Vous vous intéressez à la Préhistoire et résidez en Île-de-France ? Vous pouvez bien sûr visiter Lascaux ou Chauvet pour leurs transfixantes peintures rupestres… Plus près de vous, le musée de Préhistoire d’Île-de-France (MPIF) vous accueille à Nemours (77), en virtuel et en présentiel. La responsable du musée Anne-Sophie Leclerc et son équipe nous présentent l’exposition « Mémoire de glace ». Depuis le 12 juin et jusqu’au 5 décembre, cette dernière revient sur les anciens passeurs des cols alpins. Certains, surpris par le mauvais temps, ne sont jamais arrivés à destination…
Un musée à l’avant-garde des visites guidées à distance
Selon Jean-Luc Rieu, responsable du service des publics, le MPIF est à présent bien rôdé aux visites guidées à distance. « Nous avons commencé avec un simple ordinateur portable et une connexion internet capricieuse. Cependant, à présent, nous sommes parfaitement équipés pour offrir un service de qualité à notre public ». Jean-Luc nous montre comment il se connecte via un lien de visioconférence avec ses interlocuteurs. Son visage apparaît sur l’un de ses écrans. Sur l’autre écran, il projette les images de la visite virtuelle, reprenant le parcours de l’exposition avec ses différentes salles. Il lui est alors possible de zoomer sur les panneaux d’information. De même, certains objets clignotent en vert, invitant le visiteur à les cliquer afin d’obtenir davantage de renseignements.
Comme le remarque Jean-Luc, « de nombreux musées ont virtualisé leurs visites. Cependant, les gens se retrouvent seuls avec un parcours à visiter par eux-mêmes. Ils tâtonnent, ne savent pas très bien où ils vont… Ils ont le sentiment d’être livrés à eux-mêmes. Notre différence, c’est que nous sommes en direct avec le public, en train de commenter l’exposition. La visite à distance dure une heure à peu près. Pour les établissements scolaires trop éloignés ou qui n’ont pas les moyens de venir au musée en raison du coût du déplacement, c’est appréciable ! Cette expérience a d’ailleurs été suivie par de nombreux collègues de musées ».
Une architecture en phase avec le thème de la préhistoire
Pour autant, les visites virtuelles ne peuvent pas remplacer une visite sur place du musée de Nemours, qui fête cette année ses 40 ans. D’un point de vue esthétique, son architecte Roland Simounet, disciple de Le Corbusier, a conçu un bâtiment en béton brut de décoffrage. Il voulait que le bâtiment rappelle les rochers avoisinants en grès caractéristiques de la région, comme dans le massif de Fontainebleau. En faisant ce coffrage et en laissant le béton à l’état brut, l’empreinte du bois est apparue sur les façades. Cela rappelle les arbres environnants et intègre le musée dans la nature alentour. Quand ils arrivent, les visiteurs traversent une partie un peu sombre. Ils ont alors l’impression d’entrer dans une grotte préhistorique. Puis ils pénètrent dans les espaces dédiés aux expositions illuminés par de grandes baies vitrées.
À Nemours, l’idée était aussi de montrer l’Homme dans son environnement. C’était une façon de rappeler les derniers chasseurs préhistoriques ayant peuplé la région. À la différence d’autres musées préhistoriques, comme Solutré ou Carnac, le musée de Nemours n’est pas implanté sur un site archéologique. Son objet consiste donc à évoquer la préhistoire de l’ensemble de la région parisienne.
« Mémoire de glace » : l’archéologie glaciaire, c’est quoi ?
« L’archéologie glaciaire correspond à une nouvelle discipline scientifique récoltant et étudiant les vestiges des ‘passeurs’ de cols, souvent en matériaux périssables, parvenus jusqu’à nous conservés dans la glace », nous explique Anne-Sophie Leclerc, conservatrice en chef du Patrimoine et responsable du MPIF. L’exposition « Mémoire de glace » permet ainsi d’admirer une sélection d’objets datant du Mésolithique au 20e siècle, découverts dans les glaciers alpins.
C’est un ami résidant dans les Alpes qui a éveillé la curiosité d’Anne-Sophie : « Tu sais, m’a-t-il dit, il y a une exposition intéressante en ce moment à Sion sur l’archéologie glaciaire. Je l’ai vue et effectivement, j’ai trouvé le sujet original, d’autant que l’archéologie glaciaire en est seulement à ses débuts en France. Par ailleurs, le thème du réchauffement climatique m’intéresse et j’ai pensé que c’était là un bon moyen de sensibiliser le public aux changements qu’il entraîne, comme la fonte des glaciers ».
