Depuis le 9 juin dernier et la réouverture progressive du pays, il a fallu se rendre à l’évidence. Le télétravail s’est installé durablement… Et cela va impacter toute l’organisation des entreprises. Certaines d’entre elles ont déjà choisi d’adopter le flex office en diminuant leurs espaces de travail. Comment faire pour ne pas surcharger ces derniers ? Selon Amélie Starace*, directrice de la communication chez Dev-id, société concevant et fabriquant des applications mobiles, les salariés vont devoir changer leurs habitudes. Et certaines applis pourront les y aider. Interview et focus sur le bureau de demain…
Amélie est aujourd’hui directrice de communication d’une PME technologique, Dev-id. De sa première carrière en tant que docteur en pathologies humaines, elle a conservé son goût pour la rigueur. « Pour qu’un produit se lance correctement, il faut faire des études, interroger les clients potentiels et évaluer leurs besoins ». C’est le cas notamment avec Spacees, une appli de planification de l’occupation des espaces de travail.
Amélie part d’un constat : « Nous avons vécu, au niveau de l’organisation du travail, un bouleversement total. Car les grandes crises amènent généralement des changements majeurs ». Or, les crises sont toujours à double-tranchant : risque d’une part, opportunité de l’autre. Autrement dit, d’une part, l’extension du télétravail a pu désorganiser les entreprises. Elle a pu aussi provoquer une fatigue accrue et un sentiment d’isolement chez les salariés. De leur côté, certains managers ont accru la pression sur leurs équipes, craignant qu’elles ne leur échappent. D’autre part, certaines entreprises ont mis cette crise à profit pour gagner en qualité de vie au travail.
« Entreprise libérée » et avènement du flex office
Selon Amélie, « un grand nombre de sociétés se sont réorganisées selon les principes du flex office. En effet, leurs employés, ayant pris goût au télétravail, ne voulaient plus revenir au bureau tous les jours. Donc, cela a représenté un chamboulement en termes d’organisation des espaces de travail, désormais éclatés. Il est ainsi devenu possible de travailler à partir de chez soi, du bureau, d’un espace de coworking ou même sur les sites des clients qu’on accompagne. C’est l’avènement du flex office ».
Avec l’entrée sur le marché du travail de salariés plus jeunes, de nouvelles pratiques managériales ont émergé. Ces dernières caractérisent les « entreprises libérées ». La hiérarchie y est moins contraignante et les nouveaux managers font davantage confiance à leurs équipes. Ils leur donnent notamment la liberté de pouvoir travailler d’où elles le veulent. Les collaborateurs apprécient alors de pouvoir accorder leurs rythmes professionnel et personnel.
Une meilleure « expérience-collaborateur »
Comme le constate Amélie, « les nouvelles générations sont plus exigeantes en termes d’‘expérience-collaborateur’ ». Ce concept est dérivé de « l’expérience-utilisateur », qui désigne le fait pour une entreprise de proposer un produit le plus adapté possible à son client. Le but consiste évidemment à le satisfaire au mieux. Transposée au monde du travail, l’expérience-utilisateur devient « l’expérience-collaborateur ». Elle oblige les managers à améliorer la qualité de vie au travail de leurs équipes. Car seules les entreprises bénéficiant de la meilleure expérience-collaborateur seront en mesure d’attirer et fidéliser des salariés de qualité. Selon Amélie, « cela suppose que les collaborateurs bénéficient d’espaces adaptés. Les managers doivent donc se creuser la tête pour réenchanter la vie du bureau ».
Ainsi, un flex office ne doit pas du tout être un espace neutre et morne. Au contraire, les collaborateurs doivent s’y sentir bien, en ayant à portée de main tout l’équipement dont ils ont besoin. Le flex office peut ainsi être divisé en coves ou espaces détente pour prendre un café. De même, il doit comporter des JumpSpaces pour discuter entre collègues. Les collaborateurs alternent alors entre espaces haven plus calmes permettant la concentration, et espaces dédiés au travail collaboratif. Selon Amélie, « si les collaborateurs disposent de tout cela réuni en un seul lieu, à la fois convivial et chaleureux, cela ne leur posera aucun souci de ne plus disposer de desks individuels ».
