Nous vous avons déjà parlé de la Biennale Internationale du Son qui se tiendra au Mans entre les 22 et 30 janvier prochains. Nous voudrions à présent attirer votre attention sur un des acteurs de cette manifestation, MetAcoustic. En effet, cette start-up innovante travaille sur des solutions acoustiques à l’attention d’une clientèle de grands groupes industriels et d’institutions culturelles. En partenariat avec Sound To Sight, une entreprise de design sonore également mancelle, MetAcoustic a mis au point un fauteuil sonore immersif pour offrir au public une expérience acoustique d’un type nouveau… Explications de Damien Lecoq, directeur associé chez MetAcoustic : il revient sur la genèse de la start-up et les innovations qu’elle a mises sur le marché…
« Identification par problème inverse vibratoire des bas nombres d’onde de pressions pariétales turbulentes ». C’est le titre de la thèse de doctorat soutenue par Damien Lecoq en 2013 alors qu’il travaille au sein du laboratoire d’acoustique de l’université du Mans (LAUM). Sous ce titre mystérieux, Damien avait voulu développer une nouvelle méthode permettant de mesurer les sources acoustiques responsables du bruit dans une voiture roulant à grande vitesse. Après avoir réalisé tout son parcours académique à l’Université du Mans, Damien a rejoint en 2017 son ami Clément Lagarrigue qui avait fondé MetAcoustic en 2015. Désormais directeur associé, Damien s’occupe plus particulièrement de la recherche et du développement.
MetAcoustic, une histoire d’amitié
Selon Damien, MetAcoustic est une histoire d’amitié entre Clément et lui-même. « Nous nous sommes rencontrés le premier jour de nos études, juste après le bac. Nous nous étions tous les deux inscrits dans le DEUST en acoustique de l’Université du Mans. Dès le premier jour, je l’ai remarqué car nous avions tous les deux un look de fans de métal. De fait, cela a tout de suite cliqué entre nous. C’était en 2005 et nous avions 17 ans. Aujourd’hui, nous avons passé la trentaine et on s’est un peu calmés. Pour autant, notre aventure commune continue au sein de MetAcoustic ».
Le business de MetAcoustic
« À MetAcoustic, explique Damien, notre matière première, ce sont nos cerveaux. Nous utilisons le logiciel de modélisation Comsol, selon la méthode des éléments finis. Nous pouvons ainsi simuler l’efficacité acoustique et prédire l’impact de l’intégration des métamatériaux, en termes d’isolation acoustique ». En clair, Damien et ses acolytes conçoivent des modèles. Par la suite, ils conduisent des tests en s’appuyant sur leurs partenaires, tel le Centre de Transfert de Technologie du Mans, dans la mesure où les essais acoustiques nécessitent des moyens très spécifiques. « Je pense par exemple à la chambre anéchoïque ou chambre sourde, l’une des plus grandes en Europe, couplée avec une autre chambre dite réverbérante. Ce type d’installations est assez rare. Nous en avons pourtant absolument besoin pour valider nos modèles. »
Aujourd’hui, Clément et Damien souhaitent faire évoluer leur activité. « Jusqu’à présent, nous vendions surtout des prestations. À présent, nous souhaitons passer à une phase de commercialisation des métamatériaux ». Pour cela, ils auront besoin de lever des fonds à moyen terme.
Les clients de MetAcoustic : du transport au BTP, en passant par… l’électroménager
Aujourd’hui, le secteur du transport constitue le principal débouché de MetAcoustic : l’automobile, le train, l’avion et même le bateau. Aux moyens de transport viennent s’ajouter l’électro-ménager (aspirateurs) ou encore le BTP (chauffe-eaux thermodynamiques). Selon Damien, « tous ces acteurs partagent des problématiques acoustiques similaires. Ils cherchent tous à diminuer l’intensité des sons basse fréquence. Nous leur proposons alors des solutions aussi légères que peu encombrantes, ce qui a l’avantage de répondre à leur cahier des charges, notamment pour les transports ».
Par exemple, dans les trains, les voyageurs ont désormais l’obligation d’aller passer leurs appels téléphoniques sur les plateformes à chaque extrémité des wagons. Or, ces endroits sont particulièrement bruyants. Il y a donc une contradiction que la SNCF cherche à résoudre. À cet endroit-là, le son basse fréquence se transmet par les faux-plafonds du train. MetAcoustic leur a donc proposé une solution sous la forme d’un métamatériau.
Tous les métamatériaux de MetAcoustic fonctionnent selon le même principe. Constitués de mousse très légère, ils sont rendus imperméables à l’air par le rajout d’un film. Comme l’explique Damien, « nous utilisons la mousse pour ses propriétés de souplesse. Nous y ajoutons des ‘résonnateurs’ ou ‘inclusions’ agencées de manière géométrique et périodique, qui vont supprimer les basses fréquences. Nous avons utilisé cette méthode pour isoler les faux-plafonds des plateformes des trains ».