Vestiges retrouvés : vêtements, accessoires et objets votifs
L’archéologie glaciaire nous révèle ainsi que l’équipement est très important dès les époques les plus lointaines pour traverser les cols et aller sur les sommets. Dès les 8e/7e siècles avant Jésus-Christ, les hommes et les femmes portaient des guêtres en laine aux pieds. Ils se vêtaient de cuir et de fourrures et s’enveloppaient de capes en fibres végétales dont certains fragments ont pu traverser les âges. On apprend ainsi que des marchands transportant leurs biens parcouraient ces sentiers transalpins. Ou bien des bergers faisant monter leurs bêtes de façon à préserver l’herbe du bas en prévision de l’hiver. Enfin, la recherche de matières premières, tels que les cristaux de roche, motivait d’autres déplacements.
Les voyageurs empruntaient un grand nombre de cols, contrairement à aujourd’hui. Autre fait notable : la multitude de croix plantées sur les sommets ou sur les cols, ainsi que les objets votifs laissés par les voyageurs (petites amulettes, livres de prières, etc.). « Était-ce pour se protéger des dangers de la montagne ? C’est probable », suppose Anne-Sophie.
Le nombre de voyageurs dépendait également des variations du climat. « Pendant les périodes les plus froides, continue Anne-Sophie, personne ne montait, si bien qu’on ne retrouve aucun vestige. Mais le réchauffement s’est fait à partir du Mésolithique (9 000 ans avant notre ère). Par la suite, nous avons eu des périodes plus ou moins favorables. Plus près de nous, le ‘petit âge glaciaire’ entre les 16e et 19e siècles a dû faire baisser la fréquentation des sommets ».
Héros et héroïnes de l’archéologie glaciaire
L’exposition « Mémoire de glace » est également l’occasion de nous présenter les « stars » de l’archéologie glacière.
- Schnidi : c’est le nom du chasseur néolithique qui nous a laissé son magnifique carquois en écorce de bouleau.
- La « Bergère de Porchabella » : il s’agissait d’une jeune femme portant chaussures dépareillées et chapeau. Elle vivait sans doute vers la fin du 17e siècle. Partie avec son petit bol en bois, une cuillère en bois et ses bijoux (petit chapelet en perles de bois), elle a été surprise par une tempête et n’est jamais arrivée à bon port…
- Le « Mercenaire » : on a retrouvé ses vestiges bien après sa chute dans une crevasse, au 17e siècle. On l’a appelé le mercenaire parce qu’il avait des armes et beaucoup d’argent. Par la suite, on s’est rendu compte que c’était sans doute plutôt un riche marchand. En effet, il portait des armes d’apparat plutôt que de combat.
- Les époux Dumoulin ont quitté leur domicile le 15 août 1942, laissant pour la première fois leurs sept enfants âgés de deux à 11 ans, seuls. Puis ils ont dû être pris dans une tempête et ont disparu. Leurs deux corps ont été retrouvés ensemble en 2017 seulement. À côté, leurs chaussures, un sac à dos, un parapluie, les bijoux de Francine, un porte-monnaie, un chapelet et un bouquet de fleurs. Et aussi la fameuse montre à gousset représentée sur l’affiche de l’exposition « Mémoire de glace ». Sur les sept enfants, seules deux filles encore vivantes ont pu inhumer leurs parents, 75 ans après leur avoir dit au revoir… Poignant !
En outre, l’exposition stimule l’imagination du visiteur par les illustrations du dessinateur suisse Ambroise Héritier. Ces dernières mettent en scène et dramatisent les circonstances (hypothétiques) de la disparition de chaque personnage. Leurs expressions et leurs attitudes sont particulièrement frappantes !
La plupart des découvertes liées à l’archéologie glaciaire sont réalisées par des archéologues amateurs. Or, ces derniers ne savent pas forcément comment faire pour les conserver ou les signaler. L’exposition « Mémoire de glace » dispense certains conseils à leur attention : « Si cela vous arrive, ne touchez pas aux objets découverts. Enregistrez leur localisation précise. Et signalez-les aux Services régionaux de l’Archéologie », nous a enjoint Anne-Sophie. Avis aux randonneurs !
Et vous ? Quels sont les autres musées que vous aimeriez visiter en Île-de-France ? Faites-nous part de vos coups de cœur dans la section des commentaires !