La loi séparatisme, ou loi pour le “respect des principes républicains”, est désormais débattue en commission paritaire, alors que le Sénat adoptait une version durcie du texte de loi le 12 avril 2021. Adopté à 347 voix contre 151, le projet de loi constitue, pour certains, “une atteinte sans précédent aux socles de notre République”. Les musulmans sont-ils stigmatisés ? Retour sur ce projet de loi.
En mars 2018, le terme “séparatisme islamiste” apparaissait pour la première fois dans la publication d’une tribune du Figaro. Depuis, cette expression semble préoccuper l’ensemble du territoire français. En effet, en janvier 2020, Le Monde reprenait les termes d’Emmanuel Macron : “il faut accepter qu’il y a, dans notre République aujourd’hui, ce que j’appellerais un séparatisme”. Lors du discours de septembre pour les 150 ans de la proclamation de la République, le président utilisait à nouveau ces propos. Le séparatisme islamiste met donc l’accent sur le fait que les islamistes ne veulent pas respecter la loi commune, avec une volonté de se séparer des autres.
Les attentats : mise en place d’un climat stressant
En mars 2012, Mohammed Merah, un terroriste franco-algérien, tuait sept personnes à Toulouse et Montauban. En janvier 2015, Charlie Hebdo était également visé suite à la diffusion de caricatures sur l’islam. Rappelez-vous ensuite du 13 novembre 2015 lorsque l’État islamique revendiquait les attentats du Bataclan. Au total, ces actes de violence avaient causé la mort de 129 personnes, et 352 autres blessées. En 2020, la décapitation de Samuel Paty, après avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet, accentuait l’islamophobie. On distingue trois grandes vagues d’attentats. Une première entre 1985 et 1986, une seconde entre 1994 et 1996, et une troisième depuis 2012.
La Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) a recensé les attentats islamistes dans le monde sur les quarante dernières années. Au total, on dénombre 167 000 morts entre 1979 et 2019. Si la France compte 317 personnes tuées pendant cette même période, d’autres pays du globe ont été beaucoup plus touchés. Malgré tout, la France reste le pays de l’Europe le plus impacté par la violence islamiste.
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Loi séparatisme : un projet de loi qui fait débat
Parmi les diverses dispositions du projet de loi séparatisme, Emmanuel Macron souhaite rendre l’école obligatoire dès l’âge de 3 ans. Le but ? Éviter les dérives de certaines communautés islamistes extrémistes, qui tendent à déscolariser les enfants au profit d’autres structures. Des dispositifs veulent améliorer la transparence des lieux de culte, soumis à la loi de 1901 sur les associations. Le texte les incite à s’inscrire sous le régime de 1905. Visant les cultes, l’objectif est d’obtenir une vision plus transparente sur le plan comptable et financier. D’autres mesures concernent la polygamie, le mariage forcé ou encore une neutralité religieuse imposée aux agents du privé, ayant une mission de service public.
Les Républicains ont majoritairement voté contre le projet de loi. “Pas à la hauteur des enjeux”, il s’oppose à l’encadrement de l’instruction à domicile, vue comme une atteinte à la liberté des familles. Quant aux élus de La République en marche (LREM), on compte 252 votes en faveur du projet de loi. «Après le discours des Mureaux, après l’assassinat de Samuel Paty, nous espérions une loi puissante, solidement érigée face au séparatisme», énonçait la députée LR Annie Genevard lors du vote à l’Assemblée. “Votre loi se contente d’effleurer les problèmes”, dénonce-t-elle encore. Dans un sondage réalisé par Le Figaro, sur 79 675 votants, 82 % pensent que le projet de loi “républicain” ne sera pas efficace pour lutter contre l’islamisme.
Dans le même temps, les réseaux sociaux s’insurgent contre l’interdiction du voile aux mineures. “Touche pas à mon hijab” est un slogan qui a rapidement fait le tour de la sphère médiatique. Ces femmes dénoncent l’islamophobie, autrement dit, l’hostilité, voir la haine, envers les musulmans.
Être musulman en France aujourd’hui
Selon un sondage d’Ifop (Institut français d’opinion public), 61 % des français pensent que “l’islam est incompatible avec les valeurs de la société française.” 78 % des personnes affirment que cette religion menace la laïcité. En 2017, les musulmans étaient environ de 8,5 millions de personnes (dont 3,5 pratiquantes), soit plus de 10 % de la population. Le Pew Research Center estime qu’en 2050, entre 12,7 % et 18 % de la population sera musulmane. Ce chiffre pourrait varier en fonction de la quantité d’immigration vers la France.
Un problème d’intégration ?
Philippe d’Iribarne, anthropologue, déclare “qu’une bonne partie des immigrés et de leurs enfants du Maghreb trouvent leur place dans notre société. Ils ont un emploi, une famille, acceptent nos valeurs, adoptent nos codes sociaux.” Cependant, il reconnaît l’affirmation suivante : “il faut reconnaître que beaucoup d’autres peinent à s’intégrer. Le taux de chômage très élevé auquel cette population est confrontée, sa surreprésentation dans les prisons et l’émergence, dans les cités, d’une contresociété assise sur le fondamentalisme islamique en sont des indices inquiétants.” Selon lui, la crise économique joue un rôle important. Elle limite les possibilités d’emploi, accentue les phénomènes de ghettoïsation et les discriminations à l’embauche. Mais, un problème d’assimilation des codes, qui régit le fonctionnement de la société française, est aussi un élément à prendre en compte.
La première génération d’immigrants musulmans venue chercher du travail avait cherché à passer le plus inaperçu possible. Les générations suivantes, celles nées en France et de nationalité française, veulent davantage affirmer leurs différences. Le chômage augmente, frappant particulièrement les jeunes de l’immigration maghrébine. Les Français pensent désormais que ces personnes bénéficient d’aides sociales alors qu’elles ne participent pas à la communauté. Dans ce contexte d’inquiétude, les discriminations s’agrandissent et une notion de rejet apparaît. Effectivement, le nombre de musulmans augmente, et les codes de la société française s’adaptent à leurs coutumes. Ce qui ne plaît pas à tout le monde.
Les conséquences de cette pensée sur les musulmans
Peut-on réellement s’intégrer lorsque l’on est pointé du doigt ? La société actuelle nous conditionne davantage à prendre position face à la question. Effectivement, des sondages réalisés par l’Ifop demandent aux français si l’islam menace la laïcité ? Autrement dit, s’ils se sentent en danger face à la religion musulmane.
La problématique islamique, avec l’apparition de violences, est au centre des enjeux nationaux et internationaux. Dans le tumulte actuel, il est primordial de faire la différence entre l’islam (la religion) et l’islamisme (le mouvement prônant le respect de l’islam). Selon une étude publiée en mars 2018 par la Banque mondiale, le changement climatique poussera, d’ici 2050, 143 millions de personnes à migrer. Il est fort probable que la communauté islamique s’agrandisse davantage en Europe. De ce fait, ne stigmatisons pas l’islam en englobant tous les pratiquants dans le même panier. Les attentats et le climat anxiogène instauré ces dernières années sont le résultat d’une minorité radicalisée. Quant aux problèmes d’intégration, ils ne concernent pas tout le monde, et sembleraient générationnels.