Passionné, Maxence Petit l’est sans conteste. Il a donc décidé d’agir. Face au caractère inadapté et sans âme de certaines solutions d’accompagnement, il a imaginé une alternative plus humaine pour les personnes âgées en perte d’autonomie. Avec Antoine Prigent, il a donc créé Colivio, une « société à mission », qualité introduite par la loi Pacte de 2019. Cette entreprise spécialisée dans l’habitat partagé inclut un accompagnement par des auxiliaires de vie 24h sur 24. À l’occasion de l’ouverture d’une nouvelle maison Colivio à Lourdes en septembre 2021, intéressons-nous à cet homme qui réveille nos consciences par son exemple à suivre…
En rendant régulièrement visite à sa grand-mère en Ehpad, Maxence Petit a reçu un choc. Il a trouvé que certains de ces établissements accueillant plusieurs dizaines de personnes fragilisées sur un même lieu offraient un service inadapté. Selon Maxence, « l’industrialisation de l’accompagnement nuit au maintien de l’identité, des habitudes de vie et de la dignité de chacun ».
Avec Antoine Prigent, un ami d’enfance, Maxence a donc décidé de lancer Colivio. Cette entreprise a justement vocation à proposer une alternative aux EHPAD. Ils ont donc ouvert leur première maison Colivio à Lourdes. Il s’agit d’un espace de coliving de 400 m2 à destination de huit seniors. Chacun bénéficie d’un espace privatif, d’une grande chambre avec un coin jour et un coin nuit. La maison est également équipée d’une grande salle de bain adaptée et d’espaces de vie commun. Elle suit un modèle d’organisation très familial : cuisine ouverte sur salle à manger, séjour, salon, etc. Le tout, avec un accompagnement permanent par des auxiliaires de vie chargés d’aider les personnes âgées dans leur vie quotidienne. Que ce soit pour aller faire les courses, préparer et prendre les repas, etc. Colivio met donc l’accent sur un projet de vie sociale partagée entre ses habitants. Ces derniers contribuent par conséquent à la vie en commun et se sentent socialement utiles et inclus.
Société à mission : une entreprise avec une raison d’être
Profits raisonnables
Quand on entreprend, il est nécessaire de rechercher une certaine profitabilité, ne serait-ce que pour pérenniser sa structure. La qualité de « société à mission » permet en outre de valoriser l’intérêt social de son projet. Comme l’a rappelé Maxence, « dans les services à la personne, le marge brute généralement pratiquée s’établit entre 30 et 35%. Nous n’avons pas vocation à faire moins. Notre différence, c’est que nous définissons notre gouvernance par rapport à notre mission, pas par rapport à des chiffres ». Tout l’enjeu a consisté à établir un équilibre entre objet social, d’une part, et recherche de profitabilité, d’autre part.
La raison d’être de Colivio tournant autour du maintien de la dignité des personnes âgées, Maxence a refusé dès le départ toute profitabilité excessive. Par conséquent, Colivio a remplacé son « comité de direction » par un « comité de mission ». Autrement dit, « nous ne prenons aucune décision susceptible d’entraver notre mission. Nous anticipons leur impact sur les intervenants professionnels et les auxiliaires de vie, tout comme sur les personnes âgées ».
Le garde-fou des audits
Maxence a poursuivi : « pour nous en assurer, nous évaluons régulièrement le sentiment éprouvé par les personnes âgées trimestriellement en interne. En outre, une à deux fois par an, nous projetons de nous faire auditer par un organisme externe de type Deloitte. Nous poserons ainsi des questions du type : ‘Comment vivez-vous le fait d’avoir quitté votre domicile pour un habitat partagé ?’ »
Ces audits s’adresseront également aux proches. Ils chercheront à évaluer leur satisfaction à voir leurs aînés résider dans un habitat partagé. De la même façon, le bien-être au travail des auxiliaires de vie sera également passé au crible. Selon Maxence, « l’organisation de notre entreprise est fondée sur le principe d’autonomie de nos équipes. Nous favorisons les prises d’initiatives. Nous ne souhaitons pas que les auxiliaires de vie deviennent de simples exécutants de tâches machinales ».
