Demonia, derrière la porte, se découvrir

Demonia

Les Loveshops proposent les coquineries pour s’amuser en jouissant, pour prendre du plaisir et en donner, pour jouer au sexe, à deux, en couple ou avec des inconnus. Mais le lieu caché de Paris 11e arr, c’est autre chose. Demonia répond à ceux qui vont plus loin, à ceux qui jouissent encore, lorsque d’autres (« 1, 2, 3…”) ne jouent plus.

Par Bénédicte

Demonia c’est un D majuscule, dans une jolie police énigmatique, plaqué sur un mur d’immeuble apparemment sans intérêt. Ce D reste au-dessus des deux portes aveugles en métal lourd. Ouverte de l’après-midi à l’après soirée, la rampe obscure n’annonce pas une ambiance qui accueillerait du tout-venant, du curieux moqueur ou du promeneur pervers. On y va parce que l’on sait ce que l’on vient y faire. Ou parce que l’on cherche un cran bien au-dessus.

Préliminaires

La boutique Demonia est la première étape des préliminaires. C’est le moment où j’imagine ce que l’on pourrait me faire. Ainsi, je vois la forme brillante et lisse, le métal froid et dormant et mon imagination le met immédiatement en scène autour de mon cou. L’image de moi, me soumettant aux coups et aux gifles. J’imagine malgré tout cette machinerie venir m’ouvrir, découvrant à la lumière mes zones les plus humides. L’image nette et dure de quelque peau s’étirant dans un long réveil nerveux que je devrais contenir. Je brûle… sentir ma cuisse rougie, mon œil pleurer, mes bras crispés.

Je me vois plus tard et je me vois maintenant. Moi, une femme qui marche avec une nonchalance disciplinée, un geste précis, un pas presque bruyant. Je me penche, je retiens mon doigt de vouloir caresser par-dessus la vitrine. D’ailleurs, je me regarde commencer une sorte de masturbation dans l’imaginaire, dans un fantasme qui veut s’incarner. Un rêve qui peut se réaliser aisément, car tout est là, en face de moi, je n’ai qu’à choisir ce avec quoi l’on me fera jouir de douleur. Je n’ai qu’à désigner la taille, dans une bravade aventurière. Je n’ai qu’à penser que la vie n’est rien, si elle n’est pas aussi cette découverte fulgurante.

Prise de pouvoir avec Demonia

En arpentant les allées, en m’arrêtant face aux grillages, j’envisage. Je vois les désirs, les attentes et les possibles que je pourrais faire vivre. Je vois mes ongles armés qui lentement griffent une chair trop blanche. Il est là, c’est un homme à genou, une tête de chien, un corps socialement construit que je rabaisse avec sensualité d’une botte dompteuse. Et il y a mon corps exposé en déesse pour lequel chacun demandera pardon, avec une sincérité religieuse. Je sais que le monde est ailleurs que dans les tralalas de la politique et le blablabla de la rue. Je perçois avec clarté bienveillante qu’une vie nouvelle est possible, au travers des relations interdites, honteuses, jouissives, possessives et dominantes. Quelques instants définitifs. Grâce à Demonia.

Dominer c’est ainsi constater l’arrivée à bon port d’un esprit torturé. Le voir grandir dans ses liens invisibles pour trouver le sens de sa si temporaire vie. L’entendre bêler de larme, qu’il n’y voit que le flou contrarié des sentiments. Dominé pour également sentir son cœur battre et la vie prendre goût.

Marchand du temple BDSM

Goût du crachat, humiliation de la cravache, gifle du temps, esthétique de la douleur, exposition du plaisir. Le BDSM n’est pas une déviance. Il est un chemin de soi vers le monde, et du sexe vers soi donc. Il n’y a pas de sens, de durée, de comptabilisation des tortures dont est capable l’humanité pour se sentir vivre, pour se savoir exister pleinement. Le BDSM est la métaphysique du corps moderne. Et Demonia est son vestiaire.

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