Les femmes se sont faites une place lentement au sein de la sphère journalistique. Malgré cela, les femmes, journalistes ou invités, sont sous-représentées dans les médias. Voici une rétrospective de l’évolution de la place des femmes dans ce milieu.
Article co-écrit avec Louise Guthauser et Julie Guillaud.
A la fin du XVIIème siècle, il n’y avait que peu de femmes journalistes. Cependant, les professionnelles ne s’interdisaient aucun sujet et parlaient même de politique. C’est quelques décennies plus tard, au milieu du XVIIIème siècle, que l’on enferme les femmes dans la presse féminine. En 1880, le premier journal “féministe” apparaît. Marguerite Durand crée La Fronde, un journal conçu par des femmes et pour des femmes. Une première dans l’histoire.
Minoritaires, certaines femmes ont pourtant marqué l’évolution des médias. Jeanne Weill, connue sous le nom de Dick May, crée l’école des hautes études sociales au début du XXème siècle, devenant plus tard l’école supérieur de journalisme. Quant à elle, la journaliste Nellie Bly est une pionnière du journalisme d’investigation. L’évolution des femmes dans les médias, par le biais des journalistes, se fait lentement. En 1930, elles ne représentent que 2% de la profession. En 1950, elles sont 5%. Puis en 1960 : 15%.
Les années 60 : le basculement, mais des clichés persistants
En 1968, la journaliste Allison Webber déclare “notre tâche principale une fois franchis la porte était de survivre en évitant d’être cantonnées dans les pages féminines”. En effet, les sujets plus “prestigieux”, comme la politique, était traités par peu de femmes, souvent âgées et avec un rôle secondaire. Pour Alexis Lévrier, historien des médias, « le basculement se fait dans les années 60, notamment avec l’Express ». Le journal féminise la profession sur les sujets politiques, comme avec Françoise Giroud et Michèle Cotta.
Car l’enjeu est là : il existe des journalistes femmes, de plus en plus au cours des années, mais il y a un “mécanisme d’invisibilité, un mouvement d’éviction” qui fait que nous les voyons moins, nous explique Alexis Lévrier.
L’association des femmes journalistes
En 1981, l’AFJ, l’association des femmes journalistes, est crée. Elle rassemblait des femmes journalistes de différents médias avec pour objectif de favoriser l’accès des femmes aux postes à responsabilité et lutter pour l’égalité des sexes dans le traitement de l’information. A cette époque, 25% des journalistes étaient des femmes. Aujourd’hui dissoute, le collectif Prenons la Une a pris le relais. En 1997, la proportion des femmes journalistes monte à 38%.
Les années 2000 amélioreront considérablement la parité dans les médias, même si la représentation des femmes reste inégale.
Les années 2000
La place de la femme journaliste au XXIème siècle
Selon l’Observatoire des métiers de la presse, 49,30% des femmes aujourd’hui exercent la profession de journaliste, d’après les chiffres de l’INSEE en 2011. Les femmes se sont emparées du métier de journaliste depuis le début des années 2000. Ceci s’explique d’une part par la volonté d’attirer un nouveau public. Il s’agit du féminisme, très présent dans certains magazines. Les journalistes femmes peuvent dès lors faire entendre leur voix en prenant part aux actuels mouvements sociaux de femmes. Ceci permet l’émergence de nouveaux médias ainsi que de nouvelles méthodes de traitement de l’information, c’est-à-dire des femmes s’adressant à des femmes pour une cause qui les concernent.
D’autre part, cela s’explique également dans un soucis de se conformer à la loi. En effet, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes oblige les médias comme la télévision, la radio ou encore la presse écrite à fournir des données chiffrées sur la répartition par sexe des présentateurs et des experts.
Malheureusement, parité ne rime pas avec égalité, puisqu’il existe des disparités au sein des différents médias. Selon une enquête du Global Media Monitoring Project (GMMP) réalisée tous les cinq ans depuis 1995, le constat est sans appel. Son but ? Mesurer la place des femmes dans les médias au cours d’une même journée à travers 71 pays du monde. En 2015, les femmes ne représentent que 24,1% des personnes que nous entendons et voyons. Un chiffre peu rassurant puisqu’en 2010, elles étaient 28,3%.