… mais aussi les salles de spectacles
Quand on lui demande la nature des liens que MetAcoustic entretient avec le monde des arts, Damien pourrait se dire qu’il incarne à lui tout seul certains de ces liens. « À la base, je suis musicien, confie-t-il, comme la plupart de mes collègues chercheurs acousticiens. J’avais une formation, le groupe Quadrupède, qui marchait plutôt bien. Nous avons pas mal tourné en Allemagne et en Angleterre. Nous faisions du ‘math rock’, une musique assez cérébrale, un peu technique peut être ». Puis Damien a été amené à choisir entre la recherche et la musique. C’est finalement la première qui l’a emporté.
Cependant, les liens avec le monde de l’art sont loin d’être coupés. MetAcoustic est ainsi très souvent consultée par des salles de spectacles, qui cherchent notamment à résoudre leurs problèmes d’isolation. En effet, comment faire pour que les basses fréquences générées dans la salle ne gênent pas le voisinage ? Cependant, reconnaît Damien, « nous n’avons pas encore pu concrétiser de projet de ce type. Il faut dire que les salles de spectacles n’ont pas les mêmes budgets que la SNCF ou Renault. Néanmoins, nous travaillons sur le développement de solutions plus adaptées, à base de métamatériaux standardisés qui permettront de réduire les coûts ».
La Biennale du Son Le Mans Sonore — dans un fauteuil sonore immersif
Par ailleurs, MetAcoustic travaille en collaboration avec Sound To Sight, entreprise mancelle de design sonore, sur un fauteuil sonore immersif. Selon Damien, « il s’agit d’un fauteuil diffusant le son par vibration. C’est-à-dire qu’il parvient à la personne assise non seulement par voie auditive, mais également par voie solidienne ou conduction osseuse ». Autrement dit, c’est tout le corps qui se met à vibrer, libérant du même coup des vagues de sérotonine, encore appelée l’hormone du bonheur. Habituellement, ce genre de réactions se produit lorsque le corps est soumis à des sons très forts. Cela peut être le cas lors de concerts, par exemple. Or, le fauteuil sonore immersif permet d’obtenir le même résultat, en soumettant le corps à des volumes sonores raisonnables. Euphorie garantie…
Un autre intérêt du fauteuil sonore immersif réside dans son côté… immersif. L’écoute au casque présente, certes, les mêmes propriétés, mais elle isole de l’environnement immédiat. « Notre solution immersive permet au contraire de garder le contact avec le milieu extérieur », remarque Damien. « Cela intéresse les musées qui cherchent le moyen de diffuser des informations sur une œuvre autrement que par audioguides classiques. Ainsi, le fauteuil sonore immersif est à l’essai au Musée des 24 Heures du Mans, celui des Beaux-Arts d’Angers, ainsi qu’au château d’Angers. D’après les retours que nous avons, cela marche très bien ».
En outre, certains théâtres et salles de spectacles ont également manifesté leur intérêt pour ce type de fauteuils. En effet, ils y ont vu le moyen d’harmoniser la perception sonore des représentations pour tous les spectateurs… même dans les coins les plus reculés de la salle.
Apollo Noir aux synthés modulaires
Le fauteuil sera aussi en démonstration pendant la Biennale du Son Le Mans Sonore les 22 et 23 janvier prochains. Tandis que l’artiste Apollo Noir jouera sur des synthétiseurs modulaires, la diffusion du son de ces derniers ne se fera pas par sono interposée. Les synthétiseurs d’Apollo Noir seront au contraire directement branchés sur 20 fauteuils sonores immersifs. Les 20 spectateurs pourront ainsi profiter du concert de façon complètement immergée. Six représentations seront données pendant le week-end d’ouverture de la Biennale. Selon Damien, « cela constituera une grande première ».
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MetAcoustic : une licorne pas comme les autres !
Malgré le succès qu’ils rencontrent, ni Clément Lagarrigue, ni Damien Lecoq ne souhaitent s’aligner sur le modèle des start-ups qui « vendent du rêve pour essayer de ramasser plein d’argent, pour faire on ne sait quoi ». Comme le rappelle Damien, « Clément a monté son entreprise de manière très classique, en arpentant le terrain et en prenant la mesure des risques encourus et des potentialités. Nous avons procédé ainsi pendant trois ou quatre années, en grandissant petit à petit ». Damien poursuit : « ni Clément, ni moi n’avons envie de revendre la société une fois qu’elle aura pris de la valeur. Pour nous, elle a une valeur en elle-même, sur les plans personnel et humain. Si MetAcoustic devient la prochaine licorne française, franchement tant mieux ! Simplement, nous ne sommes pas prêts à emprunter certains raccourcis pour y parvenir… » Un discours rafraîchissant et qui tranche avec les optiques purement financières !