Colivio : un nouveau type d’accompagnement pour personnes âgées
Colivio : à l’attention des personnes semi-autonomes
Le marché de l’accompagnement des personnes âgées a beaucoup évolué au cours des 20 à 30 dernières années. Il y a encore 30 ans, on parlait simplement de « maisons de retraite ». Aujourd’hui, le marché s’est segmenté en fonction de l’AGGIR, échelle d’évaluation de la perte d’autonomie appliquée en France. Ainsi, les degrés de la perte d’autonomie sont classés en six GIR. À chaque GIR correspond un niveau de besoin d’aide pour accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne. Les structures d’accueil pour personnes dépendantes approchant de la saturation, ces dernières se focalisent sur les GIR 1 et 2, autrement dit les plus dépendants. À l’opposé, les GIR 5 et 6, qui sont les plus autonomes, peuvent opter pour des résidences seniors (Domitys, Senioriales ou Girandières) intégrant des services de restauration, etc. Ces résidences n’ont pas vocation à accompagner la perte d’autonomie et s’adressent à des populations aisées.
Comme l’a noté Maxence, « entre les GIR 1/2 et les GIR 5/6, il existe un trou dans la raquette. Ainsi, rien n’est prévu pour les GIR 3/4. Ces personnes semi-autonomes sont donc aujourd’hui prises entre deux feux. D’une part, elles ne peuvent pas aller en Ehpad par manque de places ou de moyens. D’autre part, elles sont déjà trop avancées dans leur perte d’autonomie pour entrer dans une résidence seniors. En effet, elles ont besoin d’un accompagnement régulier pour les aider dans l’accomplissement des actes de la vie quotidienne. Par conséquent, elles constituent notre cœur de cible ».
Conserver le lien grâce à la tech
Les personnes qui habitent à Colivio sont chez elles. Elles ont certes un chez-soi partagé, mais un chez-soi tout de même. Autrement dit, elles sont libres de leurs mouvements. Colivio met à leur disposition un petit boîtier à glisser dans la poche, par exemple, permettant la géolocalisation.
Maxence n’hésite pas à recourir à la technologie pour favoriser les liens sociaux. « Nous proposons des tablettes adaptées pour permettre aux personnes âgées d’aller sur internet. Elles peuvent ainsi garder un lien avec leurs proches, notamment leurs petits-enfants habitués à communiquer par WhatsApp. Nous sommes également en train de travailler sur une espèce de Gazette. Ce système permettra de recevoir régulièrement des nouvelles de ses proches et d’en donner. Cela passe par un boîtier qu’on installe sur la télé et qui permet aux proches d’envoyer des photos ou des messages. La personne peut ainsi les voir quand elle allume son poste. Ce boîter permettra en outre de discuter par visio ».
Comme l’a précisé Maxence : « Colivio s’inscrit donc pleinement dans la logique des habitats inclusifs. Nous mettons à profit l’ensemble des moyens permettant d’inclure les personnes âgées, de les préserver et de les maintenir dans la société ».
Ouverture à Lourdes du bâtiment le plus inclusif de France
En septembre 2021, Colivio a ouvert à Lourdes son premier habitat partagé pour seniors dépendants. Cette maison peut même accueillir des couples dans un deux-pièces ! Elle est le fruit d’une collaboration avec Maïlys Cantzler, personnalité que Maxence admire beaucoup par ailleurs. « Elle a créé il y a quelques années un réseau de crèches. Puis elle a eu le malheur de voir sa sœur cérébrolésée par suite d’un accident de la route. Depuis, elle essaye de développer des colocations pour personnes en situation de handicap à travers son association Le Club des Six. Bien que s’adressant à des populations différentes, Colivio et Le Club des Six ont des logiques comparables. Le projet de Lourdes s’adresse à une population plutôt socialement fragile, ce qui répond à notre cœur de mission. Le bâtiment que nous avons investi est ainsi muni d’un tiers-lieu qui a pris la forme d’une épicerie solidaire ouverte sur le reste de la ville. En outre, la maison propose une colocation pour personnes en situation de handicap. Colivio a quant à elle pris ses quartiers à l’étage du dessus ».
Maxence est fier d’avoir ainsi inauguré le bâtiment le plus inclusif de France. « En plein cœur de Lourdes, nous accueillons des fragilités différentes, qui toutes ont besoin d’accompagnement et d’aide. Ce projet met fin à la ghettoïsation de ces populations vulnérables ». En les intégrant dans la cité…
Cette publication a un commentaire
Ping : Sophie Scantamburlo-Contreras pour le réemploi des équipements professionnels, avec SCOP3 – Ô Magazine