Aujourd’hui nous rencontrons Gérard Tixier, psychiatre, psychanalyste, sexothérapeute, thérapeute de couple et écrivain. Auteur de plusieurs ouvrages (Éloge de la déprime, Anorexie et Boulimie, les femmes en questions…) et membre de la Société Française de Sexologie Clinique, du Syndicat national des médecins sexologues, de l’association psychanalyse et Anthropologie et du réseau Ado Cochin (Maison de Solenn). Il évoque ici l’orientation sexuelle et la surcatégorisation des relations humaines.
C’est dans un cabinet parisien, à quelques mètres de Bastille que j’interroge Gérard Tixier.
Tandis que les orientations sexuelles se multiplient, que les genres et les identités s’assument : la sexualité devient l’affaire de tous et je m’interroge sur ce besoin d’entrer dans une case, de se ressembler, se rassembler. D’abord, l’orientation sexuelle désigne le désir des personnes. C’est à dire, une attirance émotionnelle, affective et sexuelle envers des individus du genre opposé, même genre que soi ou de plusieurs genres. Elle n’est pas liée au sexe biologique (avoir un vagin ou un pénis) ou au genre (celle que nous ressentons, je me sens homme, je me sens femme, je me sens ni l’un ni l’autre : je me sens les deux, alternativement femme et homme…le genre est totalement indépendant du sexe biologique). Il ne faut pas confondre identité du genre et orientation sexuelle.
On différencie qui nous sommes et qui on aime (nous attire). L’orientation sexuelle fait partie de la sphère privée. On a tendance à penser que notre orientation sexuelle est figée, mais il s’agit d’un continuum (ensemble de valeurs que peut prendre une grandeur dont les variations sont continues).
Aujourd’hui je suis hétérosexuelle, d’ici 20 ans, un mois, deux jours, le serai-je toujours ? Le psychiatre évoque un de ses patients : « pendant dix ans, il était hétérosexuel, marié, avec des enfants puis il est devenu homosexuel puis de nouveau héterosexuel.».
En effet, ton orientation ne te définit pas, elle n’est pas ton identité et ne peut te dicter ce qui n’est pas contrôlable : ton désir. L’orientation amoureuse et l’orientation sexuelle se dissocient mais elles peuvent être liées. Aimer et désirer, aimer sans désir, ne pas aimer et désirer.
L’hétérosexualité, la bisexualité, l’homosexualité, l’androsexuel, l’aromantique, l’androgynosexuel, l’autosexuel, demi-sexuel, demiromantique, graysexuel, gynesexuel, digisexuel, queer-platonique, pansexuel… font parties des nombreuses orientations amoureuses et sexuelles. Elles sont diverses et multiples. Et je ne sais pas vous mais je commence à m’y perdre avec toutes ces définitions.
La définition d’une définition est la formule qui donne le ou les sens d’un mot, d’une expression et qui vise à être synonyme de ce qui est défini. Nous avons besoin d’une définition pour nous réconforter, donner un sens à qui nous sommes et à ce que nous ressentons. Cependant je suis hétérosexuelle, c’est à dire que je suis attirée par le sexe qui s’oppose au mien.
Est-ce que toute ma vie je vais être attirée par le sexe opposé ? Est-ce que avoir des rapports sexuels avec une personne du même sexe annule mon hétérosexualité ? Est-ce que je suis homosexuelle ? Est-ce que finalement je suis bisexuelle ?
Je suis une femme, qui à cette période de sa vie désire l’homme. Et en particulier un homme. Je ressens un désir pour son sexe et sa personne. Or je n’ai pas envie de définir mon désir par une orientation sexuelle. Je ne suis pas mon orientation sexuelle. Rien ne m’indique qu’elle restera telle qu’elle le restant de ma vie.
Je suis avant tout une personne, ayant du désir pour une autre personne. Je suis avant tout une personne, ayant du désir et des sentiments pour une personne. Je suis avant tout une personne. Je n’ai pas besoin d’être casée dans un placard où se range une relation sexuelle qui définit mon orientation sexuelle.
J’essaye à travers ces mots de donner une autre vision de la sexualité et de nos désirs. Je voudrais que chacun ait conscience que nous nous sommes pas simplement une définition, une attirance d’un moment.
La simplicité est celle qui se nomme en un simple mot : le désir. Je désire cette personne. Peu importe qu’elle soit un homme ou une femme, peu importe quel est son genre, je désire cette personne et c’est cela l’important. Je désire et aime son être, sa peau, son odeur, sa personnalité, son corps, son sexe. Évidemment il est important de distinguer le désir et l’amour. Comme l’indique le Docteur Tixier : « Si on veut être un peu libre, il faut savoir dissocier la sexualité et les sentiments, sinon on pense que la sexualité n’existe pas en tant que telle. ».
L’amour existe sans sexe, le sexe existe sans l’amour. Tout dépend de la relation qu’on construit avec l’autre. Par exemple, un couple avec des enfants qui s’oublie, privilégie son rôle de père ou de mère à son identité aura tendance à avoir une vie sexuelle peu satisfaisante. La relation devient trop familière, la libido disparaît mais l’amour reste. Aussi, les asexuelles peuvent aimer, avoir des relations sexuelles, mais leur intérêt pour le sexe est au point mort.
En fait, on ne contrôle pas l’amour qu’on a pour une personne, tandis que le sexe est une volonté. Il est important de savoir dissocier l’un de l’autre. Lorsqu’on tombe amoureux, l’orientation sexuelle n’y est pour rien. L’amour n’est pas venu demander l’avis de ton orientation sexuelle. L’amour s’en fiche totalement. Ce n’est pas qui tu as désiré à l’instant T de ta vie qui va déterminer toutes les personnes que tu aimeras. Il n’y a pas de barrière à l’amour, et on a souvent tendance à oublier qu’on aime une personne, un être et non pas une orientation sexuelle.
Finalement, la sexualité est un instant, un moment d’intimité et de partage avec soi ou avec un/des autres. Un soir n’a pas besoin d’une définition, demain est un autre jour, et le soir suivant aussi. Chacun a besoin de se rassurer, d’appartenir à une communauté, à une définition. Ne pas se sentir seul, mais compris. Je pense surtout que la sexualité n’a qu’un but : se découvrir et découvrir l’autre à travers soi. La découverte totale de soi n’existe pas. Il est plus facile de se laisser aller à l’attirance, laissant son désir désirer à son tour sans lui omettre un jugement.
Le désir n’est pas une personne, il n’a pas besoin de savoir qu’il est ni d’où il vient. Il est né, il est là et c’est tout.
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J’aimerai trouver un ouvrage qui en dit plus la dessus svp