Dans cette deuxième partie de l’interview nous avons parlé des inspirations de Simony, de son univers et de la place qu’il occupe dans le milieu du rap. Nous n’avons pas pu passer à coté des conséquences du Covid sur sa carrière et toute sa génération. L’artiste passe, à travers ses mots, un message fort ; être soi-même tout en respectant les autres. Se dépasser, aller au bout des choses et suivre le chemin que l’on se choisit.
Ô Magazine. Quels sont les artistes ou les choses, dont tu nous a déjà un peu parlé, qui t’inspirent pour créer ?
Simony. Il y en a pleins pleins ! En ce moment l’artiste que je me suis mis dans la tête c’est Vald, parce que je trouve que c’est quelqu’un qui a beaucoup beaucoup de recul sur les choses en général et sur la violence, en tout cas du système. Il utilise beaucoup d’auto dérision, sur pleins de choses, donc je le trouve très très inspirant. Dans le personnage et dans son humanité, j’adhère vachement à tous ces propos. D’autres artistes qui m’inspirent, qui m’ont inspiré à la base, c’est Kery James. C’est Kery James, c’est Ideal J, dans leurs revendications, dans leurs messages, comment ils se sont construits, d’où ils viennent, je trouve ça super inspirant. Je me suis pris de grosses claques quand j’étais plus jeune.
Et ça, ça m’a donné envie d’écrire d’une manière révoltée et puis je me suis rendu compte que je n’avais pas spécialement la même vie et que je ne pouvais pas défendre les mêmes choses.
Mais leur hargne et leur manière de faire, ça par contre c’est inspirant dans un sens plus profond. Et après musicalement, moi dans la musique que je vais faire, que je vais produire, les inspirations elles vont être assez électroniques, synthé tout ça, donc j’adore Gesaffelstein. J’ai beaucoup aimé Disiz. Dans le sens où il a cassé pas mal de codes. Un morceau comme Splash avec Stromaé à la prod, je trouve ça assez dingue d’arriver à produire ça dans un paysage urbain assez fermé à la base, de pouvoir l’assumer et de le rendre accessible à tous. Ce sont des artistes qui, soit n’ont pas peur de dénoncer, soit n’ont pas peur d’expérimenter musicalement parlant. C’est ça qui va m’inspirer en vrai.
Ô Magazine. Comment tu décrirais ton univers ? C’est vrai que dans ton EP on peut retrouver beaucoup de sentiments différents
Simony. Je le décrirais comme un petit peu décalé avec ce qui se fait actuellement, sans spécialement prétendre être différent, juste un peu en décalage parce que je ne me reconnais pas dans le paysage actuel. Ouais, décalé, énergique, sincère, avec une certaine sensibilité, mais avec une sensibilité colérique.
Ô Magazine. C’est important pour toi de faire quelque chose de différent, d’apporter quelque chose de nouveau ?
Simony. Moi ce n’est pas tant faire quelque chose de différent, c’est faire quelque chose qui me ressemble. Parce que s’il y a des choses dont je peux me rapprocher dans ce qui se fait et si ça me ressemble, je n’aurais pas honte de faire quelque chose qui est dans le même bail. C’est juste que j’essaye de rester le plus sincère et si quelque chose s’apparente à ce que je fais, tant mieux, ça veut dire qu’on est plusieurs à partager ça. Mais je n’ai pas une volonté d’être différent, en tout cas j’ai une volonté d’être moi-même et de faire les choses comme j’ai envie de les faire, ça c’est clair.
Ô Magazine. Tu nous disais que tu terminais tes études en management, comment tu comptes concilier vie professionnelle lambda avec ta carrière dans le rap ?
Simony. Je ne sais pas. À la base je m’étais lancé dedans, j’ai arrêté l’année dernière mes études entre guillemets, parce qu’elles ne correspondaient pas aux valeurs que j’avais envie de transmettre et par un souci de cohérence. Je m’étais un peu braqué et j’ai dit : ” C’est pas possible, ça ne me va pas, ça ne me correspond pas”. Puis je me suis dit que pour critiquer, pour pouvoir critiquer quelques chose, un système, il fallait le connaître et être allé au bout des choses. Donc j’ai pris la décision de les finir et d’aller au bout. Mais ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse à l’avenir que de faire du management ou du consulting dans un cabinet et répondre à des besoins, qui sont pour moi un peu superficiels.
