Exposition accidentelle à des contenus pour adultes, fake news, usage addictif, manipulations de toutes sortes, etc. Les sujets d’inquiétude des parents à l’égard de l’usage d’Internet par leurs enfants ne manquent pas… Surtout quand on sait que ces derniers reçoivent leur premier smartphone à l’âge de dix ans en moyenne. Sophie Bordet-Petillon aborde ces préoccupations dans son nouveau livre Les Écrans et moi. L’essentiel pour un usage responsable, publié aux éditions Hygée le 15 avril dernier. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, elle nous a alerté sur les pièges du numérique guettant les jeunes. Elle nous a également donné quelques pistes pour qu’ils se montrent plus malins que leur smartphone…
Journaliste de formation et auteur jeunesse, Sophie a écrit de nombreux documentaires et autres livres d’activités. Spécialiste des sujets de société, elle s’est récemment penchée sur le thème de la jeunesse et de la santé publique. Elle accorde une importance particulière à la transmission et au partage de savoirs entre adultes et enfants. Et trouve motivant de mettre des notions complexes à portée de ces derniers. Par ailleurs, elle avoue un faible pour la créativité qu’autorisent les supports à l’attention de la jeunesse, notamment en matière d’édition. En écrivant ce livre, Sophie a voulu éviter aux jeunes de tomber dans les pièges du numérique. Elle s’est ainsi adressée aux enfants des classes de CM2, sixième, cinquième, jusqu’à la quatrième, avec l’expertise du psychiatre Serge Tisseron.
Les pièges du numérique : fake news, e-réputation et addiction
Parmi les pièges du numérique qu’elle nous a cités, Sophie s’est arrêtée en premier lieu sur les fake news. « Il est essentiel que les jeunes prennent conscience qu’il ne faut pas tout croire sur Internet. Que ce soient des textes, des photos ou des vidéos. Il est important qu’ils vérifient la source de l’information, surtout avant de la partager. J’ai voulu les inciter à se poser certaines questions pour les pousser à authentifier leur information : provient-elle d’un média reconnu ? L’article porte-t-il la signature d’un journaliste connu ? »
Deuxièmement, Sophie conseille aux jeunes de faire attention à leur e-réputation. La e-réputation regroupe l’ensemble des informations que l’on peut trouver sur soi-même sur Internet. « Pour vérifier notre e-réputation, il suffit de googliser son nom. Moins on trouve de choses sur soi sur Internet, mieux cela vaut », nous dit Sophie. « Les recruteurs et autres directeurs des ressources humaines tapent les noms des candidats sur les moteurs de recherches. Ils ont donc accès à un grand nombre de données, y compris des photos oubliées mais peut-être compromettantes ». Il est donc important de garder sa vie privée… privée ! Sophie recommande ainsi de poster sur Internet uniquement des informations concernant son parcours estudiantin ou professionnel. « Qui on fréquente, ainsi que tous les autres aspects de sa vie personnelle, cela ne regarde que soi », rappelle-t-elle.
Troisièmement, Sophie a mentionné le côté addictif de certains usages du numérique comme les jeux vidéo. À ce propos, elle souligne que le trouble du jeu vidéo a officiellement été reconnu par l’OMS en 2018. « J’ai autour de moi des jeunes qui ont souffert de ce trouble. Ces derniers ont perdu contact avec leurs amis et leur famille. Cela ne correspond pas à un volume horaire passé devant des jeux vidéo. Mais à des comportements d’isolement ou encore à des troubles du sommeil. Il existe ainsi des signes qui doivent alerter. Un soutien psychologique permet de s’en libérer », nous rassure Sophie.
L’importance du cadre familial
Pour remédier à ces maux, les parents pourront trouver dans le livre de Sophie une mine d’informations pour responsabiliser leurs enfants. « Quand on est jeune, nous confie-t-elle, on n’a pas encore la maturité suffisante pour pouvoir se déconnecter de soi-même. Dans la mesure où le cerveau des moins de 25 ans ne leur permet pas encore de bien contrôler leurs impulsions, il peut donc être plus facile de s’arrêter tous ensemble en famille. On peut décider par exemple de partager un repas sans écran. Ou encore de poser sa tablette ou son smartphone dans une pièce commune avant d’aller se coucher. Sans oublier de couper le Wi-Fi pour la nuit. Les règles sont plus faciles à respecter quand elles sont appliquées par toute la famille ». Il est également possible de désactiver les notifications sonores et visuelles provoquant une fatigue inutile, sans même que l’on s’en rende compte.
