Le confinement a mis en lumière l’ampleur du problème de violence domestique qui affecte notre société. Cependant, il a aussi révélé l’étendue du problème du cyberharcèlement. En effet, les cas de revenge porn ont explosé durant le confinement. Comment expliquer un tel phénomène ? Simplement, les harceleurs avaient plus de temps pour harceler. Et de plus, Internet et les réseaux sociaux ont été nos premiers refuges lors de cette retraite temporaire. La forte activité en ligne les a donc incité redoubler leurs efforts, tout autant nuisibles et destructeurs qu’ils soient. Devant la gravité du phénomène, beaucoup cherchent à comprendre la psychologie derrière le revenge porn.
Derrière le revenge porn, une envie cachée de contrôle
La recherche de l’emprise sur l’autre
La diffusion d’images à caractère pornographique sans consentement ne sert pas juste à satisfaire un besoin sexuel. C’est aussi une démonstration de pouvoir, du contrôle que l’agresseur souhaite exercer sur ces personnes. Le revenge porn se veut comme une démonstration de l’emprise sur le corps, et sur la réputation de l’autre. En effet, cette pratique été surtout utilisée, à l’origine, par les hommes venant d’être quittés par leur partenaire. Voyant qu’ils ne pouvaient plus contrôler leur compagne de quelque manière qui soit, et que celle-ci était devenue la partenaire sexuelle de quelqu’un d’autre, ils utilisaient le revenge porn pour se réapproprier le contrôle sur leurs corps. Ils cherchent, à distance, à contrôler leurs émotions, provoquer leur peine, leur honte.
Nous pouvons retrouver cette mentalité avec les envois de “dick pics” (photo de pénis) sur les sites de rencontre ou les réseaux sociaux. Cette pratique pousse quasi toujours la personne à se sentir dégoutée, repoussée par l’envoyeur. Cependant, le but n’est pas de séduire, mais de forcer l’autre à visionner ce contenu pornographique. La surprise, le dégoût, le malaise que cela engendre, donne une impression de contrôle et de pouvoir à l’envoyeur. Le but de la vengeance pornographique est de provoquer une immense sensation de honte. La victime voit un contenu où elle se montre de la manière la plus vulnérable et intime être exposé au grand jour. Son intimité et sa vie privée son complètement bafouées. Dans le cas du sexting, cela peut avoir des conséquences très sévères sur la santé mentale de la victime. En effet, après avoir fait confiance à son/sa partenaire, et subi une telle trahison, comment réussir de nouveau à faire confiance à l’autre ? Cela peut donc être une expérience extrêmement traumatique.
Le revenge porn encouragé par son impunité ?
Plusieurs exemples en Corée du Sud
L’histoire tragique de Goo Hara – ayant commis un suicide après avoir été harcelée par son ex, représente un mal bien plus étendu et profond en Corée du Sud. Depuis 2018, plusieurs scandales ont éclaté à propos de chatrooms utilisées pour partager des photos ou vidéos explicites de femmes, et même de mineures. Le scandale le plus polarisant est celui de la Nth Room, une immense controverse qui est toujours en cours. La Nth Room consistait en un groupchat privé utilisé pour diffuser les images de jeunes filles (certaines étant mineures) forcées de se filmer en train de faire des actes sexuels, parfois incluant des viols ou des mutilations. Récemment, une autre affaire similaire a été exposée sur les réseaux sociaux. Elle implique un groupe de rap Coréen nommé WonNation. Ces rappeurs, peu connus, auraient eux aussi créé des groupes dédiés à engager la conversation avec des jeunes filles, pour la plupart mineures, et ensuite les pousser à partager du contenu pornographique. Il s’agirait donc ici d’un cas de pédopornographie.
