La fête des mères approche. Être qui, pour certaines, aspire à l’amour, pour d’autres à la haine. Cap sur une psychanalyse intime, entre mère et fille.
Il n’y a pas de relation mère-fille « type ». Chacune est différente, avec sa complexité singulière. Les histoires changent et évoluent, les personnes aussi. Dans cette société, où l’existence de la femme se définit encore souvent autour de sa féminité, le rôle matriarcal est centralisé. Une fille, en grandissant, prend inconsciemment le modèle maternel pour s’accomplir en tant que femme. L’enfant s’appuie sur l’image qu’elle a de la mère, tandis que cette dernière exprime sa féminité à travers le rôle de procréation.
La mère, professeure de féminité
À l’enfance, la mère est en pleine possession de ce lien qu’elle tisse (ou non) avec sa fille. Elle en régit ainsi la qualité et la force de ce dernier. Quand l’enfant est en bas âge, il nécessite sa mère par les besoins primaires. Elle le nourrit, le lave, le console. C’est le point central de la vie de sa progéniture. Au fur et à mesure, l’enfant va chercher à s’attirer l’attention de la figure maternelle. Pour la fille, cette recherche de reconnaissance est particulière. À contrario du garçon, celle-ci n’est pas pourvue d’un sexe apparent. Elle se construit donc une idée substituée du sexe opposé. Dès lors, la mère endosse la responsabilité d’apprendre la féminité à son enfant.
À chaque mère sa méthode
Cette mission n’est pas des plus simples. La femme qui enfante ne peut avoir la solution à toutes les problématiques que soulève l’éducation. D’autant plus si l’image qu’elle a pu avoir de sa propre mère ou de la femme en général est dégradée. La manière de vivre et d’exprimer sa nature féminine est unique et libre pour chaque femme. Elle s’en fait une interprétation différente selon son expérience de vie et son entourage. Pour la psychanalyste Malvine Zalcberg : « Il n’y a pas une façon d’être femme, mais une façon propre à chaque femme de l’être. » La vision de la mère peut cependant largement influencer le spectre de perception de sa progéniture.
Qu’advient-il lorsque la réminiscence de l’enfance de la mère se répercute dans l’enseignement qu’elle procure à sa fille ? Une femme peut reproduire des schémas auparavant vécus, sur sa fille. Dans certains cas, la jalouser. Refuser de voir son enfant éclore, d’être spectatrice de sa propre jeunesse perdue, et ainsi idéaliser sa vie au dépit de ses propres envies.
Des perceptions distinctes
Il existe un déséquilibre, assez naturel, dans le lien mère-fille. Le terme exact est « relation asymétrique ». En comparaison à une relation humaine basique, qui fonctionne selon le concept de réciprocité, celle d’une fille avec sa mère, se développe davantage dans le sens unique. La fille cherche à s’émanciper à l’âge adulte, découvrant par elle-même les responsabilités qu’incombent la vie. Alors qu’elle regarde droit devant elle, se projetant un avenir, la mère l’épaule par sa présence. Le rôle maternel reste fidèle à sa fonction, tandis que le cordon se coupe graduellement avec la descendance. Une coupure est nécessaire pour le bon développement de cette dernière.
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La fusion n’est pas une solution
Une fusion de ce lien de parenté ne résulte pas uniquement d’une bonne entente. La nature de ce dernier est créée selon l’état d’esprit maternel. Lorsque la mère ressent un manque dans sa vie, comme la perte d’un conjoint ou une mise à pied professionnelle, elle peut se tourner vers sa fille pour obtenir un soutien. Son enfant devient une source d’espoir et de force. Le fait qu’il s’agisse d’une fille, révèle parfois le rôle d’« extension » que la mère lui attribue. Elle l’intellectualise inconsciemment comme celle qu’elle aurait pu être, et repose ses idéaux sur elle. Une dépendance peut donc naître entre les deux femmes.
Un risque est pourtant présent : lorsque la relation est amenée à se freiner ou se casser, l’une comme l’autre souffrent de la situation. La mère redoute l’abandon, alors que la fille se sent démunie. Elle n’aura pas les mêmes codes de sociabilité que d’autres, n’accordera pas sa confiance facilement, pourra se renfermer. « Si la relation mère-fille est fusionnelle, on ne vit pas sa vie mais celle de sa mère », affirme le docteur Zalcberg.
Lâcher du lest pour mieux s’aimer
Dans ce lien de parenté, la crise est existentielle et inévitable. L’envol de l’enfant, et sa transformation en jeune femme, passe un jour ou l’autre par une distance avec la mère. Ainsi, l’éloignement se traduit par des conflits, plus ou moins importants, sur la manière dont deux femmes perçoivent le monde. C’est généralement vers l’adolescence que la jeune fille s’approprie un droit de réflexion, et entre en collision avec les idéaux de la figure maternelle. Si le dialogue s’installe dans la relation, il laisse place à la compréhension.
Pour y parvenir, l’une et l’autre doivent s’équilibrer individuellement, pour ne pas s’incomber de charge émotionnelle. Un climat sein peut être établi dans ce lien d’amour parfois chaotique. De nombreuses concessions sont accessibles. Être à l’écoute, prendre du temps pour soi et pour l’autre, instaurer une confiance mutuelle par la parole et les actes… Le principal est de donner de l’amour, mais pas trop non plus.