L’Irlande, en décembre 2018, a légalisé le droit à l’avortement. On pourrait penser que ce droit, jugé fondamental pour certain, est en train de se démocratiser. Mais c’était sans compter sur un revirement de situation. En effet, aux Etats-Unis trois états ont promulgué des lois anti-avortement. L’Alabama a voté la loi la plus restrictive en la matière. La seule exception : que la grossesse présente des risques pour la mère.
Pour certains pays, le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est perçu comme une avancée majeure du droit des femmes. Ce droit leur permet de disposer pleinement de leur corps. Et de décider de mener une grossesse à terme ou non. La France fait office de précurseur en la matière. L’avortement y est dépénalisé depuis janvier 1975, grâce à la loi Veil.
Cependant, si ce droit semble être acquis pour certains, en France à l’automne 2018 et aux Etats-Unis depuis quelques semaines, il semble être remis en question. À la sidération générale, trois états américains ont interdit le recours à l’IVG.
Vers une restriction du droit à l’avortement aux Etats-Unis
Les Etats-Unis sont un pays paradoxal. Bien qu’il soit possible de se marier en cinq minutes à Las Vegas, de nombreux états sont encore très conservateurs. Le Président Donald Trump n’a jamais caché être contre l’avortement, et il n’est pas le seul. Depuis quelques années maintenant, de nombreuses cliniques pratiquant des IVG sont la cible de manifestations. Elles sont de plus en plus nombreuses à fermer leurs portes. Au point que dans six états, il n’existe plus qu’une seule clinique pratiquant l’avortement. Les femmes souhaitant s’y rendre sont souvent accompagnées de bénévoles, qui les protègent de manifestant pro-vies. La presse fait état de plusieurs accrochages, parfois violents, entre ces deux camps.
De plus en plus de marches pour la vie sont organisées au sein des Etats-Unis. Menées par des politiciens de renoms, et suivies par des milliers de participants. De plus en plus d’association militant pour le droit des femmes s’inquiètent. Certaines cliniques sont créées pour tromper les femmes. Alors qu’elles pensent se rendre dans une clinique pratiquant l’avortement, ce sont des cliniques tenues par des militants pro-vie. On force les femmes à écouter le coeur de l’embryon, elles se font sermonner. On décore les pièces de peluches, de photos de bébés. Tout est fait pour les faire culpabiliser, et les pousser à changer d’avis. Depuis que Donald Trump est président, la BBC a indiqué que plus de 400 clauses ont été votées, restreignant le droit à l’avortement.
Le danger d’une loi fédérale interdisant l’IVG
C’est en 1973 que la Cour Suprême des Etats-Unis, par un arrêt Roe v. Wade accorde aux femmes le droit à l’avortement. Ce droit s’inscrit dans le cadre de la protection de leur vie privée, prévu au XIVème amendement de la Constitution américaine. Le droit à l’avortement est donc un droit fédéral. La précision est importante. En effet, plusieurs états ont voté au cours de ces dernières semaines des lois anti-avortement. Y compris en cas de viol ou d’inceste pour l’Alabama, en faisant la loi la plus restrictive du pays.
Ces lois, n’ont pourtant aucune valeur constitutionnelle. Et sont donc, légalement, sans effet. Les états ont une souveraineté concernant certains domaines (par exemple la peine de mort). Et peuvent légiférer à leur guise. Toutefois, les lois fédérales ne pourraient être remises en cause par une loi étatique. Quel est donc l’intérêt de promulguer de telles lois ?
Le but avoué par les législateurs, est d’aller devant la Cour Suprême. Si actuellement le droit a l’avortement est protégé par la Constitution, rien n’empêche une révision de cette dernière. C’est bien ce qui inquiète les militants en faveur du droit à l’IVG.
Depuis 2018, sur les neuf juges siégeant à vie à la Cour Suprême, cinq sont désormais conservateurs. Et en faveur d’une loi anti-avortement. Ils ont donc la possibilité de rendre une décision pénalisant à nouveau le recours à l’avortement. Rendant ainsi les lois anti-IVG légales. Et permettant à d’autres états de légiférer sur ce point.
Toutefois, plus de 71% des Américains sont en faveur de la loi actuelle et s’oppose à ces nouvelles dispositions, qu’ils estiment régressives. Il convient également de noter que les juges ont récemment refusé deux recours liés à l’IVG. Des espoirs demeurent encore.
Le cas de la France
Les Etats-Unis ne sont pas en reste. C’est seulement depuis décembre 2018 que l’Irlande a dépénalisé le recours à l’avortement. L’Italie, bien que l’autorisant, voit plus de 70% des médecins arguer de leur clause de conscience pour refuser de le faire. En France également, les médecins peuvent faire jouer cette clause de conscience.
C’est l’émission “Quotidien” qui a mis le feu aux poudres, à l’automne dernier. Interrogé par une journaliste, un gynécologue compare un avortement à un homicide. Il évoque une clause de conscience, prévue par la loi, qui lui permet de refuser de pratiquer un tel acte. Sa position est dénoncée par l’Ordre des Médecins et celui des Sage-Femme.
Une pétition pour supprimer cette clause est lancée. Une proposition de loi allant dans ce sens est présentée. Pourtant le gouvernement n’entend pas retirer cette possibilité aux médecins. Si la France empêche la manifestation des pro-vie devant les cliniques, elle autorise les médecins à refuser un acte jugé de médical par de nombreuses associations. Aucun chiffre n’est connu sur le nombre de médecins faisant jouer leur clause de conscience.
Néanmoins, de plus en plus d’associations et de femmes dénoncent les violences gynécologiques dont elles sont victimes lorsqu’elles demandent à avorter. Ces violences allant du simple sermon aux gestes brusques, voire au refus de pratiquer l’acte.