Depuis plus d’un siècle, les épidémies de grippe se succèdent, faisant peser la menace d’une pandémie mortelle sur le monde. Quelle est la probabilité pour qu’un nouveau virus voit le jour dans les prochaines années ?
Le terme “pandémie” est utilisé lorsqu’une épidémie atteint un très grand nombre de personnes sur une zone géographique étendue. Il y a cent ans, la grippe espagnole a infecté un milliard de personnes. Cette souche H1N1, extrêmement virulente, a fait entre 50 et 100 millions de morts en un an, soit bien plus que les estimations qui avaient été faites à la suite de l’épidémie de peste noire du XIVe siècle (25 à 45 millions de morts). L’évolution de la médecine nous préservera-t-elle des virus mortels ? Ou notre soif de recherche nous poussera-t-elle à dépasser nos limites dans la création de nouvelles souches destructrices ?
Une brève histoire du passé
Les maladies infectieuses sont à l’origine de 14 millions de décès chaque année. Les virus proviennent, dans la majorité des cas, de la faune domestique ou sauvage. D’autres sont liées à la réémergence de maladies oubliées en raison d’un déficit de vaccination, de troubles politiques ou de guerres civiles. Les pandémies ont marqué l’Histoire. Elles ont ruiné les économies et anéanti des civilisations. La Banque mondiale a ainsi estimé entre 3,8 et 32,6 milliards de dollars les pertes économiques dues à Ebola pour l’Afrique en 2014 et 2015. Voici les principales épidémies du XXe et XXIe siècle :
Maladies | Date d’apparition | Provenance | Nombre de décès |
Grippe russe | 1889-90 | Saint-Pétersbourg | 1 million |
Grippe espagnole | 1918-20 | Chine – États-Unis (premiers cas détectés) | Entre 20 et 50 millions |
Grippe asiatique | 1957-58 | Chine | Entre 1 et 4 millions |
Grippe de Hong Kong | 1968-69 | Chine | Entre 1 et 4 millions |
Ebola | 1976 | Congo | Entre 11 et 15 000 |
Grippe russe | 1977-79 | Chine – Union soviétique | 0,7 million |
Grippe A (H1N1) | 2009-2010 | Mexique | 203 000 |
SRAS | 2002-2004 | Chine | 770 000 |
Covid-19 | 2019-21 | Chine | 3 millions |
Grippe saisonnière | Chaque année | Partout | Entre 290 000 et 650 000/an |
Une menace constante due au réchauffement climatique
Avec le réchauffement climatique, les scientifiques observent un déplacement de certaines maladies. La dengue, le chikungunya et le palu, trois maladies infectieuses tropicales transmises par les moustiques, font une marche vers le Nord. D’ici quelques années, elles pourraient se propager et devenir des problèmes occidentaux. Selon l’OMS, “l’incidence mondiale de la dengue a augmenté de manière spectaculaire au cours des dernières décennies. La moitié de la population mondiale environ est exposée au risque”. En 2085, elle aura touché plus de cinq milliards de personnes selon les scientifiques.
De plus, la fonte des zones arctiques dévoilent une couche composée de glace et de matières organiques : le pergélisol. Il représente près du quart des terres de l’hémisphère nord. Sa fonte relâche du carbone dans l’atmosphère qui, à son tour, alimente le processus du réchauffement climatique. Cela libère également des bactéries et virus alors disparus. En Lakoutie, la Russie creuse le pergélisol à la recherche de diamants. En effet, la fonte des glaces rend désormais l’accès accessible en bateau. Depuis, les Russes creusent des mines pour extraire des ressources telles que le pétrole, l’or et le diamant.
Jean-Michel Claverie, professeur de médecine, a découvert en 2014 deux virus datant de 30 000 ans dans le pergélisol sibérien. Il a déclaré être allé “jusqu’à 30 mètres de profondeur, qui correspond à l’âge de Néandertal. Il y a des virus qui sont encore parfaitement vivants, qu’on peut réactiver après 40.000 ans de congélation dans le permafrost. On a pu découvrir que les gens qui étaient enterrés là étaient morts de la variole”.
La présence de souches génétiquement modifiées dans les laboratoires
D’un côté, nous avons les virus naturels créés à la suite d’un changement dans notre façon de consommer. La déforestation emmène de plus en plus d’animaux sauvages dans les villes. Les interactions que les hommes ont avec ces animaux sont la cause de la propagation des virus. La grippe aviaire provient des oiseaux. Le porc est à l’origine de la grippe porcine.
Quant au coronavirus, il semblerait provenir d’animaux sauvages comme le pangolin et la chauve-souris. Les zoonoses sont les maladies transmissibles entre l’Homme et les animaux, responsables de 75 % des maladies infectieuses émergentes. Elles peuvent être transmises par le biais de piqûres, morsures, manipulation d’animaux malades, consommation de viande sous-cuite, de lait non pasteurisé ou d’eau contaminée.
De l’autre, nous avons les laboratoires qui manipulent des souches dangereuses nécessaires à la recherche et au développement de nouveaux vaccins. Depuis le début de la pandémie du Covid-19, des chercheurs se rendent dans des grottes et capturent des chauves-souris. Le but est de rechercher des virus et de les comparer avec la souche qui nous impacte. Grâce à toutes ces recherches, des vaccins “anti-cancer” sont en phase d’étude. Toutefois, il faut sans cesse se préparer à une éventuelle fuite.
L’amélioration de la médecine provoquera-t-elle une baisse de l’émergence des épidémies ?
Ces dernières années, la marchandisation et le tourisme augmentent la probabilité de contamination à l’échelle mondiale. Cependant, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) soutient près de 350 laboratoires sur le territoire français. Avec un budget initial en 2020 de 927,28 millions d’euros, l’ensemble des équipes regroupent 14 000 chercheurs.
Après avoir drastiquement réduit les épisodes de guerres, de famines et de pandémies mortelles, notre espérance de vie a doublé en un siècle. Les recherches dans le domaine de la santé ont également participé à améliorer nos conditions de vie. Ainsi, en 2017, l’espérance de vie en France atteignait 79,5 ans pour les hommes et 85,4 ans pour les femmes. Au début du 20e siècle, elle s’élevait à 48 ans.
En décembre 2020, des chercheurs annonçaient des résultats prometteurs dans une première phase d’essai clinique pour un vaccin universel contre la grippe. Un vaccin innovant, conçu pour être efficace contre toutes les souches du virus de la grippe, pourrait voir le jour dans les prochaines années. Une autre alternative telle que le CRISPR permettrait aussi de supprimer des maladies porteuses chez les moustiques comme le palu, en utilisant la modification génétique. Au niveau gouvernemental, le Sénat se mobilise régulièrement afin d’établir des mesures de gestion en cas de crise sanitaire. En 2010, il publiait un rapport sur l’imminence d’une contamination majeure de la grippe H5N1.
Malgré la menace de l’émergence de nouveaux virus, l’évolution de la médecine n’a jamais été aussi propulsée qu’aujourd’hui. Cela laisse encore beaucoup de travail à l’Homme pour tenter de percer tous les mystères des virus et des bactéries.