Loin des courants dominants, Katja, artiste expressionniste et onirique, trace sa propre route depuis une dizaine d’années. Passant des Beaux-Arts à la sérigraphie, elle pratique également la fresque murale « à la sauvage » tout autant que dans le cadre de commandes officielles. Elle peint souvent des figures féminines altières et imposantes, inspirées de femmes dont la force l’impressionne. Elle aime également travailler dans des ambiances mixtes, parfois même matriarcales, nous avoue-t-elle ! Portrait d’une artiste urbaine défendant farouchement sa liberté…
Katja, artiste urbaine en quête de liberté
Parcours : des Beaux-Arts au street art
Katja travaille sous le pseudo Katjastroph alors qu’elle est encore à Nantes. Installée à Paris depuis 2017, elle brouille les pistes en multipliant les signatures : Katja Bot, Katja B., Katja ou Katja TDF, pour « Tigre de Feu ». Pour elle, l’importance de la signature est toute relative.
Diplômée des Beaux-Arts de Rennes, elle se spécialise dans les livres autoédités en sérigraphie dans un premier temps. Au sein de l’atelier nantais de sérigraphies Pol’n, elle organise le festival Kraft et les 73h de la sérigraphie. Le concept de cette dernière manifestation est simple. Pendant qu’un DJ performe un set d’une heure sur ses platines, un collectif de sérigraphes réalise un visuel de pochette vinyle, depuis la conception jusqu’à l’impression. Différentes équipes se succèdent ainsi pendant 73 heures sans interruption.
Elle travaille également au sein des collectifs Toto Black et Sweat Lodge, qui organisent des soirées cherchant à reproduire l’ambiance d’une fête foraine délurée. Depuis 2011, elle s’investit également dans le Festival Fusion en Allemagne, qui lui donne l’occasion de s’exprimer sur de grands formats.
Katja réalise son premier projet personnel de fresque murale La Villa Ocupada pour l’édition 2014 du Voyage à Nantes. Puis, elle participe aux projets Façades (Paris 18) et Rosa Parks fait le mur (Paris 19) du Collectif GFR en 2015. En 2017, elle rejoint le projet Entrez Libre du Voyage à Nantes. Puis, en 2018, elle réalise pendant un mois des peintures murales en Équateur avec le soutien de l’Alliance française. Tout récemment, elle a terminé un « gros » mur en Allemagne pour Weltbaustellen NRW.
Une technique et des couleurs variées en fonction du support
L’inspiration vient à Katja de ses nombreux voyages, en Amérique latine et en Europe notamment. Enfant et adolescente, elle habite en France, en Allemagne et au Brésil. Une partie de sa famille réside encore au Brésil, pays dont elle apprécie les gravures en noir et blanc (Poésia do Cordel), le quotidien, la nature, l’ambiance ou encore la mentalité des femmes de son entourage.
Katja a également arpenté le Mexique pour en admirer les peintures murales et l’art populaire locaux. À chaque déplacement, Katja se nourrit de ses rencontres avec des musiciens, des sérigraphes ou des peintres.
Enfin, l’art européen du début du 20ème siècle est une autre de ses sources majeures d’inspiration, notamment l’expressionnisme allemand, tout comme l’édition indépendante française et belge, ainsi que l’art brut en général.
Katja : une artiste urbaine entre projets persos et commandes
Katja affectionne de peindre sur de grandes surfaces car le côté physique d’une telle performance la stimule. En général, elle arrive sur place et se retrouve face au mur qu’elle a choisi, sans trop savoir ce qu’elle va faire. Puis, elle se met au travail. Elle s’étale, met de la peinture partout, sans se soucier de nettoyer. Ses performances durent généralement trois heures. Ensuite, elle lève les yeux vers le résultat obtenu pour apprécier l’impact du très grand format : l’artiste se laisse alors envahir par une sensation de bien-être.
Dans le cas d’une commande, elle essaie de trouver un équilibre entre les attentes du commanditaire et les siennes propres, ce qui n’est pas toujours évident. Elle doit ainsi composer avec un sujet imposé. Elle doit faire attention à l’harmonie entre l’œuvre et son environnement immédiat. Elle doit garantir la durabilité de sa peinture et anticiper la perception que le public en aura.
À quelles techniques Katja a-t-elle recours ? Elle préfère généralement peindre au rouleau, à la perche ou au pinceau. Le support dépend du projet. Par exemple, si on lui demande d’investir une façade sans faire de trous, cela ne l’empêche pas d’en faire quelques-uns, discrètement. D’autres fois, elle se fait aider par des amis, notamment lorsqu’elle travaille pour des festivals, réalisant des constructions en bois peint. Lorsqu’elle travaille sur une sérigraphie, elle aime que celle-ci s’approche de la peinture en travaillant ses films manuellement et en utilisant du beau papier.
