Les entrepreneurs ne sont pas tous uniquement guidés par des considérations financières. Certains, telle Sophie Scantamburlo-Contreras, ont aussi une ‘mission’, littéralement. Pour sa part, elle veut sauver la planète, tout en favorisant l’émergence d’une société plus solidaire. Avec Frédéric Salles, elle a ainsi créé en 2021 SCOP3, véritable ‘Vinted du professionnel’. SCOP3 est une plateforme reliant les entreprises qui veulent se débarrasser de leurs équipements, d’une part, et celles qui cherchent à aménager leurs locaux à moindre coût, d’autre part. Nous l’avons rencontrée pour qu’elle nous parle de son projet…
Article rédigé par : ZIEL Jérôme
Sophie Scantamburlo-Contreras obtient un master en finance et en contrôle de gestion à Montpellier. Puis elle file à Londres pour six mois. Du moins le croyait-elle : finalement, elle y restera six ans ! Revenue à Montpellier, elle a été directrice financière et des ressources humaines pour diverses entreprises. Elle a ainsi travaillé dans l’événementiel, les énergies renouvelables ou encore les éditions digitales. En parallèle, elle a enseigné à l’Université, en tant qu’intervenante professionnelle auprès d’étudiants de licence qu’elle accompagnait en contrôle de gestion.
Au cours de ses diverses expériences, elle s’est rendu compte des travers de la technologie. « Nous laissons une quantité incroyable de déchets sur le bord de la route, car il faut toujours aller de l’avant ! Ce faisant, nous ne nous posons pas la question du devenir de ces déchets ni de leur impact environnemental ». Une fois le seuil de ses 40 ans franchi, Sophie saute le pas et démissionne de son poste. Elle se lance alors dans l’aventure de l’entrepreneuriat. « J’ai ressenti le besoin de donner une raison d’être à mes journées de travail. J’ai donc co-fondé une entreprise mariant rentabilité et protection de l’environnement, comme indiqué par son statut de société à mission ».
SCOP3 : réemploi plutôt que réutilisation
En effet, SCOP3 surfe sur l’évolution de la réglementation incitant les entreprises et les citoyens à adopter les principes de l’économie circulaire. Le GreenHouse Gas Protocol (GHG) identifie dès la fin des années 1990 un axe d’amélioration pour les entreprises qu’il définit en trois scopes. En effet, le GHG cherche à inciter les sociétés à diminuer leurs émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre. Selon cet organisme, elles peuvent agir sur le scope 3 par le biais de leur politique d’achats et de frais généraux. Sophie et son associé Frédéric Salles ont donc appelé leur société SCOP3 en hommage à l’initiative pionnière du GHG.
Par ailleurs, le Code de l’environnement établit une différence entre réemploi et réutilisation. Le premier recouvre toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets, sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus. À l’opposé, la ‘réutilisation’ désigne toute opération par laquelle des substances, matières ou produits devenus déchets sont à nouveau utilisés. SCOP3, quant à elle, se spécialise dans le réemploi des équipements professionnels.
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Un alignement d’étoiles favorable pour le réemploi
D’un point de vue législatif, Sophie rappelle que l’interdiction de jeter les invendus alimentaires instituée par la loi relative à l’action contre le gaspillage alimentaire a été adoptée dès 2016. Depuis le 1er janvier 2022, cette interdiction s’étend aux invendus non-alimentaires. De plus, le législateur a prévu d’intégrer dans les appels d’offres publics cette notion de réemploi. Il fixe ainsi un seuil minimum de 20% d’équipements réemployés pour les projets de réaménagement propres aux collectivités et administrations.
Par ailleurs, les lois PACTE (2019) et AGEC* (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire, promulguée en février 2020) encadrent davantage le réemploi des équipements professionnels. Selon Sophie, l’objet social et la mission de SCOP3 convergent avec la volonté des pouvoirs publics. « Selon nous, SCOP3 arrive au bon moment en proposant les outils nécessaires à la mise en œuvre de ces obligations et incitations légales ». Au-delà des textes de loi, les acteurs économiques eux-mêmes sont convaincus par le réemploi ! Ils pensent désormais qu’il constitue une bonne alternative au bennage pur et simple.
SCOP3 : une plateforme digitale qui automatise les transactions
Par équipements professionnels, Sophie désigne tout mobilier de bureau, outillage, matériels électriques, informatiques, ou encore tout matériel de restauration et d’hôtellerie. Comme elle l’explique, « notre fonctionnement est comparable à celui du Bon Coin ou de Vinted. Cependant, les professionnels ont absolument besoin de sécuriser et de documenter toutes leurs transactions. Cela fait partie des prestations que nous proposons, en éditant des factures en bonne et due forme. De plus, nous permettons aux entreprises de récupérer un Cerfa fiscal correspondant aux dons au profit d’une association ».
