Harry Potter, un enseignement philosophique

Harry Potter, un enseignement philosophique

La saga Harry Potter, écrite par l’autrice J. K. Rowling, a bercé de nombreux enfants mais aussi adultes à travers son univers magique. Les aventures du jeune sorcier et de ses deux meilleurs amis nous livrent bien plus qu’un enseignement pédagogique. En effet, cet enseignement est avant tout initiatique voire philosophique. 

Dumbledore, le Socrate des sorciers

Dumbledore, directeur de Poudlard, est naturellement décrit comme un sage transmettant le savoir et le désir d’apprendre. Harry verra d’ailleurs en lui une figure paternelle de substitution. Dumbledore enseigne à ses élèves ce qu’ils ont besoin de savoir pour devenir ce qu’ils peuvent être. Il donne à ses élèves la possibilité de suivre leur propre direction. Ces dernier.ère.s sont les acteurs et les actrices de leur propre destin. Tel Socrate, par le biais du questionnement, Dumbledore parvient à ouvrir l’esprit de ses interlocuteurs. Ces derniers trouvent ainsi les vérités en eux-mêmes. C’est ce que l’on appelle la maïeutique, qui se définit par l’accouchement des esprits.

Le mage est le philosophe jusque dans la mort. En effet, Socrate accepte sa condamnation à mort par ses contemporains, il meurt en totale sérénité. Dumbledore, lui, se sacrifie pour l’emporter sur son ennemi, Voldemort. Mais ce sacrifice a un message beaucoup plus initiatique nous explique Raphaël Enthoven, philosophe et écrivain, dans un hors-série du magazine Philosophie : « [Dumbledore] consent à l’idée que la vie ne s’arrête pas avec la sienne. Il donne ainsi à Harry la seule leçon qui lui manquait pour devenir adulte : une vie réduite à l’horizon ténu de l’individualité est un combat perdu d’avance. Avoir peur de mourir, c’est mourir de toute façon. Le courage est l’unique choix de celui qui se sait mortel. » (Harry Potter à l’école des philosophes).

Harry Potter à l'école des philosophe
La baguette choisit son sorcier

Des personnages faustiens dans l’univers d’Harry Potter

Voldemort, la quête du pouvoir  

Le mythe de Faust est basé sur la légende selon laquelle il aurait conclu un pacte avec le Diable. Dans l’univers d’Harry Potter, la première personne qui nous vient à l’esprit, pour incarner cette ambition faustienne, est Lord Voldemort. Il était l’élève le plus brillant de Poudlard mais cela ne lui suffisait pas. Il avait envie d’aller plus loin, de franchir davantage les limites notamment celles de l’immortalité. C’est ainsi qu’il a créé 7 Horcruxes. Ce besoin de pouvoir peut faire basculer le plus pur des élèves du bien vers le mal. 

Albus Dumbledore, entre pouvoir et culpabilité

C’est en ce sens qu’Albus Dumbledore a lui aussi un côté faustien. Pourtant, il ne bascule pas du côté sombre comme son ennemi. C’est en découvrant son passé que l’on se rend compte qu’il n’était pas tout blanc (comme sa barbe). En effet, Dumbledore était un frère arrogant et tyrannique, délaissant sa jeune soeur handicapée. C’est la mort de cette dernière, qui va provoquer un changement radical chez le sorcier. La poursuite de la puissance et du plus grand savoir ne valent pas la peine d’être obtenus s’il y a à côté des victimes collatérales. 

