Soucieuse de tirer parti des facilités d’apprentissage des langues par les jeunes enfants (3 à 12 ans), Julie et Stéphanie Boucon ont créé en 2020 à Besançon l’application Holy Owly pour aider ces derniers à apprendre l’anglais… en seulement cinq minutes par jour. Suite à l’entretien que Julie Boucon nous avait déjà accordé en juin 2021, nous avons souhaité l’interroger de nouveau sur les derniers développements de Holy Owly : nouvelles langues, nouveaux jeux, etc. En outre, constatant les dangers liés à un usage excessif du numérique, Julie a voulu nous donner quelques recommandations. Pour elle, le numérique constitue un outil d’apprentissage extraordinaire… à condition d’en conserver la maîtrise !
Article rédigé par : ZIEL Jérôme
Depuis juin 2021, Julie et Stéphanie ont intégré de nouvelles briques de gamification à Holy Owly. Le but consiste à continuer d’amuser les enfants, dans le cadre d’un usage raisonné et limité du numérique. Elles se sont centrées sur le petit tamagotchi que les enfants pouvaient déjà nourrir, en guise de récompense de leur assiduité. Comme l’explique Julie, « nous amenons plus d’interactions. L’enfant peut désormais toucher cette créature numérique par le biais de son écran tactile. Il peut lui faire faire de nouvelles choses, comme le laver, etc. Ces nouvelles briques de technologie, pour lesquelles nous avons recruté des développeurs spécifiques, incitent les enfants à devenir pleinement acteurs de leur apprentissage ».
L’arrivée de l’espagnol et du chinois sur Holy Owly
Sur le même principe que l’anglais, Julie annonce de nouvelles langues : l’espagnol et le chinois. Comme elle le précise, « les dates de lancement de ces langues sont désormais respectivement fixées à juin et septembre 2022. Le fait de nous concentrer jusque-là sur l’anglais nous a permis de générer une belle croissance du nombre de nos utilisateurs. Nous avons ainsi enregistré une croissance de 480 % depuis le lancement de l’application en 2020 ».
Holy Owly rassemble désormais 15.000 utilisateurs quotidiens en mode payant. Elle propose quatre types d’abonnements : un abonnement mensuel sans engagement pour un seul enfant revient à 9,99€ par mois. Avec un engagement sur l’année, le prix baisse à 4,99€. Holy Owly propose également des packs famille mensuels ou annuels à l’attention des fratries.
Holy Owly for School ou la version scolaire de l’application
Depuis septembre 2021, l’appli de Stéphanie et Julie se décline également dans une version spécialement pensée pour le milieu scolaire : ‘Holy Owly for school’. Distribuée par l’éditeur spécialisé Bordas, elle offre une solution clé-en-main à l’attention des enseignants. Ces derniers n’ont même plus besoin de parler la langue de Shakespeare ! Ils peuvent en effet s’appuyer sur la ressource numérique. En outre, ils ont la possibilité d’avoir recours à des guides Bordas pour préparer leurs cours (tool kits).
À la différence de la version familiale, la version destinée aux écoles est moins ludique. Selon Julie, « comme Holy Owly for School est un outil pédagogique destiné à la classe, le jeu et la motivation viennent d’eux-mêmes… par le biais de l’apprentissage collectif ».
Éviter le piège du numérique à gogo
D’une manière générale, Julie déplore que de nombreuses familles, notamment parmi les plus défavorisées, mettent leurs enfants devant des écrans pour les occuper. Or, cela contribue à les isoler. Les réseaux sociaux vont en outre les pousser à prolonger leur station devant les écrans. Ils auront même l’illusion d’avoir des relations avec les autres ! Cela peut entraîner une baisse de leur activité physique, sans compter l’impact psychologique néfaste pour leur développement.
Il convient par conséquent de limiter leur activité numérique. Et de privilégier une connexion réelle avec les autres, par un usage « intelligent » des écrans. Selon Julie, « un écran, ce n’est pas mauvais en soi, à partir du moment où on l’utilise bien ».
Exposition : pas plus de 20 minutes par jour !
Julie rappelle les préconisations officielles : « 20 minutes d’exposition numérique par jour pour les enfants de trois à six ans ; pas d’exposition avant trois ans ». Cela paraît peu par rapport aux statistiques faisant état d’une durée moyenne d’1h40 par jour et par enfant.