L’instrumentalisation de la honte
Dans ces deux cas, les photos et vidéos deviennent un moyen de chantage, et servent à maintenir les victimes sous le contrôle de ces personnes. Dans beaucoup de cas, les agresseurs ont utilisé des stratagèmes pour attirer ces jeunes femmes. Par exemple, ils prétendaient qu’ils avaient reçu des clichés d’elles à caractère sexuel, et qu’il leur fallait leurs identifiants personnels pour vérifier leur identité. Ils obtenaient l’accès à toutes leurs informations et données personnelles, et là commençait le chantage. Pour rappel : la pornographie est interdite en Corée du sud. Ainsi, ce genre de forums prolifère dans l’ombre. Ils sont les lieux de l’exploitation la plus sinistres de femmes et enfants. Dans certains cas, ils sont protégés par des personnes haut placées.
Comment échapper à cette situation sans en sortir humilié et dégradé ? Les victimes, toutes des femmes, se retrouvent piégées dans ce cercle vicieux. La peur de l’humiliation, de la dégradation de leur propre image et celle de leur famille, les paralysent. Elles sont forcées de fournir des images de plus en plus graphiques afin de ne pas être exposées au grand public. Ce genre de situation finit par ruiner leur vie et leur santé mentale. Certaines en viennent donc au suicide. Ces scandales ont profondément indigné la population coréenne. Les noms des participants de la Nth n’ont à ce jour pas encore été révélés.
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Un traumatisme bien trop minimisé
La culpabilisation
Les victimes de revenge porn peuvent devenir la cible d’une culpabilisation. Déjà, le fait que le harceleur n’ait pas toujours de sanction, mais qu’elles ne puissent pas échapper aux retombées de leur agression, crée des dynamiques paradoxales. La victime est punie, et l’agresseur est épargné. C’est exactement ce qui est arrivé à la chanteuse Goo Hara. Elle a subi le jugement et le mépris des internautes, tandis que la faute de son copain a été effacée. Cette culpabilisation est donc un plus pour le harceleur, qui l’utilise pour se dédouaner de son infraction.
De plus, il est très commun que les victimes de revenge porn souffrent de slut-shaming. Elles sont jugées sur leur sexualité, exposée au grand jour. Et cela, qu’il s’agisse de sexe consenti, ou pas. Le slut -shaming dévalue les victimes, surtout femmes, et les réduits en seulement des êtres à la sexualité hors-normes. En personnes qui ne méritent donc pas d’empathie, de compréhension. Car après tout, c’est de leur faute. “Elles n’avaient qu’à pas faire ce genre de chose.” “Si elle a envoyé la vidéo, c’est son problème, elle aurait dû faire attention.” “Pourquoi a-t-elle acceptée ? En vérité, personne ne l’a forcée.” La culpabilisation déplace la responsabilité de l’agression sur la victime, et la retire ainsi complètement de l’agresseur.
Une personne ne choisit pas d’être agressée ou harcelée. Elle ne doit pas porter la responsabilité des actions qu’elle a subies. Malheureusement, cette mentalité de victim-blaming n’est pas si rare. Il est important de se montrer empathique envers les personnes ciblées par le revenge porn. De leur assurer que ce qu’elles ont subi n’est pas normal, et que leur harceleur doit être puni.
Appropriation du corps et objectification
Ce que nous voyons de plus en plus dans les forums, ou même sur les réseaux sociaux comme Twitter et Instagram, c’est la banalisation de la diffusion d’images non-consentie. Le non-respect de l’intimité de l’autre semble avoir un lien avec l’appropriation du corps de l’autre. En effet, comme nous l’avons expliqué précédemment, le revenge porn était à l’origine la pratique des hommes qui n’acceptaient pas la rupture avec leur partenaire. Leur vengeance devient un moyen de se “réapproprier” le corps de leur ancienne compagne. Elle est aussi un acte qui cherche à objectifier le corps de la femme. L’agresseur cherche à retirer toute valeur autre que sexuelle de la personne qu’il expose, dans un objectif de voyeurisme déshumanisant.
La compte Instagram Stop Fisha se dédie à dénoncer et signaler les comptes qui pratiquent la vengeance pornographique. N’hésitez pas vous aussi à signaler ce genre de compte malveillant sur les réseaux sociaux que vous consultez.