Severus Rogue, le contre-modèle

Enfin, Rogue est également un personnage faustien. Il va très loin dans sa maîtrise du savoir comme en atteste le manuel du Prince de Sang-Mêlé. Mais ce qui fait de lui un des personnages les plus intéressants du livre est sans nul doute sa psychologie complexe. L’enseignante-chercheuse, Frédérique Leichter-Flack, en brosse le portrait suivant : « Sa personnalité et son rôle dans l’intrigue suffisent à faire de lui le personnage le plus intéressant et le plus formidable professeur de défense contre les forces du mal. Il contribue plus que tout autre à la maturation morale et politique des élèves par son caractère d’abord, en intervenant comme un contre-modèle, puis par l’ultime révélation sur son compte. »

« Comprendre que celui qu’on prenait pour un méchant est en fait celui dont la contribution au bien commun est la plus grande est un élément de complexité incroyable qui compte énormément dans le développement moral d’un adolescent. C’est ce qui rend son personnage essentiel dans l’apprentissage de la défense contre les forces du mal. »

Frédérique Leichter-Flack
Harry Potter à l'école des philosophes
Photo : Madame Figaro / Baptiste Blondel

Hermione, une icône féministe

On a souvent vu apparaître, lors de manifestations féministes, des pancartes sur lesquelles le message suivant apparaissait : « Sans Hermione, Harry serait mort au tome 1. » Hermione Granger est intelligente, forte et courageuse. Elle trouve les réponses dans les livres, connaît de nombreux sorts sur le bout des doigts et a déjà sauvé Ron et Harry plus d’une fois. C’est son intelligence qui en fait une femme d’action et la place sur le podium des héroïnes. Hermione est d’ailleurs indiscutablement féministe. Ses traits de personnalité la rapproche de la militante britannique et activiste pour le droit des femmes, Emmeline Pankhurst (1858-1928) ou encore de la socialiste et féministe, Amber Reeves (1887-1981). Tout comme ces suffragettes, elle est persuadée que la libération et le progrès passent par l’éducation. 

Hermione se rapproche également de la pensée kantienne, c’est-à-dire qu’elle « agit comme si la maxime de [son] action devait être érigée par [sa] volonté en loi universelle de la nature »

Harry Potter, ou le passage de l’enfance à l’âge adulte

Pour Sartre, l’existence précède l’essence, c’est-à-dire que l’homme existe d’abord et se définit ensuite, comme il se choisira. Ce qui définit le mieux ce parti pris sartrien est la cérémonie de répartition par le Choixpeau magique, lors de l’entrée à Poudlard. Cette scène est en faveur du libre arbitre, car le Choixpeau tient compte de nos préférences. Dumbledore le rappelle également à Harry dans une de ses répliques : « Ce sont nos choix qui montrent ce que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes. » Une pensée très sartrienne, si nous nous définissons comme ce que nous faisons. La saga est d’ailleurs essentiellement basée sur cette pensée. 

« L’homme est non seulement tel qu’il se conçoit, mais tel qu’il se veut, et comme il se conçoit après l’existence, comme il se veut après cet élan vers l’existence, l’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait. »  

Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme.

Néanmoins, pour voler de ses propres ailes, Harry doit vaincre sa peur de devenir adulte et responsable. « L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait » et Harry doit mourir pour passer de l’enfance à l’âge adulte. Le professeur de philosophie, Antoine Rogé, nous l’explique de la façon suivante : « Dès lors, on peut lire toute la saga comme le cheminement par lequel Harry cesse d’être le jeune garçon que l’on guide et protège pour devenir un sujet adulte et responsable. Affronter la mort prend ainsi le sens de mourir à son enfance. Prendre son indépendance, s’émanciper des tutelles, voilà le défi majeur qui s’impose à Harry et dont la lutte contre Voldemort constitue la mise en intrigue. »

Harry Potter a beau être un livre de jeunesse, il n’en reste pas moins parsemé de diverses allusions au monde des Moldus contenant également des sujets sensibles tels que le racisme, la lutte des classes ou encore le totalitarisme. Quoi de plus normal d’en faire un enseignement philosophique qui parlera aux plus jeunes comme aux plus âgés.

Cet article a 2 commentaires

  1. Estelle Corre

    Cet article est très intéressant pour la fan d’Harry Potter que je suis. Vraiment original comme parallèle, j’ai adoré.

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