Ô Magazine. C’est l’idée d’aller au bout des choses pour pouvoir dire, j’ai essayé, je l’ai fait jusqu’au bout, mais je continue mon petit chemin dans le rap parce que c’est vraiment ça qui me plaît ?
Simony. C’est ça. Sincèrement ce que j’ai envie, c’est d’arriver à être libre. Être libre de faire ce que j’ai envie de faire sans devoir répondre à des impératifs. Sauf que pour faire ça, il faut d’abord franchir des steps et pour pouvoir s’en affranchir il faut aller au bout des choses et c’est un des messages les plus importants que je pourrais passer. Parce que vraiment moi je l’ai subi et quand je me suis arrêté, je me suis dit ”OK là je suis libre parce que j’arrête”, mais je me suis pris des tartes au mental, vraiment.
Et y’a plein de gens qui se retrouvent un petit peu dans cette impasse-là. Quand ils se disent ” Ben non ça ne me correspond pas, vas-y j’abandonne” mais il ne faut pas abandonner, il faut aller au bout et puis même si ça te coûte en énergie, en temps, en tout, après au moins t’as cette satisfaction d’être allé au bout. De pouvoir être légitime et de dire ”Maintenant j’en ai plus rien à foutre. Je l’ai fait et j’en ai quand même rien à foutre.” Je pense que c’est vraiment le plus important.
Ô Magazine. Donc, du coup par la suite qu’est-ce que tu aimerais, quels buts, objectifs tu te fixes ?
Simony. Ben pour l’instant, c’est un peu compliqué de voir l’avenir, je t’avoue. Cette période elle nous a un peu tous matrixé. C’est très compliqué en tant qu’artiste en développement et je ne suis vraiment, vraiment pas le seul dans ce cas-là. On est pleins à se poser énormément de questions justement quant à notre avenir. Mais pas juste en tant qu’artiste, toute notre génération. On se dit ”Mais attends avec tout ce qui se passe là…” Même les gens qui se lancent dans l’entreprenariat, qui veulent créer des projets ou même certains qui veulent juste rentrer en entreprise. Ils se disent, mais si je vais dans n’importe quel milieu, tu vas dans le milieu de l’événementiel, même ceux qui ne sont pas artistes, ils se retrouvent dans la merde quoi ! Alors, on peut les transformer en opportunité.
Ô Magazine. Mais c’est compliqué !
Simony. Bah ouais ! C’est difficile de trouver de la motivation. Donc, pour l’instant, je vis un peu au jour le jour. Je sors ce projet, c’est déjà super cool. Je suis très content d’être allé au bout parce que ça m’a demandé beaucoup de force et je ne vais pas pouvoir le défendre de sitôt sur scène. Tout ne se passe pas du tout, comme moi et mon équipe, l’avait prévu au moment où on a lancé le process. On a lancé le process il y a deux ans, on aurait dû le sortir l’année dernière ce projet. On n’a pas pu le faire.
Il y a beaucoup de gens qui se sont greffés autour du projet, avec des communications un peu difficile, parce que à distance. Donc déjà finir ça. Me lancer dans la conception de l’avenir, de l’album et essayer de faire un maximum de choses pendant. Et l’objectif que j’ai, c’est de garder ma spontanéité et essayer d’arriver à cracher le plus possible tout ce dont j’ai besoin dans l’instant.
Ô Magazine. Est-ce que tu aurais un petit mot pour la fin ?
Simony. Ouais, que les jeunes qui m’écoutent ou non d’ailleurs, essayent de rester le plus sincère possible, le plus eux-mêmes. Parce qu’aujourd’hui moi je subis les masques de tout le monde, sans parler de Covid (rires) et on est plusieurs à les subir. Et de ne pas spécialement essayer de suivre les tendances, d’imposer qui ils sont, sans être méprisant vers ceux qui ne sont pas comme eux.
Merci Simony pour cette belle interview on espère te revoir très rapidement !