Les Pentes : Sioux Berger et les éoliennes bovinicides

écoliennes mort des vaches

À l’occasion de la publication de son premier roman Les Pentes en février dernier, Sioux Berger raconte l’histoire d’un petit village, Les Pentes, situé quelque part dans le Cantal. Ce village résiste tant bien que mal à l’emprise d’un lobby industrialo-écologique visant à imposer ses normes ‘faux-propres’ à l’ensemble de la population, notamment par le biais d’usines électriques s’étendant à perte de vue. D’immenses éoliennes remplacent ainsi les arbres de nos forêts…

Article rédigé par ZIEL Jérôme

Issue d’une famille de professeurs d’italien, Sioux Berger passe son enfance au Puy-en-Velay, en Auvergne. Encore enfant, elle se souvient qu’elle partait avec ses parents en vacances à Paris. Ayant stationné sa caravane dans le camping du bois de Boulogne, la famille s’en allait visiter Paris, « tellement différente du Puy à l’époque ! En effet, dans les années 70, le Puy avait 20 ans de retard sur la capitale ! À l’école, nous écrivions encore à la plume sergent-major. Les établissements scolaires étaient passés à la mixité… en théorie seulement ! Nous avions l’obligation de porter un tablier. On peut le dire : c’était vraiment l’école à l’ancienne ! »

Sioux passe un bac littéraire, avant d’être acceptée en hypokhâgne puis en khâgne au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Ces études de lettres l’ont amenée à enseigner le français pendant dix ans à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Là, elle a recours à différentes techniques de résolution des conflits. Comme elle se le rappelle, « il fallait faire preuve de beaucoup d’énergie positive pour que tout se passe bien ».

De l’enseignement à la web rédaction

Avant de s’intéresser aux éoliennes, Sioux écrit sans relâche depuis qu’elle est toute petite. Elle décide dans les années 1990 de vivre de sa plume. « À l’époque déjà, les start-ups internet naissaient comme des champignons. Je suis donc devenue web rédactrice pour ‘aufeminin.com’ ou ‘super-secretaire.com’. Cela marchait vraiment bien… jusqu’à l’explosion de la bulle internet en 2001 ».

Tirant les leçons de ce retournement de situation, elle revient au papier et monte avec son mari le magazine Assistante Plus. « Je ne connaissais alors rien à la presse, poursuit-elle. Mais je me suis lancée, ce qui m’a finalement permis de vivre de belles années. Avant que la réalité familiale ne me rattrape. En effet, la presse oblige à un rythme de travail effréné. Comme ma famille s’était entretemps agrandie (j’avais désormais trois garçons), j’ai donc décidé de faire quelque chose de plus soft. En 2005, je me suis mise à faire de l’édition sur des sujets liés au bien-être ».

éoliennes tueuses de vaches
Sioux Berger (c) éditions De Borée

Avant Les Pentes : de la presse… à l’édition ‘bien-être’

Il faut dire que Sioux a hérité de sa maman la passion pour la médecine chinoise. En 2005, une éditrice l’appelle pour lui proposer un sujet sur le zen. « Elle me demande de remplacer au pied levé un auteur qui s’était désisté et me donne trois mois pour écrire l’ouvrage. C’est ainsi que j’ai publié ‘10 minutes pour être zen’ en 2005. Cela a bien marché si bien que par la suite, j’ai travaillé en flux tendus pour des maisons d’édition sur des thèmes tels que la réflexologie, la charge mentale, etc. »

En outre, comme le fait d’enseigner lui manque, elle exerce également une activité de formatrice pour adultes. Elle anime ainsi désormais régulièrement des séminaires sur le bien-être, la gestion du stress ou encore la confiance en soi dans les entreprises.

Les Pentes, son premier roman publié, trouve son origine dans une anecdote particulière qui lui arrive en 2018, alors qu’elle vient d’achever de restaurer sa maison dans le Cantal. « Avec mon mari, nous considérions déjà cette maison comme notre petit refuge. On se disait que c’était là qu’on pourrait toujours aller quand tout irait mal ». Or, un jour, un promoteur frappe à sa porte pour l’informer de la construction de six éoliennes hautes comme la tour Montparnasse, juste en face.

Des éoliennes bovinicides

« J’avoue avoir été un peu décontenancée sur le coup, poursuite-elle. De plus, j’ai découvert que l’installation d’éoliennes relevait de promoteurs privé, et non d’agences gouvernementales pour la transition énergétique, comme je le pensais naïvement. En voulant sonder les opinions des uns et des autres, je me suis déplacée à Saint-Saury. Et là, les agriculteurs se sont mis à me confier des histoires si incroyables que j’ai d’abord cru à des affabulations de leur part ». En effet, plusieurs d’entre eux lui expliquent que leurs bêtes mouraient depuis que les éoliennes tournaient.

