Jusqu’au 24 juillet 2022, la Fondation Lafayette Anticipations, à Paris, accueille une exposition-performance musicale inédite. Lion d’Or à la Biennale de Venise en 2019, l’artiste lituanienne Lina Lapelytè veut donner une place aux voix dissonantes.
Article rédigé par Amélia Porret
Pour sa première exposition en France, Lina Lapelytè met en scène une quinzaine d’interprètes non professionnels. Le résultat attendu : une cacophonie de fausses notes pour brusquer les oreilles et les codes. “On est un peu comme les orties : on est perçu comme des mauvaises herbes mais on a plein de qualités” s’exclame Claudine Santelli qui participe au projet. Justement les chants choraux entrecoupés épisodiquement par une voix projetée en solo dans le micro, sont à écouter dans un espace recouvert… d’orties. Leur présence renforce la symbolique de l’œuvre. En outre, la métaphore regroupe ici ce que la société s’est empressée de catégoriser.
Du mercredi au dimanche, le chœur se retrouve pour chanter en boucle, soit 6 performances d’une quarantaine de minutes par jour. Pour les accompagner, une bande son composée par Lina Lapelytè et des contributions enregistrées par les musiciens Angharad Davies, Rhodri Davies et John Butcher. Les paroles reprennent des extraits de Living in A Land, de Sean Ashton. Des phrases poétiques dans lesquelles le narrateur se livre sur ses propres regrets, ce qu’il n’a pas fait et qu’il ne fera jamais ou plus. Une ode à la passivité, en somme.
De l’individu au collectif
Alors que la notion d’harmonie est ici questionnée, le groupe semble néanmoins se coordonner. Et ce qui paraît à première vue discordant, trouve sa place et sa justesse dans ce petit jardin d’orties. “La première fois que j’ai fait la répétition, je me disais c’est affreux, comment je vais tenir le coup jusqu’au 24 juillet ? Mais je trouve que l’on finit par se caler. On chante avec notre justesse à nous.”, raconte Claudine Santelli entre deux prestations. La comédienne est elle-même musicienne, mais pas chanteuse. “À la limite, je chante dans ma salle de bain”, précise-t-elle sur le ton de la plaisanterie.
Les déplacements, individuels ou collectifs, la neutralité des expressions, les timbres qui à la fois s’expriment librement et simultanément : rien n’est laissé au hasard dans cette pièce chantée. En allant à l’encontre des canons classiques qui excluent celles et ceux qui chantent faux, l’artiste plasticienne et violoniste met à l’honneur la polyphonie et l’expression de soi. Ces individualité éparpillées finissent par constituer une seule voix. Mais la démarche ne s’arrête pas là. Le décor dans lequel peut déambuler le spectateur parmi les choristes en perpétuel mouvement, vient compléter l’œuvre. Chaque détail compte, à l’instar des bancs disposés au quatre coins de la pièce. Les légères ondulations qui façonnent sa face visible ont été réalisées numériquement à la base des ondes sonores de la performance.
À voir et à écouter de 13h à 19h, au deuxième étage de la Fondation Lafayette Anticipations. L’entrée est gratuite sans réservation.