Êtes-vous intéressé par l’art ? L’univers des salles des ventes vous fascine ? Vous souhaitez faire expertiser un objet de famille ? À l’occasion des Journées Marteau, du 13 au 15 mai prochains, les commissaires-priseurs ouvrent les portes de leurs études au grand public. Pour vous faire découvrir cet univers particulier, Ô Magazine a rencontré Jean-Pierre Osenat, président du Symev (Syndicat National des Maisons de Ventes Volontaires), à l’origine de ces Journées Marteau organisées dans toute la France.
Article rédigé par : ZIEL Jérôme
Jean-Pierre Osenat a toujours occupé des fonctions de représentation de son corps de métier, celui des commissaires-priseurs. Il est d’abord président de la Chambre des Commissaires-Priseurs de la région parisienne. Il devient ensuite président du Conseil national du marché de l’art, organisme représentant toutes les parties prenantes du marché de l’art (antiquaires, galeristes, commissaires-priseurs). Actuellement, il est le président du Symev, le Syndicat National des Maisons de Ventes Volontaires, qu’il dirige depuis 10 ans après avoir été réélu trois fois à la tête de cet organisme de représentation des commissaires-priseurs.
Comme il le rappelle, le but du Symev est de valoriser, défendre et représenter la profession dans toutes ses composantes. Aussi bien les études importantes que les études plus petites situées en province.
Des Journées Marteau, pour quoi faire ?
Jean-Pierre Osenat souligne que « les Journées Marteau sont des journées de l’expertise. Pendant trois jours, nous donnons la possibilité au public de pousser la porte des salles des ventes. Il peut venir s’adresser à des commissaires-priseurs pour faire estimer ses objets. En temps normal, beaucoup de personnes se montrent hésitantes, car elles craignent de ne pas avoir d’objets suffisamment importants. D’autres, au contraire, ont l’impression que les ventes publiques sont réservées à la vente de Picasso. D’autres encore pensent qu’elles concernent uniquement le produit des saisies ».
En réalité, ces journées portes ouvertes sont là pour illustrer, défendre et valoriser la profession auprès du grand public. Car l’image des commissaires-priseurs est un peu élitiste. À tel point parfois que le public pense que seuls les objets les plus chers méritent de passer entre les mains des commissaires-priseurs. « Or, il n’en est rien, rappelle Jean-Pierre. Le prix moyen d’un objet vendu aux enchères en France est de l’ordre de 50 € ».
Le commissaire-priseur, un amateur d’art doublé d’un chef d’entreprise
Il existe ainsi 460 commissaires-priseurs en France, avec des différences considérables en termes de taille, moyens, spécialités du marché de l’art, etc. Néanmoins, tous considèrent que la vente publique est le meilleur moyen de vendre les objets au meilleur prix. Selon Jean-Pierre, « la vente aux enchères publiques est un service que nous rendons à nos clients pour valoriser leurs objets. Nous avons la compétence pour le faire. En effet, dans ‘commissaire-priseur’, il y a ‘priseur’. Cela fait référence à la prisée, c’est-à-dire à l’estimation des objets ». De par leurs études (double licence en histoire de l’art et en droit, École du Louvre), les commissaires-priseurs sont capables d’estimer la valeur des objets qu’on leur soumet.
Outre leur licence en histoire de l’art, les commissaires-priseurs ont également à leur actif une licence de droit. Car il leur revient la responsabilité d’établir le contrat signé avec le vendeur. Or, la réglementation française est très contraignante. Selon Jean-Pierre, « il est nécessaire de bien connaître le système de la fiscalité et des plus-values ». De plus, l’organisation de la vente nécessite aussi, et peut-être surtout, une culture de chef d’entreprise. La formation des commissaires-priseurs est ainsi toujours davantage orientée vers la gestion d’entreprise.
Un métier ouvert aux jeunes
L’élève commissaire-priseur se doit d’effectuer un stage de deux ans au sein d’une maison de ventes, avant de passer son examen. Pour autant, comme le précise Jean-Pierre, « la profession de commissaire-priseur n’est pas soumise à un numerus clausus. N’importe qui peut monter une maison des ventes. De la même façon que tout le monde peut ouvrir une clinique. En revanche, pour pratiquer des actes médicaux, il faut des médecins. Il en est de même pour les commissaires-priseurs. Les plus grandes études en France n’appartiennent pas à des commissaires-priseurs. Sotheby’s est la propriété de Patrick Drahi ; Christie’s, celle de François Pinault ; quant à ArtCurial, elle appartient à la famille Dassault. Il faut donc bien dissocier maisons de ventes, d’une part, et commissaire-priseur, de l’autre ».