Jusqu’en 2017, elle produit essentiellement des œuvres en noir et blanc, maximisant l’effet de contraste. Aujourd’hui, elle peint en couleurs vives, par désir de se renouveler et d’expérimenter.
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Les connexions féminines de Katja
Des collectifs féminins d’artistes urbains
Katja peint parfois avec des amis hommes et quelques copines. Il peut lui arriver d’intégrer des crews sur des projets de construction mêlant peinture, bois, métal et lumière. Néanmoins, elle se considère plutôt comme un électron libre et apprécie également les projets solo.
Les collectifs qu’elle intègre durablement fonctionnent selon un mode égalitaire, voire même matriarcal ! Lorsqu’elle participe à d’autres collectifs au sein desquels règne une ambiance machiste, elle coupe rapidement court à l’expérience. “Je n’ai n’a pas la patience pour supporter ça”, nous avoue-t-elle.
Les femmes qui inspirent l’expressionnisme et l’onirisme de Katja
Bien que refusant l’étiquette féministe, Katja admet être influencée par de nombreuses artistes femmes. Que ce soit dans la musique, où rap et hip hop ont sa préférence : Little Simz, Lady Leshurr, Casey, Young M.A, Missy Elliott ou encore Mc Carol…
Parmi les peintres femmes, Katja choisit ses influences de façon éclectique, même lorsqu’elles sont éloignées de son propre style. Parmi elles, elle cite Bastardilla, une artiste urbaine de Bogota dont les images de femmes l’impressionnent beaucoup. Elle cite également son amie Mathi-Mathos, qu’elle décrit ainsi : « bien dans son style », assumant pleinement son travail, peignant pour le seul plaisir de peindre en totale liberté. Enfin, elle apprécie les actions de Douceurxtreme dont les slogans parfaits la séduisent (« Survoltage féministe ! »).
Katja reconnaît également être marquée par les livres d’Aurélie Willliam Levaux qui mélangent dessins et écrits. Les femmes auteures représentent ainsi une source d’inspiration majeure pour Katja, notamment celles qui écrivent des autobiographies ou des autofictions. C’est le cas par exemple d’Albertine Sarrazin, Grisélidis Réal (Le Noir est une couleur), Germaine Grull ou encore Alice Zeniter.
Expressionnisme et onirisme au féminin
Si Katja est une artiste femme, elle ne se définit pas dans l’art féminin. Elle se voit d’abord et avant tout comme une peintre affectionnant tous types de supports, de tailles variées. Quand elle se consacre à des projets persos, elle en profite pour partager un moment avec des amis, tester certaines compositions, techniques ou associations de couleurs. Elle aime peindre tranquillement. C’est la raison qui la pousse à sélectionner des coins abandonnés. Elle est heureuse si des passants s’arrêtent pour regarder sa peinture, mais elle ne cherche pas l’exposition maximale à tout prix.
Katja représente souvent des femmes. Ces dernières sont souvent accompagnées d’une garde rapprochée : animaux, esprits, objets personnifiés, plantes sauvages ou même démons. Malgré cela, Katja donne à ses femmes une énergie plutôt rassurante. Imperturbables, elles représentent une force tranquille. Elles ont beaucoup d’aplomb, et leur regard en impose. Les femmes de Katja sont généralement rondes, elles semblent assumer sans complexe leurs formes généreuses : « balèzes », elles demeurent sexy sans être sexualisées.
Les projets de Katja, artiste urbaine
À l’heure où elle nous parle, Katja vient d’intégrer un atelier à la Briche (Saint-Denis). Suivront normalement un projet d’expo collective à Nantes dans le domaine de la sérigraphie (Haos Galerie), puis une exposition dans une nouvelle galerie du 13e arrondissement (Galerie Héloïse). Néanmoins, la jeune artiste reconnaît que la pandémie actuelle ralentit ses projets.
Faisant face à l’adversité, Katja représente inlassablement dans son travail la force projetée par les objets et les animaux qu’elle dessine. De même, elle collectionne des objets hétéroclites qui, à l’image de ses représentations expressionnistes matinées d’onirisme, lui apportent l’énergie étrange avec laquelle elle infuse ses créations.
Que vous inspire le travail de Katja ? Êtes-vous déjà tombé(e) nez-à-nez sur l’une de ses fresques en vous promenant dans les rues de Paris ? À quoi cela vous a-t-il fait penser ? Quelle énergie ses œuvres dégagent-elles selon vous ? N’hésitez pas à nous confier vos impressions dans la section des commentaires ci-dessous !