Salon des Livres rares & Objets d’art, revient ouvrir des mondes

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Du 24 au 26 septembre, au Grand Palais Éphémère, se tiendra le salon des Livres rares et des Objets d’art. C’est le moment d’ouvrir des mondes perdus. Je vous raconte donc ce que c’est que lire ces livres anciens, pour ce qu’ils sont réellement.

Lectures d’un livre ancien

Ouvrir un livre ancien, c’est ouvrir un monde perdu et quelques fois oublié. Une dédicace signée en première page déclame avec une vérité théâtrale que le livre a vécu avant notre venue, qu’il a vu d’autres lecteurs, et que, imperturbablement, il racontera toujours la même histoire. Seul le lecteur changera, et parfois radicalement. Changer pour un lecteur du futur. Pour une lecture du futur, d’ailleurs, et de jamais.

Mon livre, ce livre

Quelqu’un d’autre l’a lu. Ils furent même plusieurs à vivre une vie grâce à ce livre. Ils se succédèrent sans conscience du temps qui passe, tous immobiles dans la même position, le livre ouvert entre les mains, les pages se tournant dans le même geste. Et l’œil perdu dans des pensées qui vieillirent doucement.

Cette histoire a été une vérité, elle a eu une force, elle a façonné notre présent. Elle nous raconte ce qu’on a manqué du monde que nous habitons. Elle parle d’hier, selon les mots d’hier, sans les déformations atroces des souvenirs adoucis par l’âge.

La colère des livres rares

Le livre ancien se dénote de tous les romans de gare par cette espèce de colère qu’il renferme dans son rectangle. En colère contre le monde qui va vite, qui lit en ligne, qui ne se soucie plus de savoir ni de comprendre. Colère sourde que nous ressentons en miroir, dans le miroir du conte qui nous rappellera que nous ne sommes pas la plus intelligente. Colère affectée de la vérité qui reste silencieuse et impuissante : « je vous l’avais dit ». Chaque ligne nous le rappellera : on nous l’avait déjà dit, nous étions prévenus. Chaque lecteur sait qu’il n’est pas excusable.

Mais le livre nous excuse d’en être là, dès que nous l’ouvrons. Il revit, il le sent, et immédiatement il s’envole vers ces horizons que nous n’avons jamais vus. Il nous parle comme si nous étions de son temps, comme si nous le comprenions si facilement, lui qui est livré sans notice, et plein de mystères.

Résurrection du livre ancien

Et parfois oublié dans un grenier. Fermé et prenant la poussière par le haut. Il fut retrouvé, nettoyé et parfois ciré sur sa couverture. Juste assez pour que les pages puissent se tourner sans casser, les photos se voir sans coller, la lecture reprendre le dessus. Et un monde est là.

Un monde d’un temps éternel et caché entre les feuilles. Le livre seul raconte, témoigne de la vérité de ce temps qui a existé. Le contenu est surajouté au support, si lourd, si ancien, si actuel. Éternité factice de la matière qui finira par tomber au vent, comme ces menhirs de granites qui s’amenuisent doucement, grain par grain, poussière après poussière.

Chaque livre comme singularité

Nous dirions on vortex, un trou de ver, un passage dans la quatrième dimension. Le temps matériel est là, dans ce livre, plié en deux et rangé, enfin. L’acquérir, l’ouvrir, c’est libérer l’espace-temps pour s’y perdre à vie, juste un moment. Lire et parvenir à la fin, le refermer. Encore refermer comme un rituel accompli.

Preuve que l’humanité grandit. Le livre. Dernière trace de notre savoir. Le livre est la trace de notre savoir-vivre.

Par Bénédicte, lectrice intempestive.

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