On trouve ainsi dans la presse et autour de soi des exemples de surexposition avant l’âge de deux ans ! « Je trouve cela complètement aberrant », nous dit Julie ! « Il convient vraiment de limiter l’accès des enfants au numérique. En lisant ces chiffres fous, je me suis demandé ce que des petits de moins de deux ans pouvaient consommer. Sans doute des vidéos sur YouTube et autres dessins animés à gogo ! »
Surexposition numérique et difficultés cognitives
Julie poursuit : « le problème, c’est que le numérique flatte l’attrait des enfants pour la facilité. Or, selon moi, les enfants doivent rester des acteurs. C’est la raison pour laquelle nous avons créé une méthode incitant les enfants à parler, manipuler et agir. Il est important qu’ils ne demeurent pas passifs devant une vidéo, se contentant d’absorber des informations, qu’ils oublient aussitôt après ».
De plus, les enfants surexposés au numérique rencontrent des problèmes cognitifs. Ils ont moins de vocabulaire et apprennent difficilement à lire. Ils rencontrent aussi des problèmes de concentration et des troubles du sommeil.
Il convient par conséquent de sélectionner le contenu auquel leur donner accès. Selon Julie, il faut « les empêcher autant que possible de regarder des vidéos façon ‘marathon’. Même si les séries favorisent ce type de consommation boulimique et addictive ».
Réseaux sociaux : pas avant 13 ans
Par ailleurs, concernant les réseaux sociaux, Julie insiste sur le fait de ne pas les utiliser avant 13 ans. « C’est vraiment un âge-plancher qu’il convient de respecter. En deçà, les enfants ne sont pas prêts. Cela peut les mener à des situations où ils perdent la maîtrise de leur image. Leur estime de soi peut en pâtir. En outre, les parents et les professeurs devraient aider les enfants à sélectionner ce qu’ils publient de ce qu’ils gardent pour eux. Il ne faut pas interdire, mais accompagner le jeune public dans son apprentissage du numérique. De toute façon, il aura recours au numérique tout au long de sa vie ».
Contrôle parental
Afin de limiter l’usage du numérique par les enfants, les parents ont à leur disposition des outils de contrôle parental. Julie avertit cependant que, avant de limiter l’accès au numérique, les parents doivent communiquer avec leurs enfants. Ils doivent par exemple leur expliquer les raisons pour lesquelles, à partir d’une certaine heure, le système se fermera de lui-même.
Julie se défie toutefois des applications qui permettent de ‘fliquer’ les enfants. « Cela me dérange beaucoup quand la confiance est brisée. Cela peut se révéler très néfaste. Notamment dans les problématiques de harcèlement : les enfants ne viendront plus se confier sur ce qu’ils auront subi. Je pense donc qu’il convient de respecter la vie privée des enfants, en adoptant une démarche explicative et en instaurant un climat de confiance. Cependant, il faudra impérativement limiter le temps de connexion, car cela ne se fera pas tout seul ! »
Privilégier les contenus qualitatifs et éducatifs
D’une manière générale, Julie n’est pas favorable à une interdiction pure et simple. Elle poursuit : « pourquoi ne pas regarder au contraire avec les enfants ce qui pourrait leur plaire ? Les parents ont la responsabilité d’orienter leurs enfants vers un contenu qualitatif et éducatif. Par exemple, ma fille est en train d’apprendre les tables de multiplication et l’école nous a recommandé un site pour l’aider. En raison de ma déformation professionnelle, j’ai tout de suite noté que le site conseillé était loin d’être intuitif. J’ai donc essayé de trouver d’autres ressources et j’ai fini par découvrir une appli beaucoup plus sympathique ».
Pour être réussie, une appli jeunesse doit être aussi pédagogique que ludique. C’est-à-dire que les enfants apprennent des choses sur les maths, les sciences, le codage ou les langues étrangères. Ce qui est plutôt positif, car le codage, par exemple, est un thème que l’école n’aborde pas. « Alors qu’il est important d’en acquérir la maîtrise dès le plus jeune âge », ajoute Julie.
Le numérique : incontournable pour l’apprentissage des enfants
Pour Julie, le numérique reste un formidable outil d’apprentissage : « à nous, en tant que parents, de savoir l’utiliser à des fins intelligentes et éducatives ». Dans certaines circonstances, le numérique permet d’égaliser les chances entre les enfants. « Prenons l’exemple des classes ULIS. Les élèves y ont des difficultés ou des handicaps, ce qui affecte leur vitesse d’apprentissage. Là où les méthodes traditionnelles affichent leurs limites, le numérique aide au contraire ces enfants à progresser. Ils obtiennent ainsi des résultats équivalents aux élèves des classes traditionnelles ! » Le numérique est donc un outil permettant de motiver les enfants dans leur apprentissage. Y compris pour des matières qui ne les intéresseraient pas forcément, si elles leur étaient enseignées de façon traditionnelle…