Les Récupérables, ou la mode récupérable

Nichés au plein cœur de Paris, la boutique de mode Les Récupérables crée et vend des vêtements faits à partir de tissus récupérés. 

C’est à la sortie de la station de métro Barbès-Rochechouart qu’il vous faut trouver le chemin vers la boutique où tout est possible. Pas besoin de demander votre chemin, suivez votre instinct de modeuse responsable. Faufilez-vous au milieu de la rue Caplat bordées de commerçants en tout genre. Puis, niché en haut de la rue Des Gardes, au numéro 11, vous trouverez l’antre des Récupérables. Une boutique de mode Femme mais aussi Homme dont les vêtements sont créent à partir de tissus récupérés. Sonnez, puis entrez. “Bienvenue ! Allez y, je vous en prie. Anaïs va bientôt vous recevoir”, nous accueille un membre de l’équipe. Anaïs DW est la créatrice des collections Les Récupérables et la lanceuse du projet. En attendant, il faut profiter de l’atmosphère chaleureuse de ce sanctuaire de la mode responsable.

Nous nous trouvons aux antipodes de l’ambiance tumultueuse du quartier parisien rythmé par les klaxons et les sirènes retentissants. C’est comme entrer dans un univers parallèle. Le brouhaha fait place aux légères notes de jazz en fond. C’est comme se mettre sous cloche. 

Accrochés à de longues branches, vestes, robes, chemisiers et pantalons nous font face. Imprimés fleuris et couleurs de saison nous accueillent et nous incitent à en voir davantage. Chaque pièce attire le regard et la cabine d’essayage nous fait de l’œil. 

“Pourquoi produire encore alors qu’il y a tant à réutiliser”

Anaïs Dautais Warmel 

Du sens et de l’impact pour Les Récupérables

Après ses études au Brésil, Anaïs DW rentre en France fraîchement diplômée. Son aventure autour de la mode responsable commence dans les friperies du Marais à Paris. “J’ai travaillé dans à peu près toutes les friperies du Marais. Mais il me manquait du sens et de l’impact, donc j’ai rejoint l’aventure d’une ressourcerie dans le 11ème arrondissement”, explique la jeune femme. C’est alors qu’a démarré le projet des Récupérables, en constatant “le déluge de textiles dans une seule ressourcerie”. Elle voit arriver quotidiennement 300 kg de textile. Ce qui reste de nos vêtements provenant d’enseignes du Fast Fashion (mode éphémère, renouvellement très rapides des vêtements vendus dans certaines grandes enseignes de mode). Une surconsommation qui n’est pas sans conséquences puisque le textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde. “C’est là qu’est née l’idée de “pourquoi produire encore alors qu’il y a tant à réutiliser””.

Naissent alors Les Récupérables, dont le principe est simple, créer des vêtements grâce à l’upcycling. Kezako ? Utiliser des objets tels qu’ils sont de manière à les revaloriser sans pour autant dépenser de l’énergie supplémentaire pour déconstruire la matière mise à disposition. Ici, c’est le textile qui est upcyclé et récupéré, pour leur donner une seconde vie. Ça, c’est pas bête !

Du Made in France et encore du Made in France

En plus d’être upcyclés, les tissus viennent de France pour être ensuite assemblés (toujours) en France ! “Nous avons trois typologies de matières comme le linge de maison vintage, qui sont principalement des rideaux collectés auprès des Relais”, explique la jeune entrepreneuse. Avec cette matière, la marque crée principalement des accessoires (bananes, pochettes), “puisque ce sont des petits métrages de rideaux on peut en faire un petit peu plus en quantité”. Les Récupérables travaillent également avec TDV, fabricant de textiles mais plus particulièrement des tissus techniques de travail. “Donc là on viendra acheter les fins de rouleaux et les tissus non conformes à leur cahier des charges. Nous avons aussi Deveaux comme partenaire (producteur d’étoffes) qui fait de très jolis imprimés. Et nous achetons aussi les fins de rouleaux des marques Caroll et Chantelle avec qui nous faisons des collaborations”.