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Les règles du « savoir-être » en flex office
Bien évidemment, cela suppose que les individus adaptent leur comportement s’ils veulent tirer pleinement parti du flex office. Comme le rappelle Amélie, « la première règle à respecter, c’est de penser au bien commun. Autrement dit, on ne laisse pas traîner ses affaires n’importe où, surtout pas sa tasse de café à moitié pleine. On prend soin de l’espace commun parce que c’est une partie de notre vie et qu’il faut veiller à en préserver le côté agréable et convivial ».
Il convient également que l’organisation soit fluide. Il est ainsi difficile de travailler dans de bonnes conditions si l’espace est surchargé. « La réduction des surfaces de travail et du nombre de desks, poursuit Amélie, permet de réduire le coût de l’immobilier pour l’employeur. Mais elle ne doit pas se traduire par une dégradation des conditions de travail pour les équipes. À charge pour le management de bien faire attention que 70 collaborateurs ne se présentent pas en même temps… alors que 50 desks seulement sont disponibles ! »
Or, le partage de l’information ne va pas nécessairement de soi. Amélie a d’emblée exclu d’avoir recours au tableur Excel que personne ne remplit, à la fois peu efficace et convivial. L’entreprise a dû par conséquent mettre en place de nouveaux outils.
Organiser le flex office avec les outils numériques
Pour répondre aux nouveaux besoins organisationnels liés au flex office, des planners numériques existent déjà sur le marché. Ils sont proposés par Teem ou Envoy par exemple, sociétés américaines installées depuis 20 ans. Ou encore par de jeunes sociétés françaises, telles MyCarSpot ou Café. Dev-id, quant à elle, a préféré développer sa solution propre. Comme nous l’a confié Amélie : « Nous avons profité du confinement pour déménager et réduire nos espaces de bureau. Nous avons par conséquent cherché à aménager un espace de travail chaleureux et convivial… avec un petit peu moins de place. Nous avons donc eu besoin d’un outil de planning pour alterner les journées à la maison et celles en présenciel, sans fausse note pour nos équipes ».
La société d’Amélie a donc réalisé une application mobile, Spacees, permettant aux équipes de savoir qui était au bureau. Son succès a tenu à la grande souplesse de son utilisation, son prix défiant toute concurrence et aussi son algorithme recommandant des plannings pour faciliter le travail des managers. Par contraste, les autres applis se contentent de proposer de la simple réservation de bureaux. Ainsi, les équipes peuvent se reposer sur cet algorithme intelligent qui va préconiser automatiquement un planning d’occupation des bureaux. Cela permet de faire rouler les équipes de façon fluide, tout en évitant de surcharger les espaces. En outre, complète Amélie, « si le soir, par exemple, je me rends compte que j’ai un imprévu le lendemain, je peux manuellement préciser sur Spacees que, finalement, je serai plutôt en télétravail qu’en présenciel. Si une autre personne voulait venir, elle est alertée que ma place vient de se libérer ».
L’appli assiste donc les managers chargés de répartir les bureaux entre les différents salariés présents. Elle leur permet également de faire leur reporting et de présenter des statistiques d’occupation de l’espace. Ils peuvent ainsi voir s’il y a lieu d’augmenter les capacités d’accueil, dans le cadre de nouvelles embauches, par exemple.
…dans le respect de la protection des données personnelles
« Et la protection des données personnelles dans tout ça ? », ont objecté les critiques. À ces derniers, Amélie a répondu : « Les salariés ne sont pas géolocalisés. Nous avons conçu cette application dans un état d’esprit de confiance et donc, nous nous sommes opposés au traçage des équipes ». Cependant, il est vrai que certaines grandes entreprises parmi les clients de Devi-id ont demandé de pouvoir comparer le prévisionnel avec le réalisé. Selon Amélie, « ce projet est actuellement en cours de discussion chez nous. Il consiste à installer un QR code à l’entrée des espaces de travail. Le salarié, dès qu’il arrive, le scanne et confirme ainsi sa présence, conformément au planning convenu dans Spacees ».
Depuis la mise en place de Spacees, Amélie a remarqué que la cohésion des équipes s’était renforcée. « Nous sommes une entreprise de 35 personnes réparties sur deux sites : Marseille et Toulouse. Avant que l’appli ne soit mise en place, les équipes des deux sites se connaissaient à peine. À présent, le liens se sont renforcés, si bien que nous avons vraiment l’impression de faire partie d’une seule et même entité désormais ». Alors, demain, tous travailleurs nomades ?
* Contact : astarace@dev-id.fr / www.spacees.fr