Réforme des retraites : les femmes sont-elles gagnantes ?

Réforme des retraites

« Les femmes seront les grandes gagnantes du système universel » répétait Édouard Philippe lors de son discours devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Mais est-ce réellement le cas ? Ô Magazine a décortiqué pour vous ce nouveau système des retraites.

Le gouvernement assure que cette nouvelle réforme des retraites sera plus juste envers les femmes, notamment celles pénalisées par des carrières hachées et plus courtes. Cependant, selon des militantes féministes, historiennes, économistes ou encore syndicalistes, ce futur système les pénaliserait davantage. 

Les inégalités salariales

En moyenne, les femmes gagnent 15,5% de moins que les hommes en France. De plus, le système actuel des retraites ne réduit pas ces inégalités salariales. En effet, les femmes touchent en moyenne 18% de moins que les hommes à la retraite. Néanmoins, le futur système permettrait de réduire ces écarts de pension de 3 à 5 points de pourcentage. 

Édouard Philippe assure que la revalorisation du minimum retraite à 85% du Smic net (soit 1 000 euros) bénéficiera aux femmes. Or, cette mesure n’est valable que pour les carrières complètes, ce que beaucoup de femmes n’ont justement pas. La nouvelle réforme des retraites ne gommera pas les inégalités salariales et de carrière entre les femmes et les hommes. En tout cas, pas plus que la précédente. 

Le système par points

Actuellement, avec le système par trimestre, le niveau de pension des retraites est calculé à partir des 25 meilleures années de la carrière. Ce ne sera plus le cas avec la nouvelle réforme des retraites. En effet, cette dernière prévoit un système par points prenant en compte toute la carrière. «Ça va pénaliser les personnes qui ont des carrières heurtées» dénonce Christiane Marty, ingénieure et membre de la fondation Copernic.

En effet, les congés maternité, le travail à temps partiel vont accentuer cette précarité ainsi que les inégalités salariales. Emmanuel Grimaud, conseiller accompagnant les salarié.e.s et futur.e.s retraité.e.s, l’explique dans le journal Les Echos :

« Il faut avoir été salarié sans discontinuer du 1er janvier au 31 décembre, à temps plein pour voir l’intégralité des salaires pris en compte. Les temps partiels, l’intermittence, les salariés licenciés, les congés maternité ou sans solde, viendront diminuer le montant du salaire annuel brut et donc de la retraite. » 

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Alors, tu vas cotiser combien ?

Le congé parental

Il aura fallu attendre les années 70 pour que le congé maternité soit enfin pris en compte dans le calcul des pensions. 

« Les retraites des femmes ont toujours été le parent pauvre de la législation sociale »

rappellent les historiennes Mathilde Larrère et Laurence De Cock, lors d’un meeting féministe à la Maison des Métallos à Paris.

Dans le système actuel, les mères ont droit à 8 trimestres de cotisation par enfant. Avec la réforme, ces dernières percevront des points pendant leur congé. Pour certaines associations comme par exemple Osez le féminisme ! cela pose problème : « en enlevant ces huit trimestres, ça va devenir difficile pour des femmes qui ont des carrières heurtées d’avoir une retraite complète. Elles vont donc subir des décotes. »

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5% de majoration dès le 1er enfant

Autre changement, avec la réforme la mère aura droit à une majoration de 5% par enfant avec une bonification de 2% dès le troisième enfant. Selon le premier ministre, Édouard Philippe, cela permettrait de « compenser la maternité à 100% ». Il a également insisté sur le fait que « cette majoration sera accordée à la mère, sauf choix contraire des parents. »

Mais ce dernier point a un risque d’effet pervers et a fait réagir les associations féministes. En effet, ce sont les femmes qui bénéficieraient par défaut de cette majoration. Néanmoins, le couple pourrait faire un choix dès que l’enfant aura 4 ans. Or, le salaire des hommes est en général plus élevé que celui des femmes. Les couples pourraient donc plus logiquement attribuer cette majoration au père. 

« Pourquoi c’est grave ? Parce que les différences de revenus dans le couple peuvent créer une dépendance économique de l’un vis-à-vis de l’autre, et empêcher ces personnes (les femmes le plus souvent) d’avoir les moyens de partir quand elles le souhaitent. »

déplore Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. 

Un « âge pivot » pour toutes mais à double tranchant

Encore aujourd’hui, 20% des femmes sont obligées de continuer à travailler jusqu’à 67 ans, contre 10% des hommes. Pour le gouvernement le fait d’établir un « âge pivot » à 64 ans permettra de réduire ces inégalités. Toutefois, cet « âge pivot » ne serait pas favorable à tout le monde notamment aux femmes ayant une carrière complète. Elles subiront une décote et seront donc contraintes de travailler jusqu’à 64 ans au lieu de 62 ans actuellement. 

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Sommes-nous gagnantes au final ?

Les pensions de réversion

Le nouveau système prévoit une refonte du modèle de la pension de réversion. Cette pension est versée en cas de décès de l’un des deux conjoints. Elle bénéficie le plus souvent aux femmes (dans 90% des cas). Le gouvernement promet de garantir une pension jamais inférieure à 70% de la somme des retraites du couple avant le décès. Toutefois, la réforme prévoit de faire passer l’âge de réversion de 55 à 62 ans. 

De plus, le divorce ne permettra plus de verser cette pension. Ce changement risque fort de renforcer les inégalités ainsi que la dépendance des femmes, notamment celles victimes de violences. Les militantes féministes insistent grandement sur ce point.

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Les femmes divorcées, premières victimes

Pour terminer, les femmes divorcées seraient les grandes perdantes de cette nouvelle réforme des retraites. En effet, les pensions de réversion pour les futurs retraités leur seront supprimées après 2025. Cette suppression diminuerait encore davantage les retraites des femmes, renforçant ainsi les inégalités. 

Aujourd’hui, cette pension permet très nettement de réduire la pauvreté des femmes âgées car près de la moitié la perçoit. Si elle est supprimée, seules les femmes appartenant à des milieux aisés pourront en bénéficier. Cela traduit une triste méconnaissance de la justice familiale mais surtout un réel danger pour les femmes victimes de violences

« Que se passera-t-il quand il y aura séparation ? Les femmes perdront tout. »

dénonce Céline Piques, porte-parole d’Osez le féminisme !

Les femmes seront-elles gagnantes ? 

Bien que la progression de l’activité féminine permettent aux femmes d’avoir une carrière plus complète, il faut prendre en compte la diversité des profils. D’un côté, il y a des femmes qui ont fait des études et ont des carrières longues. De l’autre, il y a des femmes qui ont des carrières plus hachées. « Il y a des éléments dans la réforme qui sont objectifs, les droits dès le premier enfant, le relèvement à 1.000 euros de la pension minimum. Et c’est un plus, car 40 % des femmes perçoivent moins de 1.000 euros de pension » explique Virginie Aubin, secrétaire confédérale de la CFDT, au journal Les Echos

Malgré certains points positifs, il reste encore des données à mettre en lumière pour espérer arriver à une vraie simulation. De plus, la réforme des retraites ne permettra pas à elle seule de réduire la précarité des femmes et surtout les écarts de salaires. 

« La réforme des retraites n’est pas un aboutissement, le système de retraite ne peut pas tout compenser, ça commence par l’écart de salaire, l’accès à des fonctions ou des métiers, ou travailler sur les métiers typiquement féminins mal payés dont le ménage. »

conclut Virginie Aubin.

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