, elle a entraîné une souffrance abominable. Pour autant, j’ai aussi vécu de formidables moments de résilience. J’ai ainsi eu l’occasion de nouer une relation très forte avec ma propre souffrance. Cette période a énormément contribué à structurer mon nouveau chemin professionnel et personnel ».
Une fois rétabli, il part travailler avec des ONG au Cambodge pendant trois ans. Fidèle à sa fibre entrepreneuriale, il monte dans le même temps plusieurs entreprises en lien avec le développement local. « J’ai ainsi co-créé le premier réseau de blanchisserie professionnelle au Cambodge. J’ai aussi participé à la création d’une société produisant des salades et autres herbes aromatiques à l’attention des restaurants de Phnom Penh. Enfin, mon expérience la plus importante et la plus dense a consisté à ouvrir un hôtel de luxe en plein milieu de la campagne cambodgienne, avec une équipe de 15 Cambodgiens ».
Coach de pleine conscience avec ce livre Je médite au travail
Une fois rentré en France, il décide de radicalement changer d’orientation et de partager sa pratique de la méditation. « Je me suis dit que je pourrais partager une forme de sagesse et de compassion envers soi-même et envers les autres. Après tout, si cela m’avait sauvé, cela pourrait aussi aider d’autres personnes ». Il crée sa propre structure ‘Comment ça va ?’ dédiée à la diffusion de la pleine conscience. Le but consiste à apaiser les personnes dans le contexte professionnel. Tout en développant la bienveillance dans les équipes.
Pour assurer le succès de son projet, il part se former aux États-Unis. Là-bas, il suit la formation d’instructeur MBSR (Mindfulness-based stress reduction), un parcours créé en 1979 par Jon Kabat-Zinn, docteur en biologie moléculaire et professeur émérite à la Faculté de Médecine de l’Université du Massachussets (le fameux MIT). Comme Stéphane se le rappelle : « Jon est une personnalité absolument fascinante, pratiquant le yoga et la méditation de pleine conscience à la fois. Le programme qu’il a créé fait référence au niveau mondial. Il s’agit d’une formation assez longue, exigeante et intensive ».
À la racine du burn-out : un empilement d’injonctions
Stéphane part du constat suivant : « l’humain n’est pas fait pour être ‘dans le mode faire’ tout le temps. Il a besoin pour agir de manière ajustée de se ressourcer ». Or, dans le monde de l’entreprise, il existe un nombre impressionnant d’injonctions très fortes liées au système et aux individus eux-mêmes. « En effet, nous avons l’habitude de nous mettre la pression. Or, la question consiste à trouver le moyen de se ressourcer pour mener à bien ses projets. Au milieu d’un torrent d’actions à mener, il est important de s’autoriser à s’arrêter pour regarder ce qui est en train de se passer ».
Comme l’observe Stéphane, nous assistons à une recrudescence des burn-outs, dépressions et plus généralement de la souffrance au travail. Lorsque nous travaillons, nous poussons notre corps et notre mental pour produire toujours plus d’actions. À tous les niveaux, nous allons produire sans jamais nous arrêter un seul instant pour nous ressourcer. Ou pour simplement réfléchir à la question de savoir si ce que l’on produit est juste. Est-ce aligné, efficace et demandé ? « La plupart du temps, l’effort fourni n’est pas ajusté à la demande », note Stéphane.
Dans le monde de l’entreprise, il n’est pas question de s’arrêter un seul instant. Pourtant, selon Stéphane, nombreux sont ceux et celles qui reconnaissent la nécessité de prendre des temps de pause et faire le point sur ses actions passées, présentes et futures. « Or, poursuit Stéphane, l’entreprise et ses cadences infernales laissent peu de place pour cultiver la pleine conscience dans le travail. Nous avons le sentiment d’être soumis au temps. Pourtant, nous ne sommes pas là pour être soumis, mais pour agir de façon autonome. En d’autres termes, pour vivre le temps plutôt que de courir après ! C’est un gage de performance et d’engagement ».
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Qu’est-ce que la pleine conscience ?
La pleine conscience consiste à porter son attention de manière particulière sur l’instant présent, sans jugement, en marquant volontairement un temps d’arrêt. « Lorsque nous nous arrêtons pour regarder ce qui se passe à l’instant présent, nous nous recentrons sur nous-mêmes. Habituellement, nous avons l’impression que ce qui nous arrive est à cause de l’extérieur… Or, en réalité, tout vient de l’intérieur et dépend uniquement de nous-mêmes. Nous avons peu à peu oublié que nous étions les acteurs principaux de tout ce qui nous arrivait ». Face au sentiment de perte de contrôle, Stéphane nous invite à nous arrêter pour nous réapproprier du temps pour soi. « Ce n’est pas facile car cela paraît antinomique avec le mouvement de l’entreprise. En effet, nous obéissons à cette injonction de passer tout notre temps à faire quelque chose ».
Par ailleurs, plutôt que de porter un jugement de valeur sur tout ce qui nous entoure, pourquoi ne pas considérer les choses dans leur objectivité pleine et entière ? Sans y apposer de qualificatif. « Nous sommes en permanence en train d’évaluer l’expérience que nous vivons. Or, cela nourrit stress et mal-être ».
Comment méditer quand on est en entreprise ?
Le salarié peut s’autoriser à prendre de vraies pauses, de cinq à quinze minutes par jour, régulièrement. « Il faut garder à l’esprit que nous avons de nombreuses poches de temps disponibles partout. Si on ne le sait pas, c’est parce que nous sommes prisonniers du ‘mode faire’ ». Il est ainsi possible de se focaliser sur la pleine conscience de son propre souffle.
Le management peut également ritualiser certains moments de pauses en encourageant de nouvelles habitudes. Au début des réunions, par exemple : pourquoi ne pas prendre cinq minutes, une fois que tout le monde est arrivé, pour faire silence avant d’inviter chaque participant à s’exprimer sur la façon dont il se sent ? « C’est un exercice d’inclusion très puissant », précise Stéphane.
Cela ouvre la possibilité de pouvoir dire : ‘je me sens contrarié’, ‘je me sens anxieux’ ou bien encore ‘je me sens super joyeux’. Ou au contraire : ‘je me sens un peu en difficulté’. Selon Stéphane, « nous retrouvons alors une liberté de parole. Je l’ai mis en place dans plusieurs entreprises : cela marche très bien. L’efficacité de la réunion s’en ressent. Même si, au début, il peut sembler difficile de se dévoiler un tant soit peu. »
Je médite au travail où comment ritualiser la méditation
Selon Stéphane, il est également possible de profiter d’une salle de réunion disponible. Les personnes qui en ressentiraient le besoin pourraient s’y rendre pour se mettre un peu à l’écart. Le simple fait de s’asseoir sur une chaise et de rester en silence pendant un temps, en revenant à sa propre respiration, peut avoir des effets incroyablement bénéfiques !
Prenons enfin le cas d’une personne qui souhaiterait être un peu plus consciente de ce qui se passe avant de prendre une décision. Si elle se sent stressée, elle peut prendre un temps pour s’arrêter, apaiser son corps et son esprit avant de repartir dans l’action. « Il existe de très nombreuses possibilités de méditer. Dans mon livre ‘Je médite au travail’, je propose ainsi une cinquantaine d’exercices faciles à mettre en œuvre, même au bureau ».
D’une manière générale, si nous percevons une tension, nous pouvons ressentir un sentiment de relâchement très fort en trois ou quatre minutes de méditation seulement, sans avoir rien fait du tout. « C’est cela qui est extraordinaire », conclut Stéphane.