Le corset, instrument de torture vecteur d’un message féministe ?

Le corset, lingerie thérapeutique ou instrument de torture, a longtemps été porté par les femmes (et les hommes) afin d'ajuster la forme de leur taille, avant d'être un objet servant à sexualiser le corps de la femme.

Le corset, autrefois un sous-vêtement répandu dans la garde-robe des femmes, a été longuement critiqué. Connu pour avoir fait souffrir les femmes, et pour répondre à des fantasmes patriarcaux, le corset aurait été délaissé et troqué contre des régimes et des interventions chirurgicales afin de garder la taille fine. Néanmoins, il serait aujourd’hui synonyme de féminisme et fait son grand retour sur les catwalks. 

Le corset est un sous-vêtement, principalement féminin, porté du xvie siècle au début du xxe siècle. Cependant, on trouve des habits similaires au corset dès 1600 av. J.-C comme des ceintures en tissu portés en dessous de la poitrine. Le corset est d’abord un vêtement de femme et d’homme : venu de l’univers masculin et militaire, le corset est conçu pour enlever les différences morphologiques entre les deux sexes afin de laisser place à une silhouette la plus masculine possible. Plus tard, on le perçoit plutôt comme une « armure » physique et morale réservée à la haute société : il magnifie le corps en obtenant une taille svelte pour le différencier de celui du peuple. 

Portraits de Louis XIII et de la Reine d'Autriche, en costume princier, suggérant le port du corset.
Portrait de Louis XIII par Rubens. Portrait de la Reine d’Autriche par Rubens.

…Ou symbole d’oppression patriarcal 

Publicité issue du Petit Echo De La Mode le 10 mars 1895.
Publicité issue du Petit Echo De La Mode le 10 mars 1895.

Ce n’est qu’au xixe siècle que l’utilisation du corset est synonyme d’érotisation des atouts féminins. Ce dessous, qui parfait la lingerie féminine de l’époque, cherche à modeler le buste suivant des critères esthétiques variables selon les tendances. Il a pour but premier d’affiner la taille d’une part, et d’autre part de maintenir la poitrine. D’abord portées par les femmes de la haute société, il s’est démocratisé auprès des bourgeoises et des femmes du peuple.

Au cours du xixe siècle, certains médecins ont conclu que le port du corset était la cause de maladies respiratoires, de dégâts des organes internes, de déformation des côtes et même de complication lors de grossesses. Pour d’autres, le corset aurait des vertus thérapeutiques : il servirait à maintenir le dos et à corriger les déviations de la colonne vertébrale. Néanmoins, il est évident que le corset fut semblable à un instrument de torture visant à assouvir les fantasmes masculins sur la féminité. De ce fait, Paul Poiret est le premier couturier qui le bannit de ses collections. En effet, il délivre la femme grâce à des robes droites qui lui permettent de se mouvoir. 

Le corset, incarnation du féminisme 

Le corset reste présent dans le domaine du travestisme et du role play. On le voit refaire surface sur les défilés avec une reprise de pouvoir sur le corps féminin.
Violet Chachki pour Harper’s Bazaar Chine. Corset doré métallique par Thierry Mugler.

Aujourd’hui le corset traditionnel, de par sa notion de douleur, reste présent dans les pratiques sexuelles fétichistes. On le retrouve aussi au sein du travestisme et les déguisements burlesques d’antan. 

Ce n’est qu’au xxe siècle, alors que la femme s’affranchit de l’emprise de l’homme, que le corset devient l’expression du renouvellement de la notion de féminité. En effet, dans la haute couture, on utilise le corset comme symbole fort de l’émancipation de la femme, rendue maîtresse de sa propre féminité et de sa sexualité.  On se rappelle notamment du corset rose poudré aux seins coniques de Jean Paul Gaultier porté par Madonna, qui deviendra une représentation mythique d’une sensualité assumée.

Le corset deviendra même l’emblème de ses fragrances pour femmes. On retrouve également le corset dans la collection punk de Vivienne Westwood, érotique et libertine, qui confère à la femme un « pouvoir, notamment sexuel, une allure un peu guerrière, dominatrice », d’après Emilie Coutant, sociologue et consultante en mode. 

“Une femme en corset affiche un corps qui est à la fois érotique et qui en impose, car il se perçoit comme une prise de pouvoir.”

Emilie Coutant

A l’époque, on considérait le corset comme étant un sous-vêtement. Aujourd’hui cet accessoire de lingerie a tendance à être porté en tant que survêtement, à la façon d’une ceinture ou revisité en jupe. Le corset donne une allure assurée pour la femme, au même titre qu’un costume pour un homme. Selon Emilie Coutant, « une femme en corset affiche un corps qui est à la fois érotique et qui en impose, car il se perçoit comme une prise de pouvoir ». 

Le corset moderne redonne le pouvoir aux femmes sur leur propre féminité.
Ceinture corset par Jacquemus. Jupe corset par Balmain.

Un corps magnifié pour une sexualité assumée

Le corset a longtemps été marque de faiblesse car il a été synonyme de souffrance et de soumission aux fantasmes et aux normes de beauté établies par les hommes. Néanmoins, le corset est dorénavant symbole d’hyper-féminité, assumée et appartenant aux femmes.

A lire également : Mode à Paris – Voyage dans un siècle d’élégance parisienne

Laisser un commentaire