Misako nous accueille via Zoom dans son atelier, situé au fin fond des Cévennes. Nous avons ainsi le privilège de pénétrer dans son intimité d’artiste. Établie à son compte depuis 2019, Misako nous offre un aperçu de son univers Street Pop Art, en nous parlant des facteurs qui ont déclenché sa vocation. Elle lève également un coin du voile sur ce qui l’inspire, du Pop Art d’Andy Warhol au Street Art de Banksy. Elle nous fait également part de son engagement contre la maltraitance, qui lui a inspiré une de ses dernières toiles, Sous les pavés (ta mère). Contemplons ensemble l’art de Misako…
Née en 1982 en Occitanie, Misako s’est très tôt mise à dessiner dans le style des bandes dessinées dont elle était déjà friande. Elle se souvient que son école avait organisé un concours de dessins, qu’elle avait remporté, à seulement huit ans ! C’est alors qu’elle situe le point de départ de sa vocation. Au lycée, elle a opté pour la filière littéraire option Art, car elle ne se voyait nulle part ailleurs. Avec raison, car elle a obtenu 20/20 au bac en Arts plastiques, ce qui a renforcé sa conviction d’avoir trouvé sa voie.
La reconversion réussie de Misako dans les arts
Première carrière dans le web et la communication
Par la suite, elle a obtenu une licence d’art à l’Université Paul Valéry de Nîmes. Après sa licence, elle s’est consacrée au webdesign car elle était déjà passionnée par Internet, alors en plein développement en France. Tout en travaillant pour une boîte de communication pendant huit ans, elle acquiert la maîtrise des outils graphiques de PAO (Photoshop, Illustrator ou encore InDesign).
Après plusieurs années durant lesquelles elle navigue dans un monde corporate, travaillant pour des firmes telles que NRJ, TF1 ou encore Paramount, elle se rend compte qu’elle s’est éloignée de sa passion originelle et cela finit par la déranger. Ainsi, cette passionnée de peinture s’est reconvertie dans son domaine de prédilection à 30 ans passés. Aujourd’hui à son compte depuis 2019, Misako connaît un succès croissant. Elle vend désormais en galerie, en France et à l’international (18 pays au total). Elle ne s’en cache pas : “j’ai bénéficié du retour en force du Pop Art et du Street Art depuis 2015, si bien que mes commandes se sont enchaînées rapidement.”
Une communication efficace mise au service de son art
Misako met désormais sa connaissance du web au service de sa carrière artistique : “comme je suis sensible au monde de l’Internet, je suis assez active sur les réseaux sociaux, en donnant la priorité à Instagram. Je suis d’ailleurs parvenue à fédérer 2600 followers. Cela représente une communauté modeste, mais néanmoins très active et fidèle puisque mes followers reviennent me demander régulièrement des œuvres.” Cependant, continue-t-elle, “il faut garder à l’esprit qu’un artiste travaille seul, dans un environnement très éloigné de celui d’une multinationale. Je ne peux tout faire, ni être sur tous les fronts, car je m’occupe seule de ma communication.” Grâce à Internet, Misako est néanmoins parvenue à résoudre la quadrature du cercle.
Certes, elle réside à Saint-Jean-du-Gard, au fin fond des Cévennes : “J’ai besoin de cette tranquillité pour créer”. Cependant, grâce à Internet et aux relations qu’elle a nouées avec certains galeristes, depuis Singapour jusqu’à Mexico, en passant par Hong Kong, elle compte des clients dans 18 pays pour l’instant. “Encore tout récemment, j’ai honoré une commande en provenance de Brunei, alors que je ne savais même pas placer ce pays sur une carte !”
L’art expliqué de Misako
Une artiste “Street Pop Art”
Misako a recours à six adjectifs pour caractériser son travail : “ludique, coloré, nostalgique, dynamique, enfantin et décalé”. Principalement inspirée par le Pop Art d’Andy Warhol, elle mâtine ce dernier d’une influence “Street” à la Banksy. En outre, elle se reconnaît dans la démarche de ce dernier, qui a réussi à conserver l’anonymat et le mystère planant autour de son personnage. Elle affectionne également Jackson Pollock et les techniques qu’on lui associe : du all over au dripping. Même si elle est moins touchée par l’abstraction, il peut lui arriver d’ajouter une petite touche finale abstraite à ses œuvres. “Je trouve que cela donne du relief et un certain dynamisme à mon travail.”
