Dans le prolongement de notre article sur son livre On Fire*, nous avons voulu en savoir davantage sur Fred Goudon et son travail. Le maestro a bien voulu nous dire comment lui était venue sa vocation de photographe de nu masculin. Nous avons ainsi pu remonter le temps, en l’écoutant nous parler de ses premières expériences auprès d’agences de mannequins américaines. Puis est venue l’étape décisive des Dieux de Stade en 2005. Le photographe a également abordé certains aspects plus confidentiels de son travail… Avis aux amatrices et aux amateurs !
Fred Goudon est un artiste hyperactif. Levé dès six heures, il se met devant son écran d’ordinateur et retouche ses photos de la veille. L’après-midi, il rencontre ses modèles et les photographie. Il en est ainsi tous les jours. Mais il ne se plaint pas, bien au contraire, il adore ça : « le métier de photographe est un métier sympa axé sur la créativité et les rencontres, c’est-à-dire tout ce que j’aime. C’est une passion, et quand on aime on ne compte pas ses heures ».
Fred Goudon est aussi un artiste paradoxal. Ouvertement gay, il destine ses photos à un public féminin. « J’ai une optique généraliste, nous dit-il, et je ne tiens pas à m’enfermer dans une catégorie homo érotique. Ce sont des femmes qui, à 80 %, achètent mes calendriers. Je représente dans mes photos le type d’hommes qui m’attire au niveau personnel : masculin et viril ». Le décor est planté…
Un talent manifeste, dès l’enfance
Fred se considère comme un artiste, d’abord et avant tout. Il a eu la chance que ses parents l’aient compris et incité à entretenir cette fibre artistique. « Je me suis intéressé à la photographie très jeune, en feuilletant avidement le magazine Photo notamment. Lorsque je parcourais toutes ces pages de beauté, je m’arrêtais principalement sur les photos en noir et blanc. Cela m’a permis de découvrir le travail de Bruce Weber. Finalement, le fait de rêvasser en feuilletant des magazines a été déterminant pour ma carrière de photographe ».
À 16 ans, son père lui a offert son premier appareil photo. Il a donc commencé par photographier sa sœur, son chien ou des paysages. Il se souvient : « Je découvrais de nouveaux angles, j’organisais des sets dans ma chambre, avec des vêtements plissés ou des fruits. Je travaillais ma lumière. J’avais déjà cette passion de la lumière, du contraste ».
Parti aux États-Unis chez des amis de la famille, il y a rencontré son premier modèle, qui fut également son premier amour. À partir de là, sa vocation de portraitiste d’hommes s’est précisée : « Les photos que j’ai faites de ce garçon, déjà particulièrement sexy au naturel, l’ont aidé à entrer dans une agence de mannequins de Los Angeles, Nina Blanchard. Cette dernière m’a alors proposé de faire les portfolios de ses modèles. Ma carrière est née de ce moment-là ».
Les Dieux du Stade, moment-clé dans la carrière de Fred Goudon
Néanmoins, Fred a réalisé sa percée avec le calendrier des Dieux du Stade. « En 2000, quand le premier calendrier des Dieux du Stade est sorti, j’habitais en Espagne », se rappelle-t-il. « Les médias en parlaient déjà beaucoup. J’ai pour ma part trouvé l’idée géniale. Les photos étaient très belles, cela fonctionnait vraiment bien ».
En compagnie de son associé et boyfriend de l’époque – ils avaient fondé ensemble une boîte de prod -, ils sillonnaient alors la planète pour se rendre sur des lieux de shooting, que ce soit en Uruguay, Afrique du Sud, etc. Ils ont alors commencé à démarcher les agences de mannequins pour qu’elles leur présentent leurs modèles les plus sportifs. « J’avais dans l’idée de créer un portfolio spécial et de le présenter au responsable du calendrier des Dieux du Stade, lui montrant ainsi mon projet et ma vision ». En 2005, notre maestro a finalement rencontré le président du Stade Français, Max Guazzini, avec son portfolio et son premier bouquin de photos Bedtime Stories sous le bras.
