L’architecture au féminin : tout un chef-d’œuvre

L’architecture au féminin, toute un chef-d'œuvre

Planifier et mettre en œuvre un bâtiment semblent une affaire de femmes. Elles se perfectionnent avec succès dans le monde de l’architecture. Par ailleurs, la présence féminine ne date pas d’hier malgré l’omniprésence des hommes dans ce domaine. De Katherine Briçonnet à Zaha Hadid en passant par Signe Hornborg, l’architecture au féminin regorge d’histoires à travers différentes époques. Vue d’ensemble des femmes possédant l’art de concevoir des édifices. 

Les Précurseuses de l’architecture …

Les premières femmes architectes viendraient des peuples amérindiens 

Au temps de l’Amérique médiévale, les femmes amérindiennes étaient considérées comme des véritables architectes (Les sociétés matriarcales d’Heide Goettner-Abendroth, « Chapitre 13. Amérique du Nord : peuples matriarcaux d’immigrants venus du sud »). Elles savaient planifier et construire des maisons typiquement façonnées au style Pueblo. Cette architecture traditionnelle apparaît au sud-ouest des États-Unis vers le VIIème siècle avec la formation de maisons attachées et faites de blocs ou briques en pierre. D’ailleurs, ces habitations à plusieurs étages sont reliées par des échelles. Chez les Hopis, un peuple d’agriculteurs, on y trouve ce type de construction pour organiser le village. Ces femmes sont donc précurseuses de l’envie de bâtir un foyer pour les générations suivantes. Après quelques siècles, une minorité se lance dans la construction lors de la transition vers les temps modernes comme Katherine Briçonnet et Plautilla Bricci. 

Katherine Briçonnet et son « Château des Dames » style Renaissance 

Venant d’une famille noble de France, Katherine Briçonnet œuvre à la conception du Château de Chenonceau à Touraine. En effet, elle s’impose en tant qu’architecte pour superviser le déroulement des travaux entre 1513 et 1521. En réalité, le château prend racine au moment de la destruction d’une forteresse médiévale située sur le lit du Cher, appartenue à la famille Marques : la Tour des Marques. Le mari de Katherine Briçonnet, Thomas Bohier, achète le terrain et finance la construction du futur domicile en style Renaissance.

Briçonnet entreprend toutes les décisions architecturales, de l’orientation du château à l’ornement en passant par les lucarnes au toit et même les tourelles. Ce logis Renaissance, patrimoine mondial de l’Unesco, se nomme « Le Château des Dames » à la suite des aménagements et transformations faites par Diane de Poitiers (le pont) et Catherine de Médicis (élévation de trois étages). À l’instar de Briçonnet, la marquise de Rambouillet s’illustre avec un salon mondain pour femme à l’hôtel qui porte son nom. 

La touche baroque de l’Italienne Plautilla Bricci

L'architecture au féminin, tout un chef-d'œuvre
Le croquis de la Villa del Vascello dessiné par Plautilla Bricci (Source photo : archive d’État)

Née à Rome, Plautilla Bricci prend part au mouvement baroque en devenant la première femme architecte d’Italie au XVIIème siècle. La bâtisseuse s’expérimente à la peinture et au dessin à l’aide son père, Giovanni Briccio, un artiste qui se distingue par ses œuvres théâtrales et musicales. Dans l’Accademia nazionale di San Lucas, Plautilla apprend et se forge dans l’architecture. D’ailleurs, on lui donne quelques édifices de renoms sur les terres italiennes. En 1663, elle planifie les premiers contours de la Villa del Vascello à Rome (Porta San Pancrazio).

En style baroque, ce bâtiment s’apparente à un voilier avec une coque immergée de vagues, à l’intérieur des décorations picturales disséminées sur les murs grâce à une initiative de l’architecte à l’aide du peintre Pietro da Cortona. Ensuite, elle récidive un an plus tard avec la construction d’une chapelle de San Luigi à l’église San Luigi dei Francesi. Malgré ses deux travaux, l’impact de Bricci n’a pas fait écho à cette époque. Dans la même période, la Belge Antoinette Desmoulins a dressé le plan de construction de l’Abbaye Notre-Dame de la Paix et Lady Elizabeth Wilbraham a eu une importance sur la fondation de plus de 400 édifices religieux à travers la Grande-Bretagne.  

… laissent le flambeau aux femmes modernistes et diplômées

La discipline académique s’ouvre aux femmes  

Entre le XVIIIème et XIXème siècle, elles sont beaucoup à parvenir à cette profession bien que l’enseignement artistique soit destiné aux hommes. Cet inconvénient n’a pas arrêté les prouesses de l’Anglaise Mary Townley qui a architecturé les nombreuses bâtisses de la ville de Ramsgate dont le Townley House construit en 1780. De même pour Sara Losh qui se distingue avec son projet réussi du St Mary’s Church à Wreay bâti sur un style mêlant le gothique et le byzantin. Il faudra attendre la fin du XIXème siècle pour que les écoles d’architecture intègrent enfin des étudiantes. En ce sens, Julia Morgan est devenue la première femme architecte en France (les Beaux-Arts de Paris), pareillement pour Esther Marjorie Hill au Canada (Université de Toronto) ou encore Flora Crawford (ETH à Zurich) en Suisse. Néanmoins, il faut noter que la première diplômée au monde est Finlandaise.

