Les personnes sans enfant et souhaitant ne pas en avoir sont très minoritaires en France. Les chiffres de la natalité française restent stables depuis une vingtaine d’années. Néanmoins, ce « non désir » d’enfant commence à faire son chemin et on l’observe de plus en plus chez les femmes.
5 % des femmes et des hommes ne veulent pas d’enfant
Selon une étude réalisée en 2010 par l’Ined (Institut national d’études démographiques) et l’Inserm (Institut national de la santé et de recherche médicale) auprès de 5 275 femmes et 3 373 hommes âgés de 15 à 49 ans, ils sont 6,3% des hommes et 4,3% des femmes à ne pas vouloir d’enfant. Cette volonté de ne pas vouloir d’enfant s’observe essentiellement chez les personnes non en couple (10% des femmes et 17% des hommes) et les raisons de leurs choix sont multiples. La plupart du temps, elles s’expliquent par l’absence de conjoint.e et le fait qu’elles ne se projettent pas entant que parent.
L’étude démontre également que, parmi les femmes n’étant pas en couple, ce sont les plus diplômées qui déclarent le plus souvent ne pas vouloir d’enfant. On observe l’effet inverse chez les hommes.
« Les souhaits d’infécondité volontaire sont plus fréquents chez les personnes qui, par leur position sociale, sont les plus éloignées de l’idéal du « bon parent » véhiculé par la société actuelle »
explique l’INED
Avoir des enfants, une véritable pression sociale
La pression sociale pour avoir des enfants est forte à tous les âges. Elle l’est encore plus entre 25 et 35 ans, l’âge de « pleine fécondité » durant lequel l’infécondité volontaire devient faible. En effet, les personnes en couple sans enfant basculent peu à peu dans une position minoritaire lorsque les naissances deviennent fréquentes au sein de leur cercle familial et amical. Une certaine pression s’exerce alors sur ces couples ne souhaitant pas devenir parents. Cette pression est d’autant plus forte pour les femmes entrant dans cette tranche d’âge. L’argument de « l’horloge biologique » en est la carotte, cependant la situation conjugale des femmes a très peu d’impact sur leur souhait de rester sans enfant, contrairement aux hommes.
Charlotte Debest présente ce constat dans son enquête d’entretiens qualitatifs, en partenariat avec l’Ined. Dans son ouvrage, Le choix d’une vie sans enfant, elle a mené plusieurs entretiens auprès de personnes ayant refusé de devenir parents. Elle les a surnommé les « SEnVol » (Sans Enfant Volontaire). Cette enquête sociologique montre également que les femmes réfléchissent dès leur plus jeune âge à la question de la parentalité. Ce qui n’est pas le cas chez les garçons, ils se projettent rarement dans la paternité avant d’être en couple stable.
« Les femmes veulent conserver cette liberté, et elles ont conscience de la charge que suppose d’avoir un enfant. »
Charlotte Debest
Sans enfant, un choix raisonné et personnel mais difficilement accepté
Lorsque nous parcourons les divers forums de discussion sur internet, nous pouvons très souvent tomber sur des témoignages de femmes ne souhaitant pas avoir d’enfant : « Je ne veux pas d’enfants. Je n’ai pas envie de supporter toutes ces contraintes mais j’ai peur du regard des autres ! » Face à ça, les réponses apportées font souvent office de pression voire de désaccord voilé : « Ça va venir, tu verras », « Tu ne seras pas une femme épanouie », « Tu regretteras plus tard », « Tu as peut-être seulement besoin de grandir encore un peu dans ta tête », « Tu devrais consulter, à mon avis, tu as un problème. »
En effet, « la société et la famille ne portent pas toujours un regard positif sur les couples sans enfants », confirme Sophie Mercier, conseillère conjugale. La société exige d’un côté la liberté et l’épanouissement. De l’autre la stabilité matérielle et professionnelle pour fonder une famille. Les femmes en sont les premières affectées, comme si féminité était forcément synonyme de maternité explique la psychanalyste Catherine Vanier : « Actuellement, il semble y avoir une confusion entre la féminité et le fait d’enfanter. Comme si l’on ne pouvait pas “devenir une femme” sans être mère ». Elle poursuit en insistant bien sur le fait que le « non désir » d’enfant, que ce soit chez une femme ou chez un homme, ne découle pas forcément d’un traumatisme.
