Selon l’INSEE, la population active française se répartit entre 25,5 millions de salariés, d’une part, et 3 millions d’indépendants, d’autre part. La proportion de ces derniers a toutefois tendance à croître depuis le début des années 2000 (+145% en 10 ans). Dans ces conditions, comment mieux prendre en compte leurs besoins, notamment en termes de protection sociale ? Pour répondre à cette question, nous avons rencontré Marie Janowiez, co-fondatrice de Caravel, plateforme proposant une complémentaire retraite responsable spécialement pensée pour les indépendants…
Article rédigé par : ZIEL Jérôme
Marie Janoviez a suivi un parcours traditionnel : école de commerce, stages au sein de grands groupes, notamment Accor. Bien que ne se destinant pas à l’entrepreneuriat, elle s’implique dans la création de trois sociétés successivement. D’abord l’Épicerie Créole (vente de produits alimentaires exotiques) puis Ympala (cadeaux de naissance), et enfin Caravel à l’été 2021. Parmi ses sources d’inspiration, elle cite le livre de Laetitia Vitaud, Du Labeur à l’ouvrage, paru en 2019. L’autrice souligne l’obsolescence du schéma traditionnel autour duquel les individus ont construit leurs vies jusqu’à présent : (i) formation ; (ii) vie professionnelle ; puis (iii) retraite. En effet, à l’heure actuelle, avec la vogue des reconversions notamment, nos vies sont désormais « multi-phasées ».
Cette porosité entre l’univers des salariés et celui des indépendants peut apparaître comme un retour en arrière. Cependant, elle permet à chacun d’expérimenter afin de voir ce qui lui correspond le mieux. Comme le souligne Marie, « il faut d’abord apprendre à se connaître pour déterminer ce qui nous convient le mieux. Par ailleurs, nos préférences sont susceptibles de changer au cours de notre vie. Nous traverserons des phases durant lesquelles nous rechercherons la sécurité et la prévisibilité du statut de salarié. À d’autres moments, nous aurons besoin de la liberté et de l’autonomie permises par le statut d’indépendant ».
Retraite des indépendants : peut mieux faire !
Qui sont les indépendants en France ? Cette catégorie recouvre des profils variés. Cela peut aller du freelance offrant des prestations intellectuelles externes aux entreprises ; au petit commerçant ou à l’entrepreneur ; ou encore à l’exploitant agricole, sans oublier les professions libérales.
Tout comme le régime général de retraite, celui des indépendants est soumis à la diminution du ratio actifs/retraités. Selon Marie, « dans les années 1970, nous en étions encore à un ratio de quatre actifs pour un retraité. Aujourd’hui, nous en sommes à moins de deux actifs pour un retraité. Nous allons bientôt nous retrouver avec un actif pour un retraité ». Le système du financement de la retraite par répartition menace donc ruine.
Depuis la création de ce système en 1945, des évolutions sociétales se sont produites. Dans certains cas, il ne répond donc plus aux besoins. Les questions liées à la retraite des femmes ou des personnes reconverties ne sont ainsi pas suffisamment prises en compte. Marie s’en offusque : « certaines femmes, après avoir travaillé toute leur vie durant, se retrouvent dans des situations de précarité une fois arrivées à la retraite ! Cela nous paraît tout simplement inconcevable ! »
Bien entendu, le système change en vue de prendre en compte certaines évolutions en cours, profondes. « Mais pas assez rapidement », regrette Marie.
Un système inadapté aux parcours non linéaires
Ce manque de flexibilité provient des principes fondateurs du système de retraite français. Au sortir de la guerre, il s’agissait d’offrir une formation à un individu avant son entrée dans la vie professionnelle. Par la suite, ce dernier bénéficiait de tout un package social, dont l’accès aux prestations de sécurité sociale, attaché à son contrat de travail. Enfin, au terme de sa carrière, il pouvait prétendre à une retraite bien méritée…
Il fallait donc accepter de se couler dans ce moule. Dans le cas inverse, tout était plus compliqué. Selon Marie, « ne serait-ce que pour le calcul des droits à la retraite, les changements fréquents de carrière génèrent des risques d’erreurs multiples. Car les régimes ne sont pas uniformisés. Ainsi, les modalités de la validation des trimestres et de l’accumulation de points varient d’un régime à l’autre ».