La journaliste et la représentation de la femme dans les médias : des éléments à dissocier
Face aux inégalités qu’elles rencontrent au travail, les femmes se mobilisent pour faire entendre leurs revendications. En 2013, des journalistes féminines des Échos avaient entamé une grève de signatures, critiquant ouvertement l’absence des femmes dans les médias. Plus récemment, en 2019, lors de l’affaire de la “ligue du LOL”, plusieurs femmes ont fait part du cyberharcèlement dont elles ont été victimes durant la fin des années 2000 et le début des années 2010.
Si les journalistes féminines sont très présentes, c’est la représentation de la femme dans les médias qui est problématique. En effet, les hommes sont beaucoup plus mis en avant que les femmes.
Les femmes dans les différents médias
La loi du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a fournit des chiffres ayant permis de soulever de fortes inégalités entre les différents médias, qu’ils fassent partie de la presse écrite, de la presse web ou de l’audiovisuel. Dû à leur héritage de la presse traditionnelle, les journaux imprimés sont souvent ceux qui représentent le moins la femme. Vous le verrez, ces médias n’ont rien à envier aux nouveaux médias lorsqu’il s’agit de parité.
La place de la femme dans la presse écrite
En effet, une étude de l’Observatoire Européen du Journalisme confirme ces inégalités, présentes en particulier dans les médias traditionnels et la presse écrite. Alors que près de la moitié des journalistes Européens sont des femmes, la couverture médiatique est dominée par les journalistes hommes, généralement écrivant et mettant en image des hommes. Cette étude a été réalisée sur des journaux imprimés et web en prenant compte des articles et illustrations à la une. Les femmes sont autant journalistes que les hommes mais elles sont moins mises en avant. L’origine de ces inégalités dans la presse écrite ? La phrase d’Alexis Lévrier « La presse est le reflet des évolutions culturelles » permet sans doute aux rédactions de penser que les femmes ont souvent une vie de famille peu compatible avec leur vie professionnelle.
La place de la femme dans les médias audiovisuels
La radio et la télévision sont elles aussi responsables d’inégalité entre hommes et femmes, même si ces médias sont plus récents que la presse écrite. Sur les chaînes de télévision ou sur les ondes radio, on ne peut pas dire que les femmes sont sous représentées. Seulement, on remarque que leur présence est à la baisse aux horaires de grosses audience. En télévision par exemple, le taux de femmes passe de 42% à 29% entre 21h et 23h, quand les chaînes ont le plus de téléspectateurs.
Le CSA relève un autre problème dans le manque de parité dans les médias audiovisuels, celui du rôle des femmes invitées. En plus de prendre deux fois moins la paroles que les hommes, celles-ci sont plus souvent sollicitées pour leur expertise que pour leur expérience. Pour les hommes évidemment, c’est l’inverse, on rencontre plus d’experts sur les plateaux et émissions. L’origine de cette inégalité vient encore une fois des traditions de la presse. Pas évident de commencer à solliciter les expertes quand les chaînes de télévision et de radio ont déjà leur carnet d’adresses d’experts. En effet, les questions éditoriales sont plus souvent attribuées aux hommes que l’on pense traditionnellement plus compétents à réagir sur un sujet.
En 2019, le CSA invitait donc « les responsables des médias concernés à une particulière mobilisation en 2019 pour retrouver une dynamique globale de rééquilibrage en faveur de la parité ». La tendance agit donc en faveur de la parité, même si celle-ci n’est pas encore atteinte, loin de là.
Les nouveaux médias, ceux qui prônent la parité
Les médias les plus proches de la parité sont les nouveaux médias. Souvent indépendants, les podcasts, site web, pure players, blogs et réseaux sociaux défient les traditions de la presse par leur créativité et leur liberté éditoriale. Cette nouvelle manière d’informer a de plus en plus de succès que ce soit par son contenu ou par sa forme. De nombreux médias féministes aujourd’hui très sollicités des lecteurs appartiennent à cette nouvelle forme de la presse.
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