En cette période d’urgence sanitaire, il est des métiers qui sont plus ou moins impactés. Particulièrement touchés, les gestionnaires de copropriété ont ainsi dû changer bon nombre de leurs pratiques. Assemblées générales des copropriétaires virtuelles, dématérialisation tous azimuts galopante, etc. Pour nous parler de ces nouvelles contraintes, nous avons rencontré Catherine Coutellier. Présidente d’UNIS Pôle Gironde, elle décortique pour nous la crise traversée par la profession.
Issue du monde du notariat, Catherine Coutellier a commencé à exercer en tant que syndic dès 1989. Aujourd’hui chez Oralia, groupe Nexity, elle a toujours conservé son activité de gestionnaire syndic. Même si elle est passée depuis vingt ans à la direction des agences. Femme de terrain, elle a toujours privilégié la relation client dans son parcours. Elle préside également aujourd’hui le pôle Gironde de l’UNIS. Cette dernière est une fédération regroupant les principaux administrateurs de biens du pays (Citya, Oralia, Nexity et aussi des indépendants).
Qu’est-ce qu’un gestionnaire de copropriété ?
Destinataire de nombreuses requêtes, le gestionnaire de copropriété commence sa journée par gérer ses mails. « Et Dieu sait si nous en avons en cette période de confinement interdisant tout relationnel en face-à-face ! », souligne Catherine. Le gestionnaire se rend en outre dans les immeubles pour réceptionner les travaux et rencontrer les copropriétaires. Il doit également assurer la gestion courante. Car, confinement ou non, la vie continue. Et il convient de remédier aux dégradations, fuites d’eau, etc. en assurant le suivi des travaux d’entretien. De même, les assemblées générales continuent de se tenir. Il faut donc aller à la rencontre des membres du conseil syndical pour en préparer l’ordre du jour.
Un autre élément de la gestion de copropriété recouvre ses aspects patrimoniaux. Selon Catherine : « Le gestionnaire doit faire preuve d’une vision de long terme pour maintenir la valeur de la copropriété. Ainsi, un certain nombre de travaux doivent être planifiés : rénovation de façades, mise en peinture de cages d’escalier, etc. »
Plus généralement, le gestionnaire doit continuer à faire vivre la copropriété. Il envoie donc des notes appelant l’ensemble de ses membres à se respecter mutuellement. Le gestionnaire assure par conséquent le gardiennage de ce petit village en rappelant à chacun les règles élémentaires de civisme. Sous l’Ancien Régime, le syndic désignait la personne élue par une communauté villageoise. À bien y réfléchir, la fonction de gestionnaire de copropriété s’apparente à celle de maire d’un petit village. Catherine rappelle ainsi que « certaines copropriétés comptent plus de 500 lots ».
Les challenges auxquels la profession de gestionnaire de copropriété doit faire face
Malgré son rôle fondamental, la profession a été mise à mal par la superposition de plusieurs dispositifs juridiques. Ainsi, la loi SRU (2000) a encadré la profession, en instituant des normes de comptabilité identiques à celles d’une PME. La loi Duflot (2014) a par la suite encore complexifié les procédures attachées à la profession. Elle a imposé par exemple un volume horaire minimal annuel de formation de quatorze heures. Cette loi a aussi fixé une obligation de mise en concurrence de la profession. Comme le souligne Catherine : « Nous sommes la seule profession soumise à une obligation de mise en concurrence par nos clients à chaque désignation de mandat. Pourtant, l’action du gestionnaire de copropriété s’inscrit dans la durée. Ainsi, on ne peut pas imaginer gérer correctement une copropriété sur un an seulement. »
Par ailleurs, les gestionnaires de copropriété doivent faire face à la dématérialisation de leurs procédures. « Toutes professions confondues, nous explique Catherine, on sait que le mail est devenu une impulsion de la pensée. Aujourd’hui, quand on a une idée ou une contrariété, on l’évacue en envoyant un mail. Si le client a dix impulsions en une journée, il nous envoie dix mails. Ainsi, quand le gestionnaire de copropriété s’absente, ne serait-ce qu’une journée, il peut facilement se retrouver avec 150 mails à traiter à son retour ».
Et le confinement n’a fait qu’accentuer cette tendance en amenant la dématérialisation des assemblées générales strictement encadrée d’un point de vue juridique. Selon Catherine, « cela a obligé les administrateurs de biens à se munir d’un logiciel sécurisé. Jusqu’à présent, il fallait gérer les votes non seulement en présenciel, mais aussi par correspondance. Désormais, il convient au surplus de gérer les votes par visioconférence. Quand nous avons une assemblée générale de plus de 400 participants, la visio est très difficile à gérer pour le gestionnaire. Je vous laisse imaginer le stress engendré par l’accumulation de ces pratiques nouvelles ».
