Pierre Soulages, Montpellier et le Musée Fabre

Pierre Soulages, Montpellier et le Musée Fabre

Cet été, nous avons décidé de mettre à profit la période estivale pour visiter l’Aveyron. Bénéficiant d’un patrimoine architectural et naturel exceptionnel, l’Aveyron est aussi la région du peintre Pierre Soulages. Depuis 2019, le musée Fabre de Montpellier propose un nouvel accrochage des œuvres du peintre français vivant le plus coté. Coup de projecteur sur Pierre Soulages, Montpellier et le Musée Fabre.

Les quatre principales périodes de Pierre Soulages

Comme d’autres artistes français de l’après-guerre, le parcours de Pierre Soulages (100 ans en 2019) est marqué par plusieurs périodes qui le voient successivement passer de l’ombre à la lumière, puis inversement.

Les signes de la fin des années 1940 / 50

Sa première période est caractérisée par des “signes” graphiques initialement tracés au brou de noix sur papier, puis sur des toiles à la peinture à l’huile. Soulages a recours à ce colorant naturel destiné à teindre le bois dès 1947. Il est intéressé par la puissance de sa couleur et de ses nuances après dilution, tout en appréciant le côté “brut” d’une matière d’ordinaire réservée aux artisans. Il rompt ainsi avec les techniques picturales classiques.

Pierre Soulages, Montpellier et le Musée Fabre - brous de noix
Soulages, Brous de noix et liant acrylo-vinylique sur toile, 1971
(c) JZ – Musée Fabre

Pendant les années 50, Soulages privilégie la peinture à l’huile, donnant une nuance plus colorée ou sombre au fond de ses toiles, jouant alors sur le clair-obscur.

Pierre Soulages, Montpellier et le Musée Fabre - clair obscur
Soulages, Peinture 162x130cm, 1er septembre 1956
(c) JZ – Musée Fabre

Les arrachages ou raclages des années 1950

Dans les années 1950, Pierre Soulages inaugure sa technique du raclage : il pose d’abord sur la toile la couleur (blanc, rouge ou bleu), avant de la recouvrir d’une couche épaisse de peinture noire. En raclant sa toile avec des instruments simples qu’il confectionne lui-même (spatule, couteau, brosse), il fait réémerger la couleur.

Pierre Soulages, Montpellier et le Musée Fabre - raclage bleu
Soulages, Peinture 55x46cm, 8 janvier 1960
(c) JZ – Musée Fabre
Pierre Soulages, Montpellier et le Musée Fabre - raclage rouge
Soulages, Peinture 81x65cm, 21 septembre 1961
(c) JZ – Musée Fabre

Entre 1963 et 68, Soulages a de moins en moins recours au raclage, privilégiant fluidité et couleurs, tandis que ses formes s’élargissent.

Pierre Soulages, Montpellier et le Musée Fabre - grand format bleu
Soulages, Peinture 162x240cm, 30 avril 1972
(c) JZ – Musée Fabre

Recours exclusif au noir et blanc dans les années 1960/70

Dans les années 1960/70, l’artiste aborde sa période “cistercienne“, en rapport avec la sobriété des œuvres de cette période. Ses formats ont tendance à s’agrandir et à se déployer à l’horizontal au tournant des années 1970, offrant ainsi un large panorama au spectateur. La fluidité de la matière, ainsi que le recours au noir et blanc, vont de pair avec des qualités graphiques indéniables. Le critique Harold Rosenberg invente le terme de “macrographies” pour désigner les œuvres de cette période.

Pierre Soulages - période cistercienne des années 1970
Soulages, Peinture 162x434cm, 27 mars 1971
(c) JZ – Musée Fabre

Par la suite, le noir a tendance à envahir les œuvres de Soulages jusqu’à ne plus laisser au blanc que la portion congrue.