La protection sociale des indépendants : insuffisante
Par ailleurs, la protection sociale des indépendants est bien moins avantageuse que celle des salariés. Certes, certains changements positifs se produisent et des syndicats d’indépendants se sont créés. En septembre 2021, le Président Emmanuel Macron a présenté son plan en faveur des indépendants. Ce dernier a permis l’amélioration de l’accès à l’assurance chômage, à la sécurité sociale ainsi qu’une meilleure protection du patrimoine en cas de faillite. Selon Marie, « une évolution se dessine donc, mais il existe encore de vrais sujets de protection sociale ».
En particulier, la chute de revenus des indépendants retraités est estimée à 50%, voire 60%. La moyenne des retraites est ainsi estimée à 1.200 € pour les indépendants, contre 1.400 € pour les salariés. Comme le souligne Marie, « les statistiques montrent donc que les indépendants sont défavorisés. Dans ces conditions, la souscription à une retraite complémentaire peut s’avérer judicieuse ».
Caravel : des investissements responsables et transparents
Comme la collecte de l’épargne auprès des particuliers est une activité relativement sensible, Caravel adosse son activité sur APICIL, troisième groupe de prévoyance en France, conformément à la réglementation en vigueur. En outre, Caravel bénéficie de tous les agréments nécessaires. En particulier, elle est immatriculée au registre des intermédiaires en assurance. De plus, elle travaille sous le contrôle de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution.
Concernant les investissements réalisés grâce à l’épargne des clients de Caravel, cette dernière a établi un cahier des charges strict et une philosophie précise de l’investissement. Selon Marie, « nous oublions que notre épargne finance l’économie réelle, c’est-à-dire des entreprises et autres projets. Elle ne repose pas simplement dans un coffre-fort à la banque ».
Habituellement, le système demeure opaque et les épargnants ont beaucoup de mal à savoir comment est utilisé leur argent. Selon Marie, « Caravel, au contraire, garantit la transparence et la traçabilité des investissements ‘responsables’ qu’elle réalise grâce à l’épargne de ses clients. Ce qui ne pourra que les satisfaire. Car aujourd’hui, rappelle-t-elle, mettre son épargne-retraite sur des fonds verts ou responsables est 27 fois plus bénéfique pour l’environnement que le simple fait d’arrêter de prendre l’avion et de devenir végan ».
Prix 2021 Impact Environnemental et Sociétal décerné par France Fintech
La mission de Caravel vise à garantir à toutes et à tous une retraite dont chacun(e) pourra profiter au sein d’un environnement préservé. Comme l’explique Marie, « le prix Impact Environnemental et Sociétal a mis en évidence la dimension sociale de notre projet. En effet, nous offrons à ceux qui ont suivi des carrières non linéaires la possibilité d’échapper à la précarité, une fois atteint l’âge de la retraite. Dans le même temps, nous réalisons des investissements préservant l’environnement ».
Cela explique sans doute la raison pour laquelle le cahier des charges élaboré par Caravel pour sélectionner les fonds d’investissements intègre des critères extra-financiers. Ces critères sont dits « ESG » (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Parmi les labels privilégiés par Caravel, Marie cite GreenFin, qui distingue les fonds finançant la transition écologique.
A contrario, Caravel refuse absolument de financer les énergies fossiles. « Par ailleurs, nous offrons la possibilité de choisir des thématiques, telles que l’accès à l’eau potable. Par la suite, au-delà des secteurs, nous allons ajouter le critère de la sélection par projet, tel que la lutte contre le changement climatique ».
Caravel : un outil flexible
La plateforme Caravel intègre des calculateurs et des simulateurs permettant au client d’ajuster sa cotisation. Une fois que la personne a pris sa décision, il lui suffit alors de créer un compte sur la plateforme. Il pourra notamment ajuster sa cotisation d’un mois sur l’autre en fonction de l’évolution de ses revenus, en profitant de la flexibilité offerte par Caravel. Comme le précise Marie, « notre produit est conçu tout spécialement à l’attention des indépendants qui ne savent pas exactement combien ils vont toucher d’un mois à l’autre. De plus, la réforme des retraites impose que tout le monde cotise à titre individuel. Or, cela correspond justement à la raison d’être de Caravel ».
Avant de refermer notre entretien, nous demandons à Marie de nous confier une anecdote illustrant la philosophie de son projet. Elle se souvient alors que, avant de procéder au lancement sous le nom de Caravel, l’équipe avait d’abord choisi le nom de projet ‘Caracas’. « Nous nous sommes dit que ce nom n’était pas suffisamment évocateur. Nous avons donc finalement opté pour Caravel en référence au fait de voguer paisiblement vers l’horizon de sa retraite. »
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