Des missions multiples…
Tout cela conduit à un engorgement total. Catherine cite par exemple le cas « de copropriétaires qui nous appellent pour se plaindre du bruit que font leurs voisins, les empêchant de dormir. “Faites respecter le règlement de copropriété !”, nous disent-ils. Le gestionnaire de copropriété conseille alors d’appeler la police. Mais on lui répond que la police ne vient pas. Et donc la plainte finit par être redirigée vers le gestionnaire de copropriété. »
« Le Covid a rendu les gens plus individualistes et égoïstes, dans la mesure où ils sont enfermés à longueur de journée dans leurs outils numériques. Quand ils rentrent chez eux, c’est pour allumer la télévision et tirer les rideaux pour se couper d’un monde extérieur devenu anxiogène. Et la pandémie n’a fait que renforcer cette tendance, en y ajoutant la frustration de ne plus pouvoir sortir pour se détendre. L’impossibilité de sortir au théâtre, au cinéma ou au restaurant, véritables soupapes de sécurité auparavant, contribue désormais à accroître les tensions ».
À lire aussi : Conseil en image, un métier d’avenir avec Marion Coqueblin !
… dans un contexte de tensions croissantes
Cette exaspération est évacuée sur la première personne que l’on a au téléphone : le gestionnaire de la copropriété, en l’occurrence. En conséquence, le turnover s’est accentué parmi les collaborateurs de Catherine, qui se retrouve avec un ratio de 30 % de gestionnaires sur le départ, certains pour faire complètement autre chose. Les rémunérations proposées sur la métropole de Bordeaux, s’étageant entre 30 000 euros pour un profil junior à 50 000 euros pour un profil expérimenté, sont devenues insuffisantes pour les retenir.
Dans ce contexte, la confraternité qui devrait jouer à fond pour soulager les maux de la profession, n’est pas toujours mise en jeu, comme le déplore Catherine. « Il ne suffit pas de brader les prix pour récupérer une copropriété. Car derrière ces prix cassés, se cache la réalité de gestionnaires de copropriété que l’on ne peut plus rémunérer à leur juste valeur. Or, un collaborateur peut avoir des horaires à rallonge, en commençant sa journée à huit heures et en la terminant parfois à 23 heures quand il doit animer des assemblées générales ». Il faut donc que la profession se montre raisonnable et évite de proposer des prix d’appel cassés.
Un lien social pourtant indispensable
Pourtant, Catherine souligne qu’être gestionnaire de copropriété constitue la profession la plus riche au sein d’un cabinet de gestion de biens. En effet, le gestionnaire a plusieurs casquettes : juridique, technique mais aussi relationnelle. Certes, pour être un bon gestionnaire de copropriété, il est important de pouvoir disposer d’un bagage juridique solide. « Face à un avocat, il faut avoir les connaissances juridiques minimales (BTS immobilier, licence immobilière) pour savoir de quoi il en retourne et ainsi bien défendre les intérêts de la copropriété ».
Mais, dans un contexte où le nombre de gardiens d’immeubles diminue, il revient également au gestionnaire d’assurer le rôle social traditionnellement dévolu aux gardiens. Cela le conduit à parfois dépasser les limites de son mandat. Catherine souligne que « le gestionnaire peut ainsi être amené à appeler un copropriétaire qui se sent un peu seul et isolé pour prendre un café avec lui. En retour, la gratification reçue peut être très importante et les liens humains ainsi tissés, se prolonger pendant des dizaines d’années ». Il faut donc savoir mâtiner son profil juridique de base par un côté commercial affirmé : « Savoir arrondir les angles et savoir, avec le sourire, gérer et désamorcer les conflits. »
« Vis ma vie ! » de gestionnaire de copropriété
Au vu de ce qui précède, Catherine déplore qu’aujourd’hui, on fasse encore la part belle aux critiques à l’encontre de la profession. « C’est dommage, car cela revient à monter en épingle une minorité dont la mauvaise réputation rejaillit sur l’ensemble de la profession. En tant que fédération, nous avons commis l’erreur de ne pas suffisamment nous battre contre ces articles négatifs. Pourtant, selon une étude réalisée par Bellman avec IFO en 2020, “66% des Français se déclarent satisfaits de leur syndic” ». Catherine invite les esprits chagrins « à faire un “Vis ma vie !” en venant partager le quotidien des gestionnaires de copropriété pendant une semaine au moins, pour voir… »
Êtes-vous satisfaits de votre gestionnaire de copropriété ? Quels aspects de son travail souhaiteriez-vous améliorer ? Faites-nous en part dans les commentaires !