Bastien Drut partage sa vision de L’Économie de demain dans son nouveau livre

L'Economie de demain, Bastien Drut

Croissance démographique en berne, urgence environnementale, retour de tendances isolationnistes que l’on croyait reléguées aux années 1930, les challenges que doit affronter l’économie du 21e siècle sont multiples. À l’occasion de la parution en avril de son livre L’Économie de demain. Les 25 grandes tendances du XXIème siècle aux éditions De Boeck Supérieur, nous avons rencontré Bastien Drut pour qu’il partage avec nous sa vision de l’économie de demain.

Bastien Drut, 38 ans, docteur en économie, travaille pour une grande société de gestion. En outre, il compte à son actif plusieurs traductions, dont Fashionopolis de Dana Thomas qui traite des dérives de l’industrie de la mode. Il a également traduit l’autobiographie du fondateur de Nike, Philip Knight. Spécialiste de l’économie du sport, par ailleurs, il a écrit plusieurs ouvrages sur le football professionnel. Dans son dernier ouvrage L’Économie de demain. Les 25 grandes tendances du XXIème siècle, il se livre à un délicat exercice de prospective. Il revient donc pour nous sur les quatre principales grandes tendances qui vont, selon lui, dominer l’économie de demain.

Stagnations démographique et économique

Première grande tendance dégagée par Bastien : « La stagnation démographique touche les pays développés depuis un certain temps. Par exemple, le Japon, tout comme le Portugal, ont enregistré leur dixième année consécutive de baisse de leur population. » De l’Amérique à l’Asie, en passant par l’Europe, le ralentissement du dynamisme démographique est général, même s’il n’est pas homogène.

Or, cette tendance pèse sur la croissance économique. Bastien nous rappelle ainsi que « la croissance économique est issue de deux facteurs : la population et la productivité. Si la croissance démographique fléchit, on peut essayer de compenser en augmentant la productivité. Mais cela signifie qu’on doit mettre le paquet sur, d’une part, l’éducation afin de pouvoir former des travailleurs encore plus productifs et, d’autre part, la recherche & développement afin d’améliorer nos produits et processus de production ». Du reste, Keynes, le plus grand économiste du monde, ne disait pas autre chose, déjà dans les années 1930.

L'économie de demain, Bastien Drut
(c) Matthias Nix – Flickr.

L’économie de demain et l’urgence environnementale

Deuxième grande tendance soulevée par Bastien : l’urgence environnementale, dont la production exponentielle de plastique est un des symptômes les plus aigus, avec le changement climatique. Selon l’auteur : « Le plastique est partout. Son utilisation a vraiment explosé au cours de ces 30 dernières années. La croissance de la production de plastique a augmenté beaucoup plus vite que la croissance moyenne de l’économie mondiale. Or, nous n’avons pas très bien réfléchi à ce que deviendrait le plastique une fois utilisé. Ce qui est dommage, car des millions de tonnes de plastique sont aujourd’hui déversées dans les océans. Cela présente des risques pour la vie animale bien entendu, mais aussi pour la santé humaine. »

Pour autant, Bastien ne pense pas qu’il faille interdire le plastique. « Ce qu’il faut plutôt, c’est interdire les produits à usage unique. C’est le sens des dernières directives européennes, concernant par exemple l’interdiction des couverts en plastique à usage unique. Même s’il est vrai que cette prise de conscience est sans doute encore trop lente ». De même, Bastien est favorable au développement urgent de schémas circulaires de réutilisation/recyclage du plastique. La commission européenne a pourtant des objectifs en la matière. « Mais on peut là encore regretter leur mise en œuvre trop lente, sans que l’Union n’y mette suffisamment d’énergie. Ainsi, un système de consigne des contenants en plastique serait tout à fait pertinent ».

Demain, quelle attitude face au progrès technique ?

Concernant le retour à des pratiques que l’on croyait appartenir au passé, Bastien souhaite distinguer deux choses. « L’usage du vélo, par exemple, est tout à fait souhaitable dans les zones urbaines dans la mesure où il permet d’éviter les concentrations excessives d’automobiles. Cette tendance est en phase avec les préoccupations écologiques et de planification urbaine. Il faudrait sans doute la généraliser. »

Mais, selon Bastien, le refus du progrès technique n’est pas une bonne chose. « Ce qu’il faut essayer de financer, c’est le développement d’énergies vertes, propres, mais aussi de moyens de transport qui soient moins polluants, voire plus polluants du tout ». À l’opposé, la traction animale ne peut représenter une alternative viable aux tracteurs, car l’agriculture doit maintenir sa productivité pour être en mesure de nourrir l’ensemble de la population. Néanmoins, le rôle de l’agriculture sera déterminant dans la capture du carbone par le biais de l’adoption de certaines cultures et technologies nouvelles.