Fred se rappelle la scène de façon très nette : « Je donne mon portfolio au président : il y jette un coup d’œil distrait. Il regarde ensuite Bedtime Stories et s’arrête sur une photo en particulier. Puis il me demande si je serais capable de refaire cette photo. Je lui réponds par l’affirmative. “Tu fais les prochains Dieux du Stade !” me dit-il. Le simple ressenti de Max Guazzini sur une des photos de mon bouquin a fait toute la différence ! »
P’tits chats et beaux mecs aux champs
Par la suite, faire des choses variées en prenant appui sur le succès remporté par le calendrier des Dieux du Stade a représenté un véritable challenge. « Avec mon éditeur de l’époque, nous avions créé le Calendrier des judokas et des petits chats, idée que j’avais adorée. Cela avait d’autant plus été un challenge pour moi que je suis allergique aux chats. Le concept consistait simplement à mettre des petits chats attendrissants au milieu de beaux mecs ».
Quant aux agriculteurs, ces derniers ont représenté un moment un peu complexe dans l’histoire des calendriers. « À partir du moment nous avons décidé de faire un calendrier des agriculteurs avec mon éditeur First, nous avons contacté l’Association des jeunes agriculteurs français. Nous leur avons envoyé des mails à répétition pour leur proposer de faire partie de cette aventure. Nous avons reçu… deux réponses, dont celle d’un apiculteur corse qui n’avait rien à voir avec ma logique de calendriers un peu sexy. Je me suis rendu compte que le qu’en dira-t-on empêcherait la participation d’agriculteurs authentiques à un calendrier de photos dénudés ».
En désespoir de cause, Fred est allé chercher des gens qui avaient un lien ténu avec l’agriculture : ils étaient fils d’agriculteurs, mais eux-même étaient mannequins, acteurs, héros de la télé réalité. « Finalement, reconnaît Fred, ce calendrier est devenu plus un hommage aux agriculteurs qu’un portrait direct. Nous l’avons d’ailleurs bien indiqué sur la quatrième de couverture. »
En dehors des beaux mecs : les paysages de Fred Goudon
En dehors du nu masculin, « mon goût propre cimente l’ensemble de mon travail. Tout part d’un moment que j’ai envie d’immortaliser. Dans le cas de paysages urbains ou naturels, mon talent se situe au niveau du cadrage, de l’interprétation que j’en fais. C’est plus le hasard des endroits que j’ai pu visiter lors de mes nombreux voyages. Je peux vendre occasionnellement ce type de photos que je m’amuse alors à tirer en très grand format (2,5 m de large sur 2 m de haut). Cela fait de très belles photos, réalisées davantage dans une optique décorative ».
Fred se souvient d’une photo en particulier qu’il a prise alors qu’il sillonnait le Baybridge de San Francisco en cabriolet. « Il fallait aller jusqu’au bout du pont pour prendre la photo que j’avais précisément en tête. Nous avons fait plusieurs allers-retours pour capter la photo que je recherchais car il fallait être à un point précis du pont. Nous y avons passé l’après-midi. Je voulais avoir le tunnel et la perspective des voitures ».
Un maestro à l’abord simple et direct
Fred reconnaît qu’il a le don de mettre les personnes à l’aise, en digne fils de commerçants. « J’avais l’habitude de rencontrer des tas de gens pour leur vendre des articles dans le magasin de mes parents, et donc l’abord se fait simplement ». Cette qualité lui a beaucoup servi lorsqu’il s’est agi de photographier des modèles, pas toujours à l’aise avec l’idée de poser nu.
C’est ce qui s’est passé avec Morgan Parra, rugbyman vedette du Top 14. « Je lui ai dit, avant même que la séance ne commence, que j’étais certain du résultat, car il me plaisait beaucoup. Il m’a répondu un peu brusquement : ‘Tu n’as pas peur de me dire un truc pareil ? Parce que moi, si on me dit un truc comme ça, à la limite je m’en vais !’ Je lui ai répondu : ‘Je t’ai dit cela pour que tu comprennes la raison pour laquelle on va faire de belles photos. Maintenant tu le sais. Et puisque tu le sais, je pense que tu vas oser !’ Compte tenu de son gabarit, Morgan Parra n’avait vraiment rien à craindre de moi. Je lui ai simplement demandé de regarder l’objectif comme s’il regardait la personne qu’il aimait. Finalement, il m’a dit : ‘Tu avais raison, j’ai réussi à me relâcher complètement.’ Cette honnêteté que j’ai eue envers lui et qui l’a provoqué, cela lui a permis d’oser en donnant quelque chose de très spécial à l’objectif ».
Et vous, quelle est votre pratique de la photographie ? Selon vous, quelles sont les qualités qu’il faut posséder pour être un bon photographe ? Dites-nous tout dans les commentaires…
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Écrit en collab avec Audrey Bernet