Privilégier les activités créatives
Doit-on pour autant chercher à complètement se couper du numérique ? « Ce n’est pas le propos de mon livre », avertit Sophie. « Je ne cherche pas à diaboliser les écrans, mais à favoriser un meilleur contrôle de son usage du numérique ». Car il faut bien le reconnaître, Internet constitue un outil extraordinaire, dont nous aurions tort de vouloir nous passer. Il nous a permis de développer de nouvelles capacités. Si notre mémoire — qui est encore capable de retenir un numéro de téléphone ? — ou encore notre capacité à lire des cartes géographiques sont moins exercées du fait de notre recours constant à Internet, nous avons cependant développé d’autres capacités. « Ainsi, observe Sophie, nous bricolons avec aisance car nous avons à notre disposition de nombreux tutos plutôt bien faits. Nous développons d’autres capacités grâce aux contenus d’Internet ». De même, si nous sommes moins capables de lire l’intégralité de textes en ligne, à force de les balayer et de les lire en diagonale, notre esprit est désormais plus synthétique.
Néanmoins, l’autrice cherche à susciter un questionnement chez le jeune lecteur. Quelle est la nature de son activité numérique ? Est-elle uniquement récréative (jeux vidéo, réseaux sociaux) ? Ou bien utilise-t-il cette ressource de façon à stimuler sa créativité, en consultant des tutoriels de bricolage, cuisine ou encore de montage vidéo ? A-t-il vraiment besoin d’en passer par un écran ? Comme le dit Sophie : « Le tout consiste à conserver la maîtrise du temps que l’on passe devant un écran. Ainsi, cela peut être bien de passer toute sa journée avec ses amis par appli interposée, mais cela peut être plus enrichissant encore d’avoir un vrai contact avec eux ».
Un ouvrage visuel augmenté d’un important sourcing
Ce qui frappe lorsqu’on a l’ouvrage de Sophie entre les mains, c’est le soin apporté à son visuel. Dans la mesure où l’éditeur souhaitait que ce livre touche un large public parmi les jeunes, il a demandé à Alexandre Nart d’en réaliser les illustrations. Ce dernier s’est inspiré des dessins animés et des films des années 1980-90, en plongeant le lecteur dans son univers coloré et énergisant, tout en insufflant humour et bonne humeur au contenu de l’ouvrage. « Nous voulions nous concentrer sur l’efficacité du propos, aussi bref que possible », révèle Sophie. « Le livre peut se lire comme une succession des petites fiches synthétiques sur différents thèmes, tels que l’impact d’Internet sur le cerveau, les dangers de la surexposition, ou encore que faire lorsqu’on tombe sur des contenus pour adultes ».
Par ailleurs, Sophie a voulu cautionner son propos en s’appuyant sur les avis experts de Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste membre de l’Académie des technologies et spécialiste de la question des enfants face aux écrans. Le Docteur Tisseron a également largement contribué au travail de sourcing (dix pages de références regroupées en fin d’ouvrage). L’idée consistait à permettre aux jeunes et à leurs parents de compléter les informations contenues dans le livre par des vidéos, des podcasts ou des ouvrages papier ou en ligne. « Nous donnons ainsi des tas de lieux d’écoute destinés aux adolescents », précise Sophie. « Nous avons regroupé ces informations par thèmes : dépendance, surexposition, jeux vidéo, réseaux sociaux, etc. » Cette extension documentaire complète le propos synthétique du livre et permet aux lecteurs qui le souhaitent d’aller plus loin.
Avez-vous dans votre entourage des adolescents souffrant du trouble du jeu vidéo ? Comment leur comportement a-t-il changé ? Faites-nous part de votre expérience dans la section des commentaires !