Déglobalisation : un phénomène durable

Troisième grande tendance constatée par Bastien : la déglobalisation est là pour durer, même si elle ne pourra se faire du jour au lendemain. « Si on avait pu relocaliser certaines industries pendant la pandémie en un laps de temps très court, on l’aurait fait. Malheureusement, on se rend compte qu’il est compliqué de relocaliser en un clin d’œil (manque de savoir-faire, coût de production). Ce qui est certain, c’est que le commerce international suscite de nombreuses questions. On se rend compte que nous sommes allés trop loin dans la globalisation. Cette dernière pose un certain nombre de problèmes environnementaux (cargos faisant le tour du monde, pollution, conditions de travail…) ».

Bastien cite en exemple le cas du travail forcé des Ouïghours en Chine, qui fait régulièrement la une de l’actualité. Il note que « certaines marques ont avoué être dans l’incapacité de savoir si leurs sous-traitants opéraient dans cette région du monde ».

Portrait de Bastien Drut.
(c) Bastien Drut.

L’État revient à la manœuvre !

Ce type d’abus et le choc qu’ils ont provoqué dans l’opinion ont poussé cette dernière à se saisir du sujet, plus particulièrement depuis 2015. Les associations, certains partis politiques, abordent désormais le sujet de façon plus frontale et concrète. Selon Bastien : « Auparavant il y avait un constat : les délocalisations, ce n’est pas bien. Désormais le problème est pris à bras-le-corps par les acteurs de la société civile. Si bien qu’on a le sentiment que l’on ne pourra plus faire n’importe quoi avec le commerce international. Ainsi, les nouveaux accords ou trade deals devront inclure des clauses de contrôle des conditions de travail et des standards environnementaux. On a ainsi le sentiment que la fuite en avant est terminée. »

La prise de conscience est donc effective. Bastien poursuit : « Il faudra néanmoins qu’elle soit accompagnée d’une volonté politique de la part des États. On peut imaginer que des pans entiers du secteur industriel reviennent, quitte à ce qu’ils soient nationalisés. Pour l’instant, au niveau européen, on ne sent pas encore de volonté politique forte visant à relocaliser de façon rapide. En revanche, nul ne peut nier que la mondialisation a subi un véritable coup d’arrêt. »

Régulation des GAFAM

Quatrième grande tendance mise en exergue par Bastien : les géants du numérique se sont arrogés un pouvoir excessif. « À tel point que, dès qu’ils remarquent un nouvel entrant susceptible de menacer leur position dominante, ils le rachètent. En fait, ils achètent la concurrence. La concurrence n’existe plus car on leur a permis de pouvoir acheter comme ils le voulaient leurs concurrents prospectifs ».

Seules les autorités de la concurrence sont à même de pouvoir contenir cet expansionnisme sans limite. « Pendant un certain temps, note Bastien, les autorités de la concurrence aux États-Unis ont laissé faire Google, Facebook etc. Il semblerait que cet âge d’or des GAFAM soit terminé, au vu du nombre de commissions d’enquête parlementaire à s’être intéressées au cas de Facebook, par exemple ». Si bien qu’il est à présent question de réguler les géants du numérique beaucoup plus sérieusement. Certaines enquêtes menées par le Département de la justice pourraient aboutir à la promulgation de lois restrictives vis-à-vis des GAFAM, qui pourraient se retrouver obligés de se séparer de certaines de leurs activités. Cette tendance est aussi reprise en Europe. « Sur ces questions, seuls les gouvernements peuvent faire quelque chose. Il ne faut pas attendre du marché qu’il s’autorégule », souligne Bastien.

L’optimisme raisonnable de Bastien Drut

Face aux challenges auxquels l’économie mondiale fait face, Bastien se montre raisonnablement optimiste et il s’oppose aux collapsologues annonçant l’imminence de la fin du monde. Notre auteur a identifié le risque central pesant sur l’humanité et l’économie mondiale : l’urgence environnementale.

À cet égard, il est encourageant de constater que les États-Unis montrent une véritable volonté politique de prendre ce problème à bras le corps. Joe Biden a ainsi réussi à faire passer des plans de soutien à l’économie américaine XXL, centrés autour du soutien aux infrastructures, aux énergies vertes et à la transition énergétique. « Quand on constate que certains programmes politiques de grande envergure sont en train de se concrétiser, cela redonne de l’optimisme ! » nous dit Bastien.

La prise de conscience de l’urgence environnementale est également vraie en ce qui concerne l’Europe, même si les plans de relance y sont trop limités. Bastien rappelle ainsi que « dans le plan de relance européen, plus de 37% des fonds doivent être alloués à la transition énergétique. Cette prise de conscience universelle me fait dire que les choses commencent à aller dans le bon sens. Avec un peu de retard, certes… »

L'Économie de demain par Bastien Drut (couverture).

Partagez-vous l’optimisme de Bastien Drut en ce qui concerne l’économie de demain ? Quelles sont vos plus grandes inquiétudes concernant les perspectives économiques ? Faites-nous en part dans la section des commentaires !

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