Misako est également influencée par la pop culture des années 80, notamment les superhéros. “Je trouve en effet que la vie actuelle est assez compliquée et qu’on a tous besoin de superhéros (Superman, Batman etc.). Mes fils ont repris le flambeau et ils m’influencent à leur tour de leur culture geek.” Finalement, Misako définit son style comme relevant du “Street Pop Art”, avec des éléments provenant de ces deux écoles. Cependant, elle nous fait remarquer qu’elle “axe son travail sur les femmes, en mettant davantage Wonder Woman en avant que Batman, par exemple.”
A lire également : Katja, artiste urbaine expressionniste et onirique.
Récurrence et inconscient
Le thème de la femme est ainsi très important pour Misako. D’ailleurs, une fois établie en tant qu’artiste, elle a repris des études de Master, choisissant de consacrer son mémoire au rôle de l’inconscient dans la pratique des arts plastiques, en lien avec le sujet de la femme. Elle s’interroge notamment sur les raisons qui la poussent à peindre d’une certaine façon, tout en se référant constamment à des thématiques féminines.
Elle en est pour l’instant arrivée à la conclusion suivante : “Chaque artiste a en lui une part de folie qu’il exprime à travers son art. En ce qui me concerne, je suis d’un naturel plutôt introverti et j’utilise mon art pour me connecter au monde qui m’entoure. Je n’utilise pas trop les mots pour m’exprimer. Pour dire ce que je ressens, je me sers de ma peinture.” Pour elle, “tout part d’un travail psychologique dont la peinture n’est que la retranscription.”
L’engagement de Misako au service des femmes
De la solidarité entre femmes artistes…
D’une façon générale, Misako déplore qu’il n’y ait pas assez de street artistes femmes, ce qui nuit à la variété des représentations contemporaines de la femme. Elle pense ainsi que “lorsqu’une femme met en scène une autre femme, les valeurs véhiculées sont souvent moins sexuelles, voire moins vulgaires. Une femme aura tendance à se montrer plus retenue dans sa représentation des autres femmes, car elle a une conscience profonde et une expérience de première main des problèmes associées à une image hyper sexualisée du corps de la femme.” Par opposition, Misako préfère souligner la force de ses personnages féminins. “Pour moi, toutes les femmes sont des Wonder Women, ne serait-ce que parce qu’elles allient vie professionnelle et vie de famille, par exemple.”
Par ailleurs, Misako se félicite des initiatives récemment prises pour inverser cette tendance machiste du marché de l’art, notamment concernant la peinture. En effet, ce dernier survalorise et surreprésente les artistes masculins. Elle cite ainsi cette nouvelle galerie itinérante ouverte à Paris, Art Girls, qui ne prend que des femmes. De même, le Baltimore Museum of Art a décidé de consacrer l’intégralité de son budget acquisition 2020 à l’achat d’œuvres produites par des femmes, soit 2,5 millions de dollars !
… au soutien des femmes victimes de maltraitance
Les femmes victimes de maltraitance constituent le deuxième cheval de bataille de Misako. Elle a ainsi participé à une action caritative au bénéfice des femmes maltraitées quand elle a entendu parler de la croissance des violences conjugales suite aux confinements successifs. C’est ainsi que, avec d’autres artistes, elle a offert une œuvre à des organisations caritatives dans le cadre d’un festival d’art confiné sur Internet. “Chaque jour, se souvient-elle, une œuvre était mise aux enchères. Pour ma part, j’ai proposé Sous les pavés (ta mère) représentant une Wonder Woman avec le visage de la Jeune fille à la perle et au corps complètement tatoué, comme si elle portait des marques de coups. Le message que je voulais faire passer tournait autour de cela : la révolte que m’inspire le fait que certaines femmes soient battues.”
Artiste urbaine paradoxale, installée au milieu des montagnes cévenoles, Misako renouvelle le genre du street art, en le mâtinant de Pop Art des années 60/70 et de pop culture des années 80. Son travail, d’apparence naïve et enfantine, cache des préoccupations et une réflexion plus graves sur le rôle de l’artiste, particulièrement l’artiste femme. Dans le même temps, elle utilise les médias sociaux comme un puissant levier lui permettant d’élargir considérablement sa clientèle : de Saint-Jean-du-Gard… au monde entier !
Chères lectrices, êtes-vous sensibles au travail de Misako ? Vous reconnaissez-vous dans ses représentations féminines ? N’hésitez pas à nous laisser un commentaire dans la section dédiée !