L’expérience-client olfactive par Natarom, selon Yohann Lavialle

L'expérience-client olfactive par Natarom, selon Yohann Lavialle

Quand on demande à Yohann Lavialle quel est son métier, ce dernier se définit comme un conseiller en création d’ambiances olfactives. L’entreprise qu’il co-dirige, Natarom, représentait d’ailleurs le savoir-faire français en matière de marketing olfactif lors du dernier salon du Made in France (MIF Expo) qui s’est tenu à Paris / Porte de Versailles en novembre dernier. Cherchant sans relâche à aider ses partenaires à optimiser l’expérience vécue par leurs clients, Yohann a accepté de répondre à nos questions. Il a ainsi levé un coin du voile sur son activité, peu connue du grand public. Voyage au cœur de l’expérience-client olfactive…

Yohann a commencé sa carrière dans le numérique, en tant que simple salarié au sein de grands groupes. Cependant, lorsque son père lui a proposé de rejoindre l’entreprise familiale, Piot et Tirouflet, il y a de cela quatre ans, Yohann a accepté de relever le défi. Fondée à Bondoufle (Essonne) en 1944, Piot et Tirouflet a été rachetée par le grand-père de Yohann dans les années 1980. Spécialisée dans la fabrication de pompes à membrane, l’entreprise est aussi entrée en 1993 sur le marché de la parfumerie en créant une marque dédiée à cette activité, Natarom.

L'expérience-client olfactive par Natarom, selon Yohann Lavialle
Yohann Lavialle (c) Natarom

Natarom : entre conseil en marketing olfactif…

Aujourd’hui, Natarom a adjoint à la fabrication de diffuseurs de parfums une activité de conseil en matière d’expérience-client. Selon Yohann, « notre cœur de métier consiste désormais à créer des ambiances olfactives sur des points de vente, de façon à favoriser l’expérience-client, et partant la décision d’achat ». Lorsqu’il conseille ses clients, Yohann s’appuie bien entendu sur la gamme étendue de diffuseurs produits en propre par Natarom. Quant aux essences, elles lui arrivent directement de Grasse, capitale mondiale du parfum. Il y fait travailler les meilleurs parfumeurs afin d’obtenir les fragrances que les équipes de Natarom ont imaginées en vue d’optimiser l’expérience-client.

Comme il l’a rappelé, « nous sommes les seuls à proposer un catalogue de 90 parfums en permanence. Nous sommes également en mesure de créer du sur-mesure pour un client qui a une idée, un message particuliers à faire passer. Entre le chimiste qui va jouer avec les molécules et la demande spécifique de notre client final, nous jouons le rôle d’une courroie de transmission ».

« Par ailleurs, a ajouté Yohann, nous accompagnons les salariés souhaitant améliorer leur environnement professionnel grâce à des odeurs propices au travail ». Ces dernières années, la multiplication des open-spaces a poussé certains départements RH ou certaines directions d’entreprises à faire appel à Natarom. Il s’est alors agi de diminuer le stress au travail, pour apaiser les salariés et faire en sorte que venir au travail ne soit plus une angoisse.

… et produits dérivés parfumés

En outre, Natarom a fait l’acquisition en juin 2020 d’une activité de fabrication de produits dérivés parfumés : bougies, capillas, etc. Autant d’objets diffuseurs de parfums désormais développés et fabriqués en interne. « Nous fabriquons des bougies parfumées vendues par de grandes marques. Ces dernières s’occupent du marketing et de la vente en ligne. Nous prenons en charge leur fabrication, à partir de cires végétales, pour des articles de milieu/haut-de-gamme ».

Enfin, en ces temps de pandémie, Natarom a lancé une ligne de gels hydroalcooliques parfumés. Cela a permis à la société de maintenir une activité pendant les restrictions. Comme l’a précisé Yohann, « la sortie de ces gels a correspondu à notre volonté de contribuer à l’effort national de lutte contre le virus. Nous avons ainsi fait jouer notre réseau au sein de la Cosmetic Valley. Différents acteurs ont accepté de travailler avec nous, car ils nous connaissaient déjà. Cependant, nous n’avons jamais fait de marge avec le gel hydroalcoolique parfumé. Mais, au moins, nous avons pu continuer à travailler ».

Natarom : un mini-groupe français centré sur l’olfactif

Depuis qu’il a rejoint le groupe familial, Yohann a tenté d’y apporter un certain renouveau. Comme il l’a expliqué, « nous avons aujourd’hui une opportunité ‘étrange’. Nous avons pu emprunter plus facilement, notamment grâce au soutien de l’État en cette période compliquée… Avec ces nouvelles facilités financières, nous avons fait le pari d’investir et de nous développer. Personnellement, je veux prouver que l’on peut réussir une stratégie d’entreprise, même si on est un ‘(petit-)fils de’. Notre stratégie consiste donc à mettre en place un mini-groupe, avec plusieurs entreprises auxquelles nous avons adjoint un bureau d’études autour du concept de l’expérience-client olfactive ».