Après la collecte, Anaïs DW s’attaque à la création des collections. Elle dessine tout elle-même. Il y en a deux par an (printemps-été, automne-hiver). Elle tire son inspiration de sa mère et de sa grand-mère, de l’élégance de l’une dans les années 80’ et du pragmatisme de la seconde dans les années 90’. “J’ai aussi une appétence pour la culture japonaise et ses kimonos. Et puis il y a un petit côté années 50’ que j’appelle le rétro moderne chez Les Récupérables”. Pour ce qui est de l’assemblage l’équipe a entre trois et quatre ateliers entre Paris, les Hauts-de-France, Marseille et Cap-breton. Ce sont soit des petits ateliers classiques, ou bien des ateliers d’insertions. On aime le Made In France et on en redemande !

C’est un leurre de se dire que l’on peut acheter un t-shirt à 10 euros

anaïs Dautais Warmel 

Jouer sur la transparence

Pour mesurer l’impact positif de l’upcycling, la marque a dû se référer aux chiffres de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise des Énergies) “qui permet de calculer l’émission en équivalent CO2 des entreprises en fonction de leurs activités”. 

Les Récupérables, ou la mode récupérable
© Photo : Irving Pomepui / Modèle : Agathe Salasca

Prenons cette jupe trapèze 100% coton dont la matière a été prélevée chez TDV. Cette création permet d’effacer environ 2500 g de CO2. Un calcul permis grâce à un bilan produit établi par l’ADEME. Chaque création est décrite de manière à ce que le client sache d’où provient la matière première surcyclée et son impact positif. De la transparence et rien d’autre. Que demander de plus ?

A titre comparatif, des grandes enseignes de fast fashion qui vendent certains vêtements faits à partir de matières recyclées, “chez nous, les vêtements vont être cinq fois plus chers. Nous sommes des lilliputiens à côté d’eux. Contrairement à ces enseignes, nous ne vendons pas des milliards de vêtements dans le monde. Et puis, il faut regarder à hauteur de combien de pour cent il y a de la matière recyclée dans leurs produits“, nous confie la créatrice. Gare au greenwashing (entreprises qui se donnent une image de responsabilité écologique trompeuse). “C’est un leurre de se dire que l’on peux acheter un t-shirt à 10 euros”, nous dévoile Anaïs, “ça a un impact sur la planète et sur la santé de ceux qui fabriquent le vêtement”.

On a clairement plus très envie de racheter des vêtements neufs.

Des “boutiques” éphémères pour faire connaître Les Récupérables

Au lancement du projet, l’équipe des Récupérables n’avait pas encore déposé leurs bagages dans un lieu fixe. C’est alors qu’Anaïs DW a eu l’idée de faire découvrir ses collections dans des endroits chaleureux. “Je prenais des lieux assez chouettes, comme des cafés, des galeries, des lieux éphémères, et c’était les seuls lieux et moments pour venir découvrir, essayer les vêtements et acheter les pièces”. L’adresse des lieux de réunion étaient communiquées à la dernière minute pour plus de suspense et d’excitation à l’arrivée. “Tout le monde se changeait et se donnait des conseils sur le fitting”. Un moyen de réunir la communauté dans une ambiance chaleureuse et conviviale.

Les Récupérables continuent encore aujourd’hui de le faire dans des lieux plus spectaculaires, comme sur des toits terrasses, dans des agences de communications, etc. La marque organisait aussi des défilés pour faire connaître leur aventure et nous la partager. “C’étaient de grands moments de création et de diffusion d’une autre parole et d’une autre mode”, raconte l’entrepreneuse. L’équipe souhaite désormais s’étendre et ouvrir une deuxième boutique en France. Où ça ? Surprise ! 

Anaïs DW n’a maintenant qu’un seul espoir, “que la niche devienne la norme avec beaucoup d’amour et de la transparence. Une plus grande offre pour permettre différentes accessibilités au niveau des prix” et surtout (surtout) “moins de consommationUn message qui encouragerait n’importe qui (et surtout nous) à délaisser la fast fashion pour de la mode récupérable, durable et responsable.

Cette publication a un commentaire

Laisser un commentaire