Soulages : juste avant l'outrenoir
Soulages, Peinture 162x114cm, 27 février 1979
(c) JZ – Musée Fabre

L’outrenoir à partir de 1979

À partir de 1979, le peintre cesse alors de jouer sur les contrastes entre le noir et d’autres couleurs, pour ne plus s’intéresser qu’à la lumière. Il est fasciné par le noir dont il enduit l’intégralité de ses toiles. Il obtient des variations en creusant des sillons, des stries et autres reliefs qui, chacun, reflètent la lumière différemment…

Pierre Soulages Outrenoir
Soulages, Peinture 324x181cm, 31 juillet 2010
(c) JZ – Musée Fabre

Pierre Soulages et Montpellier : un coup de foudre réciproque

Pierre Soulages débarque pour la première fois à Montpellier en février 1941 pour y faire les Beaux-Arts, après avoir quitté ceux de Paris qu’il trouve trop académiques. Il est immédiatement conquis par la ville, particulièrement son musée Fabre, où il se rend à de multiples reprises. C’est là, devant les toiles de Courbet, Zurbaran et Véronèse que l’étudiant commence “à regarder vraiment la peinture”.

À la fin des années 1990, le “père du Montpellier moderne”, Georges Frêche, propose à Soulages de monter un musée à son nom. Mais l’idée n’emballe guère le peintre. Georges Frêche insiste, lui montre plusieurs lieux, que tous il refuse : l’ancienne mairie, une prison de femmes, etc. De plus, Soulages souhaite associer ses peintures à une collection déjà existante, celle du musée Fabre, par exemple.

Problème : ce dernier est déjà plein. Les deux hommes se rendent tout de même sur place. Le peintre désigne alors une cour avec des gradins consacrée aux spectacles de danse. Soulages persuade Georges Frêche de construire un bâtiment supplémentaire en lieu et place de cette cour, à condition de pouvoir déplacer la danse. C’est ainsi que le nouveau musée Fabre, augmenté de son aile Soulages, est inauguré en 2007.

La collection Pierre Soulages du Musée Fabre de Montpellier

Le fonds Soulages du musée montpelliérain se compose de 34 toiles réalisées entre 1951 à 2012, données par le peintre pour y être exposées dans “son” aile. Il s’agit d’un vaste plateau de 600 m² composé de trois salles dont une sur-mesure, équipée d’un mur translucide en vue d’éclairer naturellement les grands polyptyques de l’outrenoir.

Ces œuvres bénéficient d’un système d’accrochage le long de deux filins verticaux qui leur donnent l’apparence de mégalithes en lévitation. Cela souligne leur caractère premier, tout en mettant en valeur les jeux de lumière sur le noir profond des tableaux, mat ou brillant, lisse ou rugueux. Ce dispositif original laisse les œuvres contemporaines exhaler leur vibration à la fois brute et subtile, véritables Lascaux des temps modernes. Le contemporain rejoint alors le premier.

Pierre Soulages - polyptyques mégalithes
Salle d’exposition des polyptyques mégalithes de l’outrenoir de Soulages
(c) JZ – Musée Fabre

En 2019, le nouvel accrochage de la collection Soulages du musée Fabre compte 36 œuvres issues de la donation de l’artiste mais également de prêts. Parmi ces derniers, on distinguera la “Peinture 186x143cm, 23 décembre 1959” acquise par un collectionneur en 2018 pour la somme record de 10,6 millions de dollars.

Soulages - peinture dépassant la somme record de 10 millions de dollars.
Soulages, Peinture 186x143cm, 23 décembre 1959
(c) JZ – Musée Fabre

Un musée incontournable pour les fans de Soulages

Le musée Fabre constitue une superbe introduction au travail de Pierre Soulages. Il regroupe des œuvres représentatives de chacune des périodes du peintre. De plus, il propose un dispositif intéressant permettant au visiteur de pleinement apprécier ses polyptyques outrenoirs. Au-delà, nous compléterons ce reportage suite à nos visites des autres lieux aveyronnais où flotte l’esprit Soulages. Parmi ces lieux, nous comptons Rodez, sa ville natale, qui abrite depuis 2014 un musée à son nom. Ou encore l’abbatiale de Conques, dont l’artiste a conçu les vitraux actuels…

Chère lectrice, cet article vous a-t-il donné envie de visiter le musée Fabre ? Peut-être le connaissez-vous déjà ? Dans ce cas, en quoi votre expérience de visite se rapproche-t-elle, ou diffère-t-elle, de la nôtre ?  N’hésitez pas à vous exprimer dans la section des commentaires dédiés ci-dessous ! ?

Cet article a 2 commentaires

  1. CynthiaD

    Très bel article, intéressant et très bien documenté qui donne envie de visiter le musée Fabre et de (re)découvrir Soulages 😉

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