Concernant la plupart des salles des ventes, la situation est différente de ce qu’elle était auparavant. Autrefois, il fallait en effet acheter une étude, ou alors être le fils d’un commissaire-priseur. Selon Jean-Pierre, « aujourd’hui, tout cela est terminé. De nombreux jeunes se lancent dans la profession en ouvrant leurs propres maisons de ventes. Il s’en ouvre chaque année au moins une dizaine. La plupart, maintenant, consacre le gros de leur activité à l’internet ».
Irruption du numérique chez les commissaires-priseurs !
Il est vrai que le métier a énormément évolué, en raison de l’introduction du numérique. Les plateformes internet ont complètement refaçonné le métier. Comme le rappelle Jean-Pierre, « autrefois, un commissaire-priseur devait compter sur les clients qu’il avait face de lui. À présent, les acheteurs proviennent du monde entier. Un acheteur du Guatemala va se battre contre un acheteur chinois, qui lui-même va se confronter à un acheteur américain. Le numérique a donc ouvert le monde entier aux études des commissaires-priseurs ! »
Selon Jean-Pierre, « ce changement favorise énormément le vendeur, en multipliant la concurrence entre les acheteurs, ce qui peut faire grimper les enchères, parfois bien au-delà de ce qui était prévu ! »
Marché de l’art, commissaires-priseurs et transparence
Concernant les compétences des commissaires-priseurs en matière d’expertise, Jean-Pierre se montre formel. « Pour 80% des objets qui nous sont présentés, nous sommes tout à fait en mesure de procéder à l’expertise nous-mêmes. Cependant, lecommissaire-priseur a parfois besoin de recueillir un avis extérieur. Nous avons en effet besoin d’experts dans les domaines spécialisés (art asiatique, bijouterie, meubles d’époque, etc.). Cela n’empêche pas les commissaires-priseurs d’être bien informés. Ils ne peuvent cependant pas tout connaître sur tout ».
La spécificité de la vente aux enchères se situe à deux niveaux, selon Jean-Pierre : la transparence, d’une part ; et la garantie sur l’authenticité, d’autre part. Comme il le rappelle, dans une salle des ventes aux enchères, la vente et le prix sont publics. « A contrario, dans les salons d’antiquaires, il est impossible de connaître le prix auquel un objet a été vendu. Dans une salle des ventes, les informations sur les prix sont postées sur internet dans les jours qui suivent la vente. Le public connaît donc au centime près le prix de vente d’un objet. De même, tout le monde peut se rendre en salle pour constater le prix auquel le marteau est tombé. La vente publique est donc synonyme de transparence ».
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Garantie contre les faux
Dans le même temps, cette transparence est indispensable pour établir les cotes des objets. Comme Jean-Pierre l’explique : « Pourquoi un tableau vaut-il 100.000 € ? Parce qu’un tableau un peu plus qualitatif du même peintre a ‘fait’ 120.000 €. Et qu’un autre tableau, un peu moins bien cette fois, n’a ‘fait’ que 80.000 €. Cela s’appelle une cote. Cette dernière n’est rendue possible qu’à partir du moment où les transactions sont transparentes et les prix, connus ». En l’absence de commissaires-priseurs, le marché de l’art serait opaque, occulte, et l’on aurait du mal à se faire une idée de la valeur des objets.
Autre raison d’être de la vente publique, la garantie contre les faux. Jean-Pierre rappelle ainsi que le métier de commissaire-priseur est extrêmement réglementé. « C’est la raison pour laquelle des plateformes comme Le Bon Coin ou eBay ne pourront jamais concurrencer les commissaires-priseurs. Nous donnons une certaine garantie. Si jamais il y avait un problème quelconque, le commissaire-priseur a l’obligation de rembourser ».
C’est la raison pour laquelle les simples plateformes de ventes ne prospèrent pas dans le secteur de la vente des objets d’art. « On peut très bien vendre un vélo sur Le Bon Coin. En revanche, il est plus difficile d’y vendre un tableau. D’autant que les gens ne se déplacent pas. Ils ne peuvent donc se permettre de risquer des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros sur un objet… sans avoir la garantie qu’il soit authentique, ou même qu’il corresponde à sa désignation ». En tant que commissaires-priseurs, Jean-Pierre et ses confrères sont seuls en mesure d’offrir une telle garantie.
Ventes publiques et bonnes surprises
Jean-Pierre insiste sur le fait que les surprises sont légion lors des ventes publiques. Il se souvient ainsi avoir appelé un vendeur pour lui annoncer que son vase chinois estimé au départ par l’expert 400 €, est finalement parti à 350.000 €. « Le vendeur était fou de joie et n’en croyait pas ses oreilles ! Si la personne s’était contentée de vendre son objet comme ça, elle n’aurait jamais su combien il aurait pu faire… »