« Comme s’il fallait chercher absolument une dimension pathologique à cette décision de certaines de ne pas devenir mères. Alors que cela relève de la liberté individuelle de chacune, une liberté difficilement acquise par les femmes et ne découlant pas nécessairement d’un traumatisme. »
Catherine Vanier
Il faut arrêter la culpabilisation
« L’arrivée d’un premier enfant fait toujours partie du parcours conjugal attendu, l’absence d’enfant pouvant renvoyer à un dysfonctionnement » analysent Charlotte Debest et Magali Mazuy, les deux autrices de l’étude Une pression, diffuse, s’exerce sur les couples.
En effet, le fait de ne pas vouloir d’enfant, tout comme celui d’en vouloir, est un choix et non une obligation. Certaines femmes ne conçoivent pas l’idée d’être mères, leurs raisons sont multiples mais surtout personnelles. La peur de recréer un schéma familial, d’échouer dans l’éducation de l’enfant, la peur de trop s’attacher également ou tout simplement de n’avoir aucune prédisposition à devenir mère en sont des exemples. Avoir un enfant est une responsabilité considérable et cela angoisse beaucoup de femmes. De plus, il est important de souligner que ne pas vouloir d’enfant ne signifie en aucun cas ne pas aimer les enfants.
De multiples raisons de ne pas vouloir d’enfant
Au-delà de l’absence de désir de maternité ou de la peur d’élever un enfant, les raisons motivant le choix des « SEnVol » sont multiples mais restent sensiblement les mêmes :
Un important besoin de liberté
Aujourd’hui, beaucoup plus de personnes font de longues études (environ 5 à 7 ans) et pensent donc moins à fonder une famille, ce qui est logique. « L’épanouissement personnel » apparaît comme étant la principale motivation des personnes concernées. « Être bien sans enfant », « rester libre » ou se consacrer à « d’autres priorités » sont également les raisons qui reviennent le plus souvent. La santé ou la situation financière sont très peu citées, même par les plus jeunes. De plus, après avoir terminé leurs études, il est tout à fait normal que ces personnes veuillent prendre du temps pour elles et se consacrer à leur carrière professionnelle.
La carrière professionnelle avant tout
Les femmes sont de plus en plus impliquées dans leur carrière professionnelle et recherchent des postes à responsabilités. Bon nombre d’entre elles se lancent également dans l’entreprenariat (40% des entreprises individuelles en France ont d’ailleurs été créés par des femmes en 2016). Il devient alors compliqué pour ces femmes de concilier vie de famille et vie professionnelle, elles préfèrent donc faire un choix (égoïste pour certain.e.s) que de ne pouvoir voir grandir leur enfant (pas si égoïste en fait).
« De plus, dans la vie d’entreprise, avoir un enfant peut faire stagner sa carrière et faire fuir de potentiels employeurs. »
Une question d’éthique
L’éthique est également une des raisons pour laquelle certaines personnes ne souhaitent pas avoir d’enfant. La Terre étant surpeuplée, les ressources insuffisantes et le réchauffement climatique plus qu’inquiétant, ces personnes ne désirent pas offrir un avenir incertain à leurs enfants. L’adoption apparaît alors comme une alternative. Rappelons également qu’en France, environ un couple sur huit consulte en raison de difficultés à concevoir un enfant. 10% d’entre eux restent infertile après 2 ans de tentatives.
Je ne suis pas une Alien
Difficile d’être Childfree dans une société qui nous pousse à fonder une famille. « Même ma gynécologue me juge », témoigne une jeune femme. En effet, la chirurgienne Caroline Dhainaut observe les nombreuses réticences de ses confrères par rapport à cette infécondité volontaire : « Pour la plupart des gynécologues, c’est antinomique de recevoir une femme qui dit de ne pas vouloir d’enfants. C’est comme l’IVG, cette prise en charge n’est pas mise en valeur par les services de gynécologie, c’est toujours la dernière porte au fond de la cour. » Elle déplore une formation trop exclusivement centrée sur la maternité. En France, seulement 4% des françaises ont recours à la stérilisation à visée contraceptive (appelée également salpingectomie) alors qu’il s’agit de la première méthode contraceptive au niveau mondial.
Tout comme le choix de devenir parents, celui de ne pas vouloir fonder une famille doit être respecté. Être Childfree n’est pas être « égoïste », c’est simplement le fait de ne pas ressentir ce désir de parentalité. Ce choix est propre à chacun.e, il découle d’une réflexion personnelle et réfléchie. L’idée que d’autres héritages tels que le matrimoine ou encore l’héritage culturel issu des mères, mérite aussi de traverser le temps.
« Les femmes produisent des œuvres et le fait de vivre sa vie est d’ailleurs une œuvre personnelle. »
Edith Vallée