À l’heure où les parents tentent de limiter les temps d’exposition aux écrans, peut-on dire que numérique et petite enfance font bon ménage ? « Tout à fait », nous a dit Julie Boucon, cofondatrice de la société franc-comtoise Holy Owly. Cette dernière est à l’origine d’une appli qui apprend aux enfants entre trois et douze ans à parler anglais en cinq minutes par jour. Focus sur une démarche innovante…
« Holy Owly, c’est une histoire de famille », commence Julie Boucon. À l’origine de ce projet, nous trouvons deux sœurs, Stéphanie et Julie. C’est à la suite de son expatriation en Chine que Stéphanie a réalisé la facilité avec laquelle ses jeunes enfants apprenaient l’anglais au lycée français qu’ils fréquentaient alors. Une fois revenue en France, elle s’est demandée quel était le moyen d’entretenir le niveau d’anglais de ses enfants. Quel n’a pas été son désappointement quand elle s’est rendu compte de l’absence de solution véritablement efficace !
C’était sans compter sur la volonté d’entreprendre ensemble de Julie et Stéphanie, qui tiennent là leur idée ! Julie se souvient : « Nous nous sommes entourées de spécialistes (chercheurs linguistes et professeurs), étant donné que ni elle, ni moi n’étions enseignantes. Nous avons ouvert un centre linguistique en 2015, qui nous a fait office de laboratoire d’expérimentation pendant trois ans. Nous avons pu tester notre méthode sur 180 enfants âgés entre trois et douze ans. C’est ainsi que l’histoire a commencé. » Quelle histoire ? Celle de Holy Owly (attention à la prononciation : [ˈhəʊli ˈau̇li]), une appli qui apprend aux enfants à parler anglais en cinq minutes par jour. Ce drôle de nom peut se traduire par « la chouette sacrée ». Selon Julie : « La chouette est omniprésente dans l’univers des enfants. Nous avons donc souhaité intégrer maître hibou aux personnages de notre appli… »
Tirer parti de la plasticité du cerveau des jeunes enfants
Julie le reconnaît volontiers : « On peut apprendre une langue à tout âge ! » Néanmoins, la meilleure période reste celle de l’enfance. Selon Julie : « Avant six ans, lorsqu’un enfant apprend une nouvelle langue, on parle encore d’acquisition du langage. Après six ans, on parle d’apprentissage. Après sept ans, certains mécanismes d’imitation s’éteignent. À huit ans, le larynx est définitivement formé. En conséquence, lorsque que l’enfant parle une langue étrangère, il aura toujours l’accent lié à sa langue maternelle. » En conséquence, lorsqu’un enfant apprend une langue étrangère avant l’âge de six ans, il conserve une capacité de restitution encore très pure. Cela, allié à la plasticité cérébrale caractéristique des jeunes enfants, lui permet d’apprendre les langues avec une grande facilité.
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Un apprentissage positif fondé sur l’oral
Les créatrices de l’appli sont de ferventes adeptes de l’apprentissage positif. « Autrement dit, dans l’application, explique Julie, nous félicitons fréquemment les enfants afin de les stimuler, de les encourager et de leur donner envie de donner le meilleur d’eux-mêmes ».
Par ailleurs, Julie et Stéphanie ont souhaité aller à l’encontre des méthodes d’apprentissage linguistique classiques en privilégiant l’oral par rapport à l’écrit. Selon Julie, « il faut donner confiance aux enfants. C’est la raison pour laquelle nous avons intégré un outil de reconnaissance vocale : l’enfant va pouvoir s’entraîner à l’oral sans se sentir jugé par son entourage ». Julie et Stéphanie ont également cherché à rendre les enfants acteurs de leur apprentissage. « Ainsi, en auto-apprentissage, ils vont apprendre chaque jour trois mots ou trois phrases, prendre la parole et évoluer à leur rythme, le tout pendant cinq minutes par jour ». Au terme d’une période de trois ou quatre mois, les enfants deviennent capables de faire leurs propres phrases en se servant des éléments qu’ils auront appris.
Ritualisation de la séance de micro-learning : un gage d’efficacité
La longueur des séances quotidiennes, cinq minutes, a été déterminée en prenant en compte plusieurs facteurs, dont la nécessité de faire un usage raisonné du numérique. Par ailleurs, Julie a remarqué que le micro learning était une méthode efficace d’apprentissage. « Autrement dit, il vaut mieux travailler un petit peu chaque jour pour obtenir les meilleurs résultats. C’est vrai pour le sport, la musique, etc. En outre, nous avons également pu observer qu’un enfant de cinq ans pouvait rester concentré pendant quatre minutes en moyenne ».
Forte de ses observations, Julie en a déduit que des séances quotidiennes de cinq minutes constituaient la durée idéale d’apprentissage, d’autant qu’elles étaient faciles à caler dans les agendas des parents. La chose la plus importante consiste à ritualiser les sessions quotidiennes de Holy Owly, de façon à en assurer une efficacité optimale.