Par ailleurs, comme l’activité d’une entreprise ne se focalise pas sur la revente de son équipement, elle recherche la simplicité. SCOP3 offre les avantages du digital. Ainsi, toutes les étapes de la transaction sont automatisées, depuis la publication jusqu’à la prise de rendez-vous, en passant par la mise en relation avec des transporteurs, etc. Cette simplicité d’usage incite les entreprises à se lancer dans le réemploi de leurs équipements, ce qui leur procure en retour une énorme satisfaction.
Deux niveaux de prestation : DIY et clé-en-mains
SCOP3 propose deux niveaux de prestation. Premièrement, dans le mode autonome ou « self-service », après avoir créé un compte, l’entreprise publie ses propres annonces et gère l’ensemble de la transaction. Simplement, c’est elle qui tient les rênes de l’opération.
Deuxièmement, SCOP3 propose un accompagnement personnalisé à l’attention notamment des grands groupes. Selon Sophie, « certains clients ont par exemple 10.000 m² de bureaux dont ils souhaitent se séparer. Ils n’ont pas le temps de gérer le réemploi des équipements. Dans ce cas, nous dépêchons une équipe qui fera un inventaire, les photos, le descriptif, l’état de chaque équipement, en allant jusqu’à prendre ses dimensions. Nous sommes aussi en mesure de proposer des prix de vente. Le cas échéant, nous suggérons de donner certains équipements plutôt que de les vendre. Dans ce mode projet clé-en-mains, nous accompagnons l’entreprise, en étant l’interlocuteur unique des acquéreurs qui se trouvent en face. L’entreprise n’a donc rien à gérer, pas même le transport que nous prenons en charge ».
Dans le mode DIY, SCOP3 prélève une commission de 15% sur le prix de vente. Dans le cas d’un accompagnement clé-en-mains, la commission passe à 40%. Comme le précise Sophie, « nous ne nous rémunérons pas du tout sur les dons ».
L’horizon de SCOP3 : nouvelles fonctionnalités et communication tous azimuts
Portée par la force de conviction de Sophie et de son co-fondateur Frédéric Salles, SCOP3 a réussi à lever 1,7 million d’euros à la fin du mois de mars dernier. L’entreprise va ainsi pouvoir utiliser cet apport de fonds pour accélérer le développement de sa plateforme. Le but consiste à proposer un maximum de fonctionnalités. « Par exemple, explique Sophie, depuis peu, chaque entreprise ayant réalisé une opération de réemploi reçoit une attestation de la quantité d’émissions de CO2 qu’elle aura contribué à éviter. Ces attestations sont certifiées par un cabinet habilité par l’ADEME et l’Association Bilan Carbone. Les entreprises peuvent ensuite se servir de telles attestations pour documenter leurs efforts en matière de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) et de bilan carbone ».
Par ailleurs, la fonctionnalité relative à la livraison, à l’installation et au nettoyage des équipements est en cours de développement. Le but de ces nouvelles fonctionnalités consiste à rapprocher le réemploi d’équipements d’occasion de l’achat du neuf.
La levée de fonds permet également de communiquer de façon élargie, en développant la présence de SCOP3 dans les médias. Sophie poursuit : « nous avons embauché une responsable du marketing digital et de la communication. Elle travaille sur tout ce qui est référencement, campagne sur les réseaux sociaux, etc. Nous allons également mettre en ligne en juillet prochain un site vitrine montrant des cas pratiques d’opérations de réemploi. Nous montrerons ainsi le cœur de notre activité et notre savoir-faire ».
Des équipements réemployés, chargés d’histoire !
Sophie se souvient de la démolition du collège de Remoulins, près de Nîmes. Eiffage avait demandé à SCOP3 d’intervenir avant que les travaux ne commencent. Or, la plateforme n’avait alors que deux mois d’existence !
Heureusement, SCOP3 a pu faire le lien avec une société de cinéma qui s’apprêtait à tourner un film sur la profession d’enseignant. « Nous les avons donc aidés à constituer tous leurs décors : classes, laboratoires de biologie, posters, livres, etc., à moindre coût ! Leurs décors étaient d’autant plus originaux qu’ils avaient réellement servi. Les bureaux des élèves avaient encore des chewing-gums collés sous les tables et les mots d’amour gravés étaient 100% authentiques ! »
Ce mobilier, vieux d’une trentaine d’années et chargé d’histoire, a donc pu être réemployé grâce à l’intermédiaire de SCOP3. « Nous avons trouvé que cela constituait une belle anecdote, surtout pour un démarrage d’activité, » conclut Sophie.
* Rappelons que la loi AGEC est à l’origine de l’interdiction des pailles, couverts, touillettes et autres couvercles de gobelets en plastique depuis le 1er janvier 2021.