Natarom dispose d’un partenariat fiable avec un bureau d’études, désormais intégré dans ses locaux. Les diffuseurs de parfum sont ainsi conçus en interne. Leurs prototypes sont fabriqués à Bondoufle même. L’entreprise a recours à des tôliers situés en Picardie, à des parfumeurs situés à Grasse. L’électronicien historique de l’entreprise se trouve en Seine-et-Marne, à la limite avec l’Essonne. « Cependant, il est vrai que nous sommes obligés d’importer certains composants électroniques d’Asie car ils n’existent plus chez nous », a déploré Yohann.

L'expérience-client olfactive par Natarom, selon Yohann Lavialle
Diffuseur de parfum (c) Natarom

L’expérience-client olfactive

Fort de ces atouts, Natarom a placé l’expérience-client au cœur de sa démarche, en partant du constat suivant. Aujourd’hui, a expliqué Yohann, « nous avons tout virtualisé si bien que nous achetons tout en ligne. Donc, si quelqu’un fait l’effort d’aller en boutique, c’est pour vivre une expérience, de préférence multisensorielle ».

Natarom travaille par conséquent l’expérience-client du point de vue olfactif. Car, physiologiquement, l’odorat est le seul de nos sens faisant intervenir deux parties du cerveau. La première va décrypter les ressentis, tandis que la seconde va enregistrer un souvenir, une émotion. Tout se passe donc au niveau de l’inconscient. « Nous créons ainsi une ambiance correspondant aux attentes du client. Nous cherchons à ancrer dans son cerveau l’expérience qu’il aura vécue sur le point de vente. S’il en garde un bon souvenir, il se remémorera le côté magique des notes parfumées qu’il aura perçues. Nous aurons alors gagné notre pari ».

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La dimension fondamentale du conseil

Prenons le cas d’un établissement qui vend du pain ou des viennoiseries. Ce dernier demande une odeur de pain au chocolat à Yohann. Ce dernier va le lui déconseiller. « En effet, cela induira une rupture dans l’expérience-client. Aussi brillants que soient les artisans, à la fois le pâtissier et le parfumeur, ce dernier ne pourra être en mesure de reproduire l’odeur exacte des pains au chocolat sortant du four du pâtissier. Ce décalage fera penser au client qu’on lui aura menti ! »

Natarom conseillera alors plutôt un parfum comportant une note gourmande et agréable, à l’exclusion du pain au chocolat. « Je suggérerais au client de travailler le thème de la madeleine, ou du financier. Ce genre de parfums est apprécié par de nombreuses personnes. En outre, il est susceptible de donner une vraie identité olfactive au lieu de vente ». Le pari consistera à donner envie au client d’acheter un cappuccino… ou tout autre produit tournant autour de la gourmandise pâtissière.

Natarom est en mesure de fournir un large éventail de parfums, même parmi les plus surprenants. Par exemple, Yohann s’est souvenu qu’un bar lui avait demandé de créer une ambiance postapocalyptique. « Nous avions donc travaillé des odeurs de poussière, de pierre et de métal » pour une expérience-client… désarçonnante !

L’herbe coupée, un parfum qui a fait mouche !

Afin de nous démontrer la puissance évocatrice de certaines ambiances olfactives, Yohann nous a raconté ce rendez-vous avec un de ses clients. « Mon interlocuteur restait concentré, prenant des notes. Il ne levait jamais la tête pour me regarder, ce qui me frustrait un peu, car je suis une personne d’échanges. J’ai alors voulu briser l’ambiance de cet entretien, trop sérieux à mon goût. J’ai proposé un jeu autour d’échantillons de différents parfums que j’ai demandé au client d’identifier. » Le premier échantillon correspondait à de l’herbe coupée. Tout à coup, le prospect de Yohann a posé son stylo, a relevé la tête, les yeux brillants de larmes. « Cela me fait penser à mon père, lorsqu’il coupait l’herbe dans le jardin de la maison familiale », a-t-il fini par lâcher.

Sans s’en rendre compte, Yohann avait fait remonter des souvenirs qui avaient ému son interlocuteur. « Cela m’a fait prendre conscience de ma responsabilité en tant que créateur d’expériences-clients olfactives. Je me suis dit que je ne pouvais pas jouer avec les émotions des gens », en a-t-il conclu. Cela lui a également démontré la pertinence de sa démarche. En encapsulant le message et l’identité de son client dans un parfum, il transforme ce dernier en une authentique madeleine de Proust…

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