À chaque fois, le même scénario se reproduit : les animaux paissent face à des parcs éoliens. Puis ils se mettent à dépérir, jusqu’à ce qu’ils se couchent pour ne plus se relever. Entretemps, le lait des vaches devient impropre à la consommation. S’il y a une nappe phréatique dans le sous-sol, la situation est encore pire et la mort arrive plus vite encore. De même si la ferme est en contrebas par rapport aux éoliennes. Comme les bêtes à sabots sont très sensibles aux courants électriques, il devient évident pour Sioux que les réseaux électriques et les courants vagabonds les perturbent… jusqu’à les tuer.

Sioux Berger met sa plume au service des agriculteurs

Sioux commence en 2018 à poster sur les réseaux sociaux les témoignages des agriculteurs. « À l’époque, sur facebook, j’avais trois amis. Tout d’un coup, j’ai enregistré 9.500 partages en partant de zéro. Des agriculteurs de la France entière se sont mis à m’écrire pour me raconter leur histoire. J’ai donc publié sans relâche leurs témoignages jusqu’à ce que la presse s’en mêle (radio, etc.) ». Finalement, les voix des agriculteurs, inaudibles au départ, commencent à être entendues.

Par ailleurs, avec son mari, Sioux organise une consultation citoyenne pour sonder la population sur la question de l’installation des éoliennes dans le voisinage. « Finalement, poursuit Sioux, le projet des éoliennes a été rejeté. Même si entretemps, les promoteurs m’avaient approchée pour proposer d’acheter mon silence ».

De cette expérience hors du commun. Sioux a choisi de faire un roman épistolaire en se plaçant du point de vue des agriculteurs et de tous ceux qui résistent aux normes qu’on essaie de leur imposer. Au départ, elle comptait le publier sous la forme d’un feuilleton sur Facebook. Cependant, après avoir lu le manuscrit, son mari l’a poussée à contacter un éditeur. « J’ai donc proposé ce projet aux éditions De Borée : c’est comme cela que le livre est né », nous dit-elle.

Les Liaisons dangereuses… 1984 !

Pour son roman, Sioux a choisi la forme épistolaire caractéristique de certains romans du 18e siècle, comme Les Liaisons dangereuses, de Laclos. Sans doute par goût pour le courrier manuscrit, même s’il est tombé en désuétude chez nos contemporains. « Pourtant, remarque Sioux, il est complètement indépendant de toute technologie. Il ‘reste’ et nous pouvons en conserver une trace. De plus, la lettre manuscrite ne consomme pas d’énergie… et ne dépend pas d’un data center situé je ne sais où ».

De même, l’univers oppressant dans lequel nous plonge Les Pentes fait également penser à 1984 de George Orwell. Sioux admet que son roman a des allures de dystopie, bien qu’il se termine en utopie ! « J’ai voulu donner aux Pentes une touche de fraîcheur, d’espoir et d’énergie positive. Car cela est susceptible de nous sauver, je crois. Cette énergie apporte du réconfort aux agriculteurs, en tout cas. Par exemple, l’un d’entre eux m’a récemment envoyé une photo de son tracteur sur lequel s’était juchée une poule. Entre un désespoir à la 1984, et ma croyance en un monde où finalement les gens finissent par se comprendre et par s’entendre, je choisis la voie de l’espoir ! »

Couverture Les Pentes

Donner une voix aux sans-voix

Avec la sortie de son livre et ses actions militantes, Sioux a cependant conscience de l’ampleur de la tâche à laquelle elle s’est attelée. « C’est pour cela que, le 30 avril, nous organisons une conférence avec plusieurs agriculteurs dans le cadre d’actions de sensibilisation sur les éoliennes. Ce que j’apprécie chez ces personnes, c’est leur hyper authenticité, aux antipodes du monde Instagram. Par exemple, alors que j’écrivais, il m’est arrivé de vouloir vérifier des témoignages. Je téléphonais alors aux agriculteurs, alors qu’ils se tenaient au milieu de leur champ, en train de labourer. Je leur lisais le texte au téléphone pour qu’ils me fassent part de leurs corrections… depuis leur tracteur ! »

C’est pour ces personnes-là finalement que Sioux a écrit son livre. « J’ai tenté de transformer un certain désespoir en leur envoyant une énergie positive, qu’ils m’ont entretemps rendue au centuple. J’ai simplement voulu les aider à pouvoir continuer de vivre tranquille, tout en faisant le plus noble des métiers : nourrir les autres ».

Sioux Berger, Les Pentes, éditions De Borée, Clermont-Ferrand, 2022, 184 pages, 18 €. Septembre 2050 : depuis Paris, une jeune fille ose encore écrire des lettres avec de l’encre et des feuilles. Pourquoi et à qui écrit-elle ? Il n’y a plus personne en dehors des villes, après tout ! Ayant repéré son manège, un employé du gouvernement mène l’enquête. Il va alors découvrir un secret qui pourrait bien changer la face du monde…

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