Concernant le meilleur timing dans la journée : « Certains parents utilisent Holy Owly comme une carotte permettant de faire passer les devoirs. D’autres le font avant. D’autres encore le font après le dîner, ou avant le bain. Personnellement, je le fais le matin dans la voiture, quand j’emmène mes filles à l’école. Il s’agit d’un moment où elles sont tranquilles, j’ai donc pensé que c’était le bon moment pour faire leur anglais. Ce qui est important, c’est de ritualiser la séance d’apprentissage, de façon à en faire tous les jours, car c’est cela qui se révèle payant », insiste Julie.
… dans le cadre d’un usage raisonné du numérique
Dans notre monde sursaturé d’écrans hypnotiques, Julie prône un usage raisonné du numérique. Elle a néanmoins constaté que la crise sanitaire et les restrictions qui l’ont accompagnée avaient permis d’accélérer les mentalités quant à l’usage du numérique. « Même les plus réfractaires se sont rendu compte que le numérique était indispensable pour assurer les continuités, y compris pédagogiques. Les gens se sont rendu compte que le numérique constituait un outil qui, utilisé intelligemment, permettait de capter l’intérêt des enfants ». Utilisé à bon escient, le numérique est donc un fabuleux outil pour l’apprentissage des enfants.
Gamification de l’apprentissage de l’anglais : l’appât du jeu sur les jeunes enfants
Le numérique suscite d’autant plus l’intérêt des plus jeunes qu’il permet d’intégrer des éléments de gamification dans la méthode d’apprentissage. « Les enfants, outre leur exercice, vont avoir la responsabilité d’un petit tamagotchi qu’ils vont pouvoir nourrir chaque jour par le simple fait de faire leurs exercices. Ce tamagotchi va ainsi grandir et s’épanouir sous les yeux mêmes des enfants, ravis. L’appli permet également aux enfants de cumuler des étoiles en fonction de leurs performances, ce qui leur permettra d’acheter des accessoires et des tenues pour leurs avatars ».
La gamification, alliée à la limitation à cinq minutes de session par jour, provoquent l’envie d’y revenir dès le lendemain chez les enfants. Comme le constate Julie : « Cela provoque une impatience chez eux, de venir à nouveau apprendre leurs mots, de voir leur tamagotchi grandir et évoluer, d’acheter de nouveaux accessoires, etc. » La gamification est donc utilisée pour éveiller et stimuler l’attention des enfants, rendant du même coup l’outil numérique plus intelligent et éducatif. Autrement dit, Holy Owly a su maintenir un certain équilibre entre aspects ludiques, d’une part, et aspects éducatifs, de l’autre, ce qui n’est pas le cas de toutes les applis dites éducatives. Ces dernières sont davantage axées sur les jeux, telles The Lonely Beast, Pili Pop English, Sight Words, Duolingo ou encore Little Digits.
L’Éducation Nationale, fan de l’appli
Outre le marché des particuliers, Holy Owly est également un fournisseur de solutions éducatives auprès de l’Éducation Nationale. « L’éditeur Bordas est venu nous chercher il y a deux ans pour que nous développions une appli pour les classes ». Cela a amené la société de Julie à mettre au point une méthode clé en main à l’attention des professeurs. Ces derniers disposent de la ressource numérique, d’un guide pédagogique incluant des fiches préparatoires, d’évaluation et d’une boîte à outils complète. Selon Julie : « Cela permet d’accompagner le professeur au quotidien dans la préparation de son cours. À un professeur qui ne sait pas du tout parler anglais, l’application numérique lui permet de dispenser un cours d’anglais avec une prononciation native des mots de vocabulaire et des textes directement écoutés par les enfants. Le professeur pourra ainsi remplir son obligation de faire 2 × 45 minutes de cours d’anglais par semaine. »
L’appli sort en septembre. Il s’agit d’un produit distinct, bien qu’ayant recours à une méthode similaire, dédié à un marché spécifique, avec un contenu éducatif adapté aux besoins de l’Éducation Nationale. « Cette appli dédiée respecte intégralement les préconisations Éduscol ainsi que tout ce que l’Éducation Nationale souhaite intégrer aux contenus pédagogiques de ses cours ».
Il n’empêche : malgré son côté pédagogique « sérieux », l’appli des sœurs Boucon est vraiment vue comme un jeu par les enfants. Si bien que certains parents l’utilisent comme une carotte… ou comme une menace. Certaines maîtresses ont déjà menacé les enfants de les priver de Holy Owly pour ramener le calme dans leur classe. Apparemment, avec un certain succès !
Et vous, êtes-vous prêt(e)s à essayer ce type d’appli éducatives ? Pensez-vous que votre enfant en tirerait profit ? Faites-nous part de vos réflexions dans la section des commentaires !