L'architecture au féminin, tout un chef-d'œuvre
Louise Blanchard Bethune marque aussi l’histoire en étant la première femme architecte aux États-Unis.

Signe Hornborg, la première diplômée au monde

En Finlande, les femmes possèdent une place prépondérante dans la société scandinave à l’image du gouvernement actuel. Leurs droits ont évolué au fil du temps afin d’établir l’égalité des sexes. Par ailleurs, elles peuvent maintenant étudier l’architecture grâce à Signe Hornborg. Pourtant, la Finlandaise reçoit une autorisation exceptionnelle pour intégrer l’Institut polytechnique d’Helsinki en 1888 et obtient son diplôme deux ans plus tard. Hornborg contribue à un nouvel urbanisme au service de son pays sous la domination russe avec le nationalisme romantique associant le style nordique et l’art nouveau. Dans la profession, elle démontre son savoir-faire avec la fondation du Newander House à Prior et à la contribution au design d’un édifice pour le département incendie de Porvoo et d’Hamina. Au sein d’un domaine artistique exclusivement aux hommes, Signe Hornborg a rivalisé dans ce contexte défavorable pour s’imposer avec succès. 

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La situation actuelle des femmes dans architecture 

Femme architecte, un documentaire de Thierry Mercadal (Source YouTube : la chaîne demaintv).

Talentueuses mais désavantagées face aux hommes

En France, elles sont seulement 25 % dans la profession contre 17% en 2000 mais qui reste inférieur par rapport aux hommes. Ces derniers sont dominants sur plusieurs critères au regard de la situation au Canada. Dans le documentaire Rêveuses de villes de Joseph Hillel qui rend hommage à quatre femmes, on révèle l’inégalité des sexes. Par ailleurs, ce déséquilibre se manifeste concrètement en matière de salaire.

Selon les études de la CIPAV (Observation de la profession d’architecte, p. 42), on apprend que le revenu moyen des femmes s’évalue à 26 924€ contre 47 469€ pour les hommes en 2014. En plus, la gent féminine pâtisse d’un plafond de verre dans les postes de dirigeant. Il y a seulement 8% des femmes qui dirigent une agence, ce qui montre un manque de visibilité. Néanmoins, on relate quelques initiatives pour saluer leurs projets comme dans les musées, à travers les ouvrages et les récompenses. 

Des prix décernés aux femmes 

Pour faire reconnaître le rôle de la femme dans l’architecture et le bâtiment en France, le Prix femmes architectes fut crée en 2013. Lors de la première édition du concours, Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication de l’époque, a délivré trois prix dont un à Odile Decq, actrice de projets remarquables : le Study Hall à Lyon ou le Pullman Berlin en Allemagne. À l’international, on connaît le prix de Pritzker qui valorise depuis peu les femmes. Cette année, on a vécu une première : un duo féminin a remporté cette récompense internationale. 

Yvonne Farrell et Shelley McNamara, toutes deux Irlandaises, ont triomphé avec des travaux architecturaux basés sur la transmission des cultures. Elles mettent en lumière leur concept par la construction du Toulouse School of Economics ou de l’Institut Mines-Télécom de Paris-Saclay. Chez les femmes, elles ne sont pas les seules lauréates avec Kazuyo Sejima en 2010 et Carme Pigem en 2017. En outre, la première femme qui a reçu cette distinction en 2004 est Zaha Hadid, une icône très respectée.

Zaha Hadid, une renommée importante dans l’art déconstructivisme

Décédée à l’âge de 66 ans, Zaha Habib a tout de même laissé son empreinte en prenant part au mouvement déconstructiviste. Le déconstructivisme fonde sa pensée sur la décomposition de l’espace avec le refus de mettre en avant la rationalité. Ainsi, elle développe cette idée moderne sur ses créations architecturales très imposantes visuellement. Parmi ses réalisation Vitra Fire Station (1993), Contemporary Arts Center (2000) ou encore Port Authority (2016), le gigantisme imposé fait la part belle au talent de l’architecte reconnue au niveau international.

En effet, le Prix Pritzker que Hadid a gagné en 2004 résume la grandeur de la bâtisseuse qui a intégré le classement des 100 femmes les plus puissantes du monde en 2008. Primée à nombreuses reprises pour ses travaux, l’architecte fut aussi une entrepreneuse avec la création de sa propre agence en 1979. C’est une grande personnalité féminine à ne pas oublier au même titre que Norma Merrick Sklarek ou Charlotte Perriand.

Du Moyen-Âge à nos jours, bâtir son chemin fut difficile pour les femmes. Bien que minoritaires et dévalorisées, certaines ont montré néanmoins leur savoir-faire à l’image de Bricci et Mary Townley. Finalement, elles ont dorénavant leur place dans l’architecture aux côtés des hommes. La quête à l’égalité sera longue mais l’avenir devrait